Depuis sa création, l’Office Central des Stupéfiants (Ocs) mène une lutte farouche contre le trafic et la consommation de la drogue au Mali. Chaque année, il saisit plusieurs tonnes de produits et interpelle plusieurs acteurs impliqués dans la chaîne de trafic des stupéfiants. Pour mieux édifier nos lecteurs sur les activités de cette structure, nous nous sommes entretenus avec son Directeur général, le Magistrat-Colonel Adama Tounkara, qui a non seulement expliqué les missions de l’OCS, mais aussi a saisi cette occasion pour évoquer les performances obtenues en 2018. Aussi, a-t-il demandé l’accompagnement de la population pour la réussite des objectifs de cette structure.
Le Pays : LOCS, c’est quoi précisément ? Et quelles sont ses missions ?
Magistrat-Colonel Adama Tounkara : L’Office central des Stupéfiants (OCS) est un service central du Ministère de la Sécurité. Il est chargé de la coordination de la lutte contre les stupéfiants et de la répression du trafic et de la consommation illicite des drogues au Mali. L’OCS a aussi une mission de prévention, c’est-à-dire qu’elle s’occupe de la réduction de la demande. Aussi, est-il chargé de sensibiliser les populations par rapport aux risques du trafic ou de la consommation des stupéfiants.
Quels sont vos moyens d’intervention ?
Ce qu’il faut savoir d’abord, c’est qu’en termes de structuration, l’OCS a une antenne dans chacune des régions, donc nous couvrons l’ensemble du territoire national. Et dans chacune de ces antennes, nous avons un certain nombre de personnels chargés de lutter contre le trafic de la drogue. Ces différentes antennes sont chargées de la coordination au niveau régional et travaillent en symbiose avec la Police, la Gendarmerie et les Douanes pour ce qui concerne la lutte et le suivi des affaires au tribunal.
En termes de bilan, qu’est-ce qui a été réalisé en 2018 ?
En termes de personnes interpelées tout au long de 2018, elles sont au nombre de 115, de nationalités différentes. Sept nationalités précisément. 04 personnes sont activement recherchées et 86 sont déjà déférées. 93 des personnes interpellées sont des Maliens. Dans le lot des étrangers, il y a un Chinois, deux Guinéennes, cinq Nigérians (quatre hommes et une femme), une Zimbabwéenne et trois Burkinabés.
En ce qui concerne les drogues saisies, nous avons enregistré la saisine de 13 tonnes 187 Kg 141 g de cannabis ; 7,6 kg d’héroïne ; 500 g, 01 brique et 40 boules de Haschisch ; 62, 93 Kg de crack ; 6 tonnes 941 Kg 255 241 comprimés de tramadol ; et 04,6 kilogrammes de méthamphétamine.
Quelle est la destination de ces stupéfiants saisis ?
Courant 2018, à Kayes, nous avons procédé à l’incinération de tous les produits saisis dans cette région. Mais avant cela, au mois de mars 2018, nous avons procédé aussi à une incinération dans le cercle de Kati de tous les produits saisis dans la portion centrale du district de Bamako, produits saisis par l’OCS, par la Police et par la Gendarmerie. Je voudrais vous dire ici qu’à chaque fois que nous avons une quantité de drogues dans nos magasins, nous procédons à son incinération en suivant la procédure légale. Ce qui implique la présence de toutes les autorités concernées par la question. Et nous invitons nos chefs d’antennes des régions à saisir les gouverneurs pour l’incinération des produits saisis.
Pensez-vous avoir les moyens d’action permettant d’atteindre les objectifs de l’OCS ?
Nous faisons avec les moyens que nous avons, mais il est évident que nous n’avons pas tous les moyens. Aujourd’hui, les trafiquants utilisent les nouvelles technologies et il y a des nouvelles technologies aussi qui sont mises à la disposition des services d’enquêtes pour améliorer ou faciliter leur travail. Mais nous, nous n’avons pas tous ces outils-là. Par exemple, à l’Aéroport, nous n’avons pas encore de bodyscann, c’est-à-dire qu’à chaque fois que nous suspectons quelqu’un d’avoir avalé des boulettes, cet appareil permet de le scanner et de voir si la personne a effectivement ingéré des boulettes. Donc, nous n’avons pas ce dispositif au niveau de l’aéroport. Aussi, nous avons une grosse difficulté pour la rémunération de nos informateurs qui constituent un des maillons importants pour la réussite de nos activités. Nous sommes dans un domaine aujourd’hui où les acteurs, rarement ou exceptionnellement, viendraient à se plaindre aux forces de sécurité. Donc c’est à travers les fonds qui doivent être mis à notre disposition que nous allons rémunérer nos informateurs. C’est cela qui nous permettra d’atteindre plus de résultats, mais aujourd’hui, nous sommes confrontés à ces difficultés.
Que préconisez-vous pour une lutte efficace contre le trafic de la drogue ?
Nous le disons toujours ; il faut qu’il y ait une conjugaison des efforts au niveau national et au niveau régional. Il faut qu’au plan national, les différents services chargés de la lutte contre la drogue coordonnent leurs activités. Nous pensons aujourd’hui que l’opérationnalisation de la mission interministérielle (MIM) serait un bon coup de fouet pour cela, parce qu’à travers cette mission interministérielle, il y a beaucoup de dispositifs qui pourraient être mis en œuvre. Les difficultés du moment pourront être surmontées pour permettre d’avoir une stratégie sur le plan national, d’avoir une meilleure relecture de cette menace qui est le fléau de la drogue.
Évidemment, la lutte contre la drogue est une question transversale. Qu’avez-vous fait et que comptez-vous faire pour expliquer cela à la population ?
Aujourd’hui, nous fondons de grands espoirs sur l’opérationnalisation de la MIM. Le secrétaire permanent a été nommé, c’est le magistrat Moussa Kolon Coulibaly. Nous pensons que, dans les jours à venir, toutes les conditions matérielles seront réunies pour que cette mission puisse commencer à fonctionner. Comme je l’ai dit, il y a des commissions qui sont prévues au sein de cette mission-là et qui vont permettre d’aborder le problème de la drogue sous tous ses angles : économique, sécuritaire, sanitaire, éducatif, …L’implication de la jeunesse est aussi très importante. C’est pourquoi pour l’année 2019, nous avons souhaité la relecture de ce texte sur la MIM qui a été adopté en 2016 parce que nous avons, quelque part, omis la société civile qui a un rôle important à jouer. Nous pensons que si toutes ces conditions sont réunies, cela ne pourrait que renforcer davantage les acteurs chargés de la lutte contre le trafic de stupéfiants.
La presse a-t-elle été associée à ce combat contre le trafic de la drogue ?
Évidemment, la presse a été associée. Nous avons initié une formation à Sélingué à l’endroit des hommes de médias en décembre dernier. Une soixantaine de journalistes ont participé à cette formation à l’issue de laquelle est né un réseau des journalistes spécialistes de la question.
Votre dernier mot à l’endroit de la population
L’appel que nous lançons à la population, c’est sa collaboration, son soutien. Nous avons besoin d’informations ; nous avons besoin de renseignements qui constituent la sève nourricière de nos activités. Comme on le dit, on est un service public, et c’est pour ces populations que nous travaillons. Puisque nous ne sommes pas partout, nous avons besoin que les populations qui se sentent menacées par le trafic de drogues ou sa consommation nous saisissent afin que nous puissions prendre des mesures rapides pour circonscrire ces activités malveillantes.
Je dois au passage rassurer les populations que la protection de nos sources d’information est garantie et il n’y a aucune raison d’avoir des craintes pour esquisser ce pas citoyen de participation à la lutte contre le trafic et la consommation illicite de drogues. C’est un devoir patriotique, car nous devons, chacun à son niveau, œuvrer à lutter contre le trafic et la consommation illicite de drogues.
Interview réalisée par
Boureima Guindo
Source: Le Pays