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Le G5 Sahel est une force militaire de défense internationale et non une escroquerie intellectuelle.

Cher Louis,

Le titre accrocheur et un rien provocateur de votre article, « Pourquoi le G5 Sahel est-il une escroquerie ? », interroge. Une fois votre texte lu, on reste un peu sur sa faim et on ne voit pas très bien où vous voulez en venir.

Après avoir passé en revue le contexte de la crise malienne et les différentes étapes de l’intervention française, à travers les dispositifs Serval et Barkhane, nulle part vous ne remettez pas en cause leur bien-fondé. Pour cause, il s’agissait même pour vous « d’empêcher que les troupes djihadistes », déjà présentes sur une bonne partie du sol malien « n’étendent leur zone de contrôle à l’intégralité du territoire » ce que vous saluez.

Comme vous, tout le monde savait que le l’objectif des djihadistes était de poursuivre leur macabre dessein, à savoir, s’avancer plus au centre du Mali puis probablement atteindre et occuper Bamako. Rien qu’à l’imaginer, les conséquences d’un tel scénario auraient été incalculables, irrattrapables et catastrophiques pour le Mali mais, aussi, pour la sous-région et au-delà. A cette époque, aucune voix significative n’a manqué pour approuver l’intervention française au Mali : ONU, UA, OTAN, UE, Algérie, Chine, Maroc, Turquie, Japon, Chine… Rappelons que l’armée française est intervenue à la demande des autorités légitimes maliennes de l’époque. Aucune troupe française n’était pré-positionnée sur le territoire malien comme c’est le cas dans d’autres pays de la sous-région.

C’est pour cela que votre allusion au génocide rwandais apparaît quelque peu légère. Il est en effet difficile de comprendre cette allusion tellement la situation du pays des mille collines est différente et aux antipodes de celle du Mali. Il est vrai que comparaison n’est pas raison, mais tout de même. En premier, le conflit au Rwanda a opposé deux « ethnies » : Hutu et Tutsi. Ce qui n’est pas le cas pour la crise malienne où les protagonistes n’étaient pas « ethniques » au sens rwandais du terme. La distinction était plutôt géographique, entre nord et sud, chacune de ces zones géographiques comprenant plusieurs ethnies, différentes, le plus souvent sans grand lien. Ensuite, il est difficile de croire que « s’il n’y avait pas eu le génocide des Tutsis au Rwanda (…) peut-être que les troupes françaises se seraient retirées du Mali à la fin de l’opération Serval ». Les conditions et le contexte maliens de 2012 n’ont pas grand-chose à voir avec le Rwanda de 1994. L’environnement politique et le contexte géostratégique, les hommes et les leaders en place, les enjeux de pouvoirs et les intérêts des parties prenantes n’ont quasiment rien de commun.

Expliquer le passage de Serval à Barkhane par ces considérations n’est pas très accrocheur. Barkhane n’intervient pas vraiment pour éviter de « de livrer les tribus à la vindicte », mais pour étendre la mission d’intervention des forces de défense françaises au-delà du territoire malien. D’ailleurs, au sujet de Serval, l’opinion malienne l’avait généralement jugée comme « un succès à plus d’un titre ». Barkhane prend le relais, son commandement est basé au Tchad, sa mission consistera à lutter contre le terrorisme dans tout l’espace sahélien.

Que le G5 Sahel « ressemble au mieux à une greffe qui aura beaucoup de mal à prendre » est une affirmation bien plus compréhensible. D’ailleurs, qui dit greffe dit maîtrise des éventuels phénomènes de rejet… Il est vrai que le G5 Sahel manque encore de moyens, matériels, financiers et humains, et sous certains aspects, d’une réelle volonté politique émanant de certaines de ses composantes. Que dans sa démarche, la France cherche, par sa présence et son action dans le Sahel, à « protéger ses intérêts stratégiques », c’est une évidence ! De la Russie au Pakistan, de la Chine à la Turquie, c’est le b.a.-ba de la politique de tout Etat ! Tout comme il est évident que les pays membres du G5 Sahel cherchent à protéger leurs populations et à sécuriser leurs espaces nationaux.

Pour finir, c’est un leurre que de penser que la présence de la France et son leadership dans le règlement de la crise au Sahel seraient un obstacle quant à l’intervention de pays comme l’Algérie et le Maroc. Pour ce qui concerne l’Algérie, ce pays a adopté une doctrine géopolitique dans le contexte des crises libyenne et malienne, destinée à préserver ses frontières impliquant la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats excluant toute intervention de l’armée algérienne ; l’amorce de processus bilatéraux de coopération avec les pays voisins ; le développement d’un processus multilatéral à travers diverses initiatives.

Dans le cas du Maroc, au regard de son éloignement relatif du théâtre des opérations, il ne pourrait s’impliquer que d’un point de vue politique et diplomatique. Mais c’est déjà un challenge que de faire intervenir ces deux Etats en même temps pour le règlement de la crise malienne, partant, la crise du Sahel. Le défi des maliens et de leurs partenaires du G5 Sahel demeure la recherche de combinaison entre l’Algérie et le Maroc, deux pays qui ont bien d’autres choses à régler au préalable et ensemble avant de se retrouver et d’envisager de travailler sur le règlement des conflits malien et sahélien.

A terme, et c’est le plus important, notre continent devrait assurer sa propre sécurité. Il y va de la survie des nations africaines pour éviter justement de penser à « une escroquerie intellectuelle » là où d’autres préservent plutôt leur sécurité tout en sauvegardant leurs intérêts. Longtemps annoncée, l’initiative de l’Union Africaine de création d’une force africaine de réaction rapide tarde à émerger. Sans concours de la France et des pays de l’Union Européenne par la fourniture de cadres militaires, de moyens tactiques, et d’actions de formation notamment, cette énième initiative également ne verrait sans doute jamais le jour. Les nombreuses autres initiatives de créations de forces de défense communes au niveau continental, régional et sous régional n’ont jamais été, jusque maintenant, de grandes réussites. C’est malheureux. Mais nous ne devons pas nous laisser abattre, nous devons continuer à construire notre continent, nous-mêmes, et cesser de nous lamenter. C’est bien ce que nous chante fort habilement Tiken Jah Fakoly que vous semblez apprécier : « personne ne pourra changer l’Afrique à notre place ».

Mamadou Ismaila KONATE

Avocat à la Cour

mko@jurifis.com

 

Source: .linkedin.com

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