L’exercice démocratique suppose d’une part une majorité et d’autre part une opposition. Installée au sommet de l’Etat, la majorité gouverne et cherche à travers des actes concrets visant satisfaire les préoccupations des populations, à conserver son maintien aux affaires publiques. Quant à l’opposition, elle critique la gestion de la majorité, fait des propositions et se pose en alternative crédible dans la perspective de conquête du pouvoir. En Afrique, les pouvoirs ont du mal à cohabiter avec l’opposition et mettent la machine judiciaire en branle.
En République Démocratique du Congo, le régime crépusculaire de Joseph Kabila a sorti le coup de canif judiciaire contre Moïse Katumbi, son ex-allié devenu aujourd’hui son adversaire le plus redoutable. Une histoire de recrutement de mercenaires américains est en train d’être étudiée à la loupe par la justice. Et l’intéressé qui a déjà obtenu le soutien de plusieurs coalitions de l’opposition pour la prochaine présidentielle a été interrogé par deux fois par le Procureur de la République. A Brazzaville, le maquisard converti en démocrate use de l’artifice de la justice pour harceler ses opposants. Le tchadien Idriss Déby a le don de faire disparaître les opposants à son régime en toute impunité au vu et au su des grands maîtres improvisés du monde, champions autoproclamés en rédaction de communiqués et de diffusion de déclarations. Au Gabon, on brandit des menaces de poursuite contre Jean Ping.
En Guinée-Conakry, Alpha Condé, l’ex-opposant au président Sékou Touré et au Général Lassana Conté, installé aux commandes de l’Etat, cherche par tous les moyens à anéantir son principal opposant, Cellou Dallein Diallo. Pour le moment, ce dernier semble être épargné du feuilleton judiciaire ouvert suite à la mort d’un journaliste au siège de l’UFDG au cours des affrontements entre tendances rivales. Au Sénégal, Karim Wade croupit en prison depuis le départ de son père du pouvoir.
Chez nous, il n’est pas exclu que des fouilles soient effectuées dans les dossiers des leaders de l’opposition afin de leur créer des ennuis judiciaires. Déjà, l’affaire des supposés 27 milliards du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, pourrait annoncer les couleurs avant l’ouverture éventuelle du dossier de la gestion de l’organisation du sommet France-Afrique de 2005 ou celui de l’initiative Riz. Sauf que les apprentis-sorciers de Bamako qui risquent d’être victimes de leurs propres fétiches n’ont ni le talent de stratège politique ni l’expertise du Guinéen Alpha Condé et du nigérien Mahamadou Issouffou.
Incontestablement, la palme d’or de ce matraquage judiciaire contre les opposants revient au Président de la République Mahamadou Issouffou, l’ami de longue date du Président français, François Hollande. Dans une affaire de trafic de bébé, il a emprisonné son principal opposant, Hama Hamadou, durant toute la période de la campagne électorale. De façon bizarre, Hama Hamadou qui s’est qualifié au second tour en déjouant les pronostics du Président sortant et de ses soutiens, obtient une évacuation sanitaire avant la date du scrutin, boycotté par l’opposition. Curieusement, la justice accorde la liberté provisoire au détenu le plus célèbre du Niger qui se trouvait déjà en France pour des soins médicaux. Et cela après la victoire sans gloire de l’ami de François Hollande à la présidentielle. Face à ces instrumentalisations à outrance de l’appareil judiciaire qui perd toute crédibilité aux yeux de l’opinion nationale, le silence des nations occidentales qui se sont autoproclamées gardiennes de la démocratie, est à hauteur de leur culpabilité. Elles sont promptes à condamner les prises de pouvoir par la force à travers la mise en branle de tous les leviers diplomatiques et financiers mais accordent leur soutien total à ces chefs de l’Etat en exercice qui piétinent les principes universels de démocratie pour se maintenir au pouvoir. Elles sont prêtes à soutenir untel ou untel tant que leurs intérêts stratégiques ne sont pas menacés. Quelle hypocrisie !
Chaka Doumbia
Source : le challenger