Il est une problématique juridique fondamentale du procès, parfois instruit en sorcellerie, contre la Cour constitutionnelle en matière de contentieux des élections législatives.
Cette problématique filigranée et peu perceptible, est rarement soumise à interrogatoire par les différents protagonistes de ce tribunal politico-juridique où jusque-là l’analyse juridique profonde semble s’être refusée d’entrer ou n’est entrée qu’avec réticence.
Jusqu’à ce jour, la pratique jurisprudentielle de la Cour constitutionnelle, a consisté à vider définitivement tout le contentieux des résultats des législatives avant la proclamation des résultats dits définitifs du scrutin.
La problématique fondamentale qui en résulte se matérialise par le questionnement suivant : cette pratique jurisprudentielle de la Cour constitutionnelle est-elle en concordance avec le délai qui lui est légalement imparti pour vider le contentieux des législatives ?
La question reste posée, car si la pratique contentieuse observée en la matière, a consisté à vouloir vider définitivement ledit contentieux avant la proclamation des résultats définitifs des législatives, l’analyse combinée des dispositions constitutionnelles et législatives qui en fournissent le substrat juridique, jette un sérieux doute sur son bien-fondé.
Plutôt que d’être coincé dans une sorte de bande d’urgence temporelle séparant la proclamation provisoire de la proclamation définitive des résultats, ce cadre juridique paraît au contraire suggérer un contentieux des résultats des législatives plutôt exonéré de ces contraintes et qui va bien au- delà de la date butoir de proclamation de résultats dits définitifs. A tout le moins, il semble se calfeutrer en la matière, un imbroglio juridique à l’origine de dissonances entre la Constitution, la loi organique sur la Cour constitutionnelle et son Règlement intérieur et la loi électorale.
Ce périmètre normatif dessine pour le compte du contentieux des résultats des législatives, un panorama cacophonique que nous tentons ici de débroussailler à travers les cinq(05) Chapitres de cette analyse.
CHAPITRE I. LA CONSTITUTION ET LA LOI ELECTORALE CONSACRENT LE REGLEMENT DEFINITIF DU CONTENTIEUX DES LEGISLATIVES AVANT L’ENTREE EN FONCTION DES DEPUTES
Nous démontrons dans ce Chapitre qu’aussi bien la Constitution que la loi électorale, s’inscrivent dans la posture normative d’un contentieux des législatives complètement vidé à la proclamation des résultats par la Cour constitutionnelle.
Que dit la Constitution?
Que dit la loi électorale?
On retient à ce niveau que si les résultats proclamés sont définitifs, il ne devrait plus y avoir de procédure contentieuse pendante survivante au-delà. Or, il se trouve qu’à rebrousse-poil de la pratique en cours et sans doute de la Constitution et de la loi électorale, la loi n°97-010 du 11 Février 1997 modifiée relative à la Cour constitutionnelle semble indiquer une autre orientation que nous analysons dans le Chapitre II.
CHAPITRE II. LA LOI ORGANIQUE SUR LA COUR CONSTITUTIONNELLE OUVRE LE CONTENTIEUX DES LEGISLATIVES AU-DELA DE LA PROCLAMATION DES RESULTATS DITS DEFINITIFS
Nous démontrons dans ce Chapitre II que les articles 35, 38 et 41 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle créditent l’idée contraire comme quoi le contentieux des législatives perdure et traîne au-delà de la proclamation dite définitive des résultats et même de l’entrée en fonction des nouveaux députés proclamés élus.
La raison en est que la loi organique sur la Cour constitutionnelle dispose d’une part le recours n’a pas d’effet suspensif et que le député déclaré élu demeure en fonction jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué, et que d’autre part, l’arrêt d’irrecevabilité ou l’arrêt rendu au fond de la requête en contestation de l’élection du député est notifié au Président de l’Assemblée nationale.
Le recours n’a pas d’effet suspensif et le député déclaré élu demeure en fonction jusqu’à ce qu’il soit définitivement statué.
L’arrêt d’irrecevabilité ou l’arrêt rendu au fond de la requête en contestation de l’élection du député est notifié au Président de l’Assemblée nationale.
Nous retenons en conclusion de ce Chapitre que la loi organique sur la Cour constitutionnelle suggère plutôt un contentieux des législatives dessiné aux traits grossiers du contentieux des résultats de l’élection des conseillers des collectivités territoriales.
CHAPITRE III. LES ARTICLES 35, 38 ET 41 DE LA LOI ORGANIQUE CONFORMES A L’ESPRIT DU CONTENTIEUX DES ELECTIONS DES CONSEILLERS DES COLLECTIVITES TERRITORIALES.
Nous expliquons dans ce troisième Chapitre comment les articles 35, 38 et 41 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle sont tombés sous la séduction contentieuse de l’élection des conseillers des collectivités territoriales.
La loi organique semble quelque peu envier l’attitude plutot réaliste des élections locales dont la caractéristique fondamentale est d’assumer courageusement le déploiement de son contentieux des résultats en parallèle avec l’installation et l’entrée en fonction des conseillers proclamés élus. Si le contentieux se déploie parallèlement à l’installation et l’entrée en fonction des conseillers élus, cela signifie que les recours contentieux contre les résultats n’ont pas d’effet suspensif et qu’ils n’empêchent nullement l’élu de continuer d’exercer ses fonctions jusqu’à ce qu’il soit statué.
Nous soulignons toutefois que l’esprit du contentieux des élections locales qui anime implicitement les articles 35, 38 et 41 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle se nourrit au prix de graves entorses à la Constitution d’autant plus choquantes que ladite loi organique est censée avoir été soumise au contrôle obligatoire du juge constitutionnel.
Nous terminons en soulignant un autre trait constitutionnellement bancal de la loi n°02-011 du 05 mars 2002 modificative de la loi organique n°97-010 du 11 février 1997 du fait de la controverse juridique artificielle qu’elle a créée.
CHAPITRE IV. LA LOI ORGANIQUE N°97-010 DU 11 FEVRIER 1997 MODIFIEE SCINDE ARTIFICIELLEMENT LE CONTENTIEUX DE LA PRESIDENTIELLE ET DES LEGISLATIVES EN « CONTESTATION DE L’ELECTION » ET EN « CONTESTATION DE LA VALIDITE DE L’ELECTION »
Ce quatrième Chapitre met le doigt- en espérant ne pas faire si mal- sur ce qui s’inscrit en droite ligne de ce qu’il convient de qualifier de logique infernale de clochardisation juridique du contentieux des élections législatives au Mali.
La loi n°02-011 du 05 mars 2002 qui vient modifier la loi n°97-010 du 11 février 1997 sur la Cour constitutionnelle, tombée dans un délire de tripatouillages inutiles, va scinder le seul et unique recours en contestation de l’élection du Président de la République ou des députés, en deux recours distincts superbement superfétatoires insérés chacun dans un délai spécifique.
Elle vient en quelque sorte en rajouter aux anachronismes de la loi organique 97-010 du 11 février 1997 sur la Cour constitutionnelle.
Nous expliquons que la différenciation établie entre la « requête en contestation de l’élection » et la « requête en contestation de la validité de l’élection » paraît totalement arbitraire.
CHAPITRE V. LE REGLEMENT INTERIEUR DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE ACHEVE D’HYPOTHEQUER LE CONTENTIEUX DES LEGISLATIVES
Ce dernier Chapitre V montre à quel point le contentieux des élections législatives souffre de maltraitance juridique.
Nous expliquons qu’après les articles 35, 38 et 41 de la loi 97-010 du 11 février 1997 sur la Cour constitutionnelle, les tripatouillages de la loi n°02-011 du 05 mars 2002 modificative de la loi n°97-010 du 11 février 1997 sur la Cour constitutionnelle, le Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle en date du 28 août 2002 en remet sur la couche déjà épaisse de désordre juridique qui plane actuellement sur le contentieux des législatives au Mali.
L’article 16 du Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle introduit artificiellement deux types de recours qu’il impose inutilement aux requérants :
– le recours en contestation des opérations de vote ouverts durant les cinq (5) jours qui suivent la date du scrutin ;
– les recours en contestation de la validité de l’élection portant uniquement sur les résultats chiffrés obtenus par les candidats ouverts dans les quarante -huit qui suivent la proclamation des résultats provisoires.
Nous expliquons que le Règlement intérieur opère deux choses. D’une part, il transforme la « contestation de l’élection dans les 5 jours du scrutin » en « contestation des opérations de vote de l’élection dans les 5 jours du scrutin ». D’autre part, il transforme la « contestation de la validité de l’élection d’un candidat dans les 48 heures de la proclamation des résultats » en « contestation dans les 48 heures de l’élection d’un candidat qui ne peut porter que sur les résultats chiffrés obtenus par lui ».
Nous soulignons en gras que ces deux recours sont inséparables, car la contestation de résultats n’est possible que sur la base des irrégularités des opérations de vote.
Nous en concluons que sous le prétexte fallacieux de la distinction entre les requêtes en contestation des opérations de vote et les requêtes en contestation de l’élection, la Cour a paru parfois verser dans le déni de justice en ouvrant une véritable boite de pandore au rejet de nombreux recours contentieux.
L’article 16 du Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle couronne le déni de contentieux des législatives au Mali.
L’article 16 du Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle couronne le déni de contentieux des législatives au Mali couvert par le lourd atmosphère de l’imbroglio juridique entre la Constitution, la loi organique sur la Cour constitutionnelle, le Règlement intérieur de la Cour et la loi électorale.
Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB