Moussa Sidibé, acteur principal du film “Demain à Nanguila” en 1960
Le cinéma africain, une réalité qui désigne les films et la production cinématographique associés aux pays d’Afrique, du nord au sud. Cette expression froisse certaines sensibilités qui assimilent à une tendance à la marginalisation. À notre avis, ce scepticisme ne se justifie point puisque les cinémas de tous les continents portent le sceau de leur origine. On parle du cinéma américain, du cinéma asiatique, du cinéma européen, du cinéma sud-américain … sans que les mêmes sceptiques crient au scandale.
À priori, on peut avaliser la notion de “cinémas africains”, compte tenu de la diversité des contextes sociaux et culturels du continent. Les cinémas africains sont relativement jeunes puisque la production des films a commencé à partir de la décolonisation et des indépendances (surtout en 1960).
On note des exceptions comme l’existence d’une industrie du cinéma depuis le début du XXe siècle en Afrique du Sud, des expériences locales tentées en Tunisie dès les années 1920, le tournage du premier film malgache “Rasalama Maritiora” en 1937 par Philippe Raberojo qui était président d’une association de citoyens français d’origine malgache, ce qui lui a donné la possibilité d’utiliser une caméra 9,5 mm avec laquelle il a pu réaliser son film considéré aujourd’hui comme perdu.
En Afrique francophone, le titre de pionnier du cinéma revient au Sénégalais d’origine béninoise, Paulin Soumanou Vieyra, également premier historien des cinémas africains. Son compatriote Ousmane Sembène, donne l’exemple d’une production engagée utilisant les langues africaines.
Au Mali, la première réalisation de film est intitulée “Demain à Nanguila”, un moyen-métrage fait par un Hollandais du nom de Joris Ivens en 1960 et qui a révélé le premier acteur du cinéma malien, Moussa Sidibé.
Ce film est basé sur la vie au quotidien dans un village du Mali, symbole de l’Afrique de la décolonisation. C’était au temps de la Fédération du Mali qui comprenait le Soudan (actuel Mali) et le Sénégal. Il montre les efforts d’un pays africain nouvellement indépendant pour construire son développement à partir de l’agriculture, en mettant l’accent sur la solidarité à travers les investissements humains.
“Demain à Nanguila” dénonce l’exode rural et met en exergue les courageuses orientations des autorités d’alors pour juguler les méfaits de la ruée des jeunes vers les centres urbains. Le film se veut être le miroir des normes socio-éducatives, de l’encadrement des jeunes en milieu rural des efforts de résolution des conflits en milieu traditionnel. Il témoigne, dans l’ambiance révolutionnaire de l’époque, de la vie nocturne de Bamako, de l’engouement des populations rurales pour le cinéma ambulant, puissant moyen de distraction et d’éveil des consciences des masses.
L’acteur principal du film, Moussa Sidibé, trouvera en cette œuvre le début d’une riche carrière de cinéaste, auteur de plusieurs films d’actualité et documentaires. Caméraman, réalisateur et cadre du Centre national de production cinématographique (CNPC devenu le CNCM), il passe sa retraite administrative à Bamako.
Le titre de pionnier de la réalisation revient à Djibril Kouyaté qui a réalisé en1970 ” Le retour de Tieman” un moyen-métrage dans le style du retour au terroir, à la terre natale. Ensuite, Souleymane Cissé tourne son premier moyen métrage, ” Cinq jours d’une vie”, en 1971.
Le film relate l’histoire d’un jeune qui abandonne l’école coranique et vagabonde dans les rues, vivant de menus larcins..En 1975, il réalise le premier long métrage malien, en bambara, Den Muso (La Jeune fille) à propos d’une jeune fille muette violée par un chômeur. Enceinte, elle subit le rejet de sa famille et du père de l’enfant qui refuse de le reconnaître.
Ces premiers pas du cinéma malien ouvrent la voie aux cinéastes maliens. Bien d’autres talents s’y engouffrent, honorant le Mali de bien de trophées dans des festivals de cinéma à travers le monde.
Source: L’Essor- Mali