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L’assassinat de la République par les garants de la Constitution

Le dernier événement en date (après les violations flagrantes du droit constitutionnel des prévenus à un procès rapide, droit constitutionnel à la grève), la prorogation du mandat de nos « honorables députés », ne peut être justifié en droit. Il constitue une violation caractérisée et assimilable à une révision de fait de la loi fondamentale. Le fait qu’il ait été cautionné par la Cour Constitutionnelle, institution dont les avis sont plutôt vacillants et contestés, ne lui ôte pas son caractère « anti-constitutionnel ».

La Constitution de 1992, acquise au prix du sang de nombreux patriotes maliens, vient de subir en deux mois des violations graves caractéristiques d’une révision faite à l’insu du peuple. En effet, les atteintes répétées, œuvres d’une poignée d’individus aux intentions douteuses ou mal comprises, ont sonné le glas de la loi fondamentale du Mali. Si, d’ordinaire une modification (art. 118 de la Constitution), aussi mimine soit-elle, est soumise à l’approbation du peuple, il semble que les récentes modifications (indirectes) aient été imposées au peuple dépourvu de moyen d’action.  Le scandale n’a pas de nom car ce sont les garants, ceux-là même qui ont juré de défendre la Constitution en toutes circonstances, qui la bafouent au vu et au su de tous. Spectateur impuissant de ce mélodrame, le peuple prend acte….

Le dernier événement en date (après les violations flagrantes du droit constitutionnel des prévenus à un procès rapide, droit constitutionnel à la grève), la prorogation du mandat de nos « honorables députés », ne peut être justifié en droit. Il constitue une violation caractérisée et assimilable à une révision de fait de la loi fondamentale. Le fait qu’il ait été cautionné par la Cour Constitutionnelle, institution dont les avis sont plutôt vacillants et contestés, ne lui ôte pas son caractère « anti-constitutionnel ». On signalera au passage que « les décisions de la Cour Constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales » art. 94 de la Constitution. Aussi contradictoires et mal fondés en droit qu’ils soient, en ces temps de crise, les avis de la Cour ne peuvent être contestés.  Alors, certains partis politiques s’indignent et dénoncent un complot. Les arguments avancés sont plutôt convaincants.

Les « députés sont élus pour cinq ans au suffrage universel direct » selon l’article 61 de la Constitution. Le constituant de 1992 n’a donc pas prévu une journée de plus. Il n’a pas non plus autorisé les institutions, dotées d’une faible légitimité en raison de leur mode de constitution, à procéder à une modification de cette durée. Il est vrai que la Cour Constitutionnelle a été érigée en « organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics » par l’article 85 de la Constitution. Mais un tel pouvoir ne peut être exercé pour déposséder le peuple souverain de son droit de veto à la prorogation du mandat dont il avait initialement fixé la durée sans autres possibilités de modification que des élections régulières reconduisant les mêmes élus. C’est la conclusion ultime qui ressort de la lecture combinée de l’article 166 (loi électorale 2016) et de l’article 61 de la Constitution.

En 2012, suite à l’accord cadre signé au Burkina, la prorogation avait été accordée pour permettre au président de l’Assemblée nationale d’assurer l’intérim du président de la République. C’était un cas de force majeure, le coup d’Etat ayant conduit à la dissolution de l’Assemblée nationale et à la démission du président de la République, son intérim devait être assuré par le président de l’Assemblée nationale « es qualité ». La prorogation des mandats des députés était donc une nécessité, le cas de force majeure (événement extérieur, imprévisible et irrésistible). Or, ni le gouvernement, ni même les sages de la Cour Constitutionnelle ne peuvent démontrer les éléments caractéristiques du cas de force majeure pouvant justifier une prorogation des mandats des parlementaires. Le plus drôle dans cette histoire est que cette prorogation a été accordée à la demande des parlementaires avec la bénédiction de l’exécutif. Ce dernier aurait pu faire un bon usage de la possibilité que lui offre l’article 41 de la Constitution de « soumettre au référendum toute question d’intérêt national ». On peut comprendre que, eu égard aux difficultés d’ordre pratique et financier, l’organisation d’un référendum ne soit pas envisageable. Toutefois, la décision de prorogation du mandat des députés pouvait être prise en associant l’ensemble de la classe politique. Elle aurait été plus légitime et moins attentatoire au principe « le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ». On nous rétorquera que la prorogation a été sollicitée par les représentants du peuple, elle est donc légitimement accordée par la Cour constitutionnelle. Mais en réalité, que pouvait-on attendre d’un parlement composé majoritairement d’opérateurs économiques ?

Dr DOUGOUNE  Moussa

 

Source: lechallenger

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