L’opération conduite par la force Barkhane a eu lieu vendredi près de la frontière burkinabé. La ministre des Armées Florence Parly s’est par ailleurs rendue au Mali lundi pour nouer des contacts avec le nouveau pouvoir en place.
La ministre des Armées Florence Parly a annoncé lundi un succès majeur pour les forces françaises au Mali. Elle se trouvait à Bamako pour son premier déplacement depuis le putsch qui a renversé Ie pouvoir d’Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août. «Le 30 octobre, la force Barkhane a réalisé une opération mettant hors d’état de nuire plus de 50 djihadistes, soit l’équivalent d’une ‘katiba’ [une unité de combat], confisquant également leurs matériels et armements», a-t-elle déclaré après son entretien avec le président de transition Bah Ndaw. Quatre terroristes ont été capturés lors de cette opération strictement française qui a visé le groupe Ansarul Islam, affilié au Rassemblement pour la victoire de l’Islam et des musulmans (RVIM), qui se revendique d’Al-Qaïda. Du matériel a été saisi : des motos, des armes, une veste piégée, des moyens de transmission…
Cette opération «d’opportunité» porte un «coup sévère» aux djihadistes qui sévissent au Sahel, se félicite-t-on au sein de l’état-major des armées, sans révéler beaucoup de détails. Elle s’est déroulée dans la région de Boulikessi au Mali, non loin de la frontière avec le Burkina Faso, au crépuscule vendredi dernier. Les combats se sont poursuivis dans la nuit jusqu’au matin dans une zone légèrement boisée, semi-aride. Ils ont impliqué des avions de chasse, des drones, des hélicoptères et des dizaines de commandos au sol. «Ce succès tactique montre que les groupes terroristes ne peuvent pas agir impunément», a souligné Florence Parly. Les individus visés «étaient sur le point de passer à l’attaque contre une position», indique une source militaire sans pouvoir donner plus de précision sur leur cible.
Après le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, la semaine dernière, la ministre des Armées se trouvait lundi et mardi au Mali pour nouer des relations avec le nouveau pouvoir de transition. Elle a rencontré son homologue, le colonel Sadio Camara, le chef d’état-major malien, le général Oumar Diarra, le président de transition Bah Ndaw, mais aussi le vice-président, le colonel Assimi Goïta, l’homme fort de la junte qui a pris le pouvoir cet été, en renversant l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août. Pas à pas, les autorités françaises cherchent à définir leurs relations avec le pouvoir de transition à Bamako. Pour sortir de l’impasse militaire au Sahel, Paris mise sur un changement de donne politique et une nouvelle implication des acteurs locaux.
«L’objectif est de s’assurer de la détermination des autorités à poursuivre l’engagement des forces armées maliennes dans les différentes opérations que nous menons ensemble», a confié Florence Parly à l’AFP. Depuis 2013, la France opère militairement au Mali contre les «groupes armés terroristes» qui sévissent au nord et à l’est du pays. L’opération Barkhane, depuis 2014, s’est fixée comme objectif de permettre aux forces armées du Sahel, et en premier lieu maliennes, de faire face à la menace djihadiste. «Cette détermination ne s’est pas démentie depuis le 18 août mais il est important d’avoir un échange avec les autorités pour s’assurer que cette intention va bien s’inscrire dans le plus long terme, car nous devons planifier de nouvelles opérations», a-t-elle ajouté.
Barkhane à un point de bascule
Après l’offensive lancée en janvier après le sommet de Pau pour reprendre l’ascendant sur le terrain, et qui s’était concrétisée par l’envoi de 600 hommes supplémentaires, Barkhane est arrivée à un point de bascule. «On s’approche de la fin de l’année. C’est un moment naturel pour faire un point d’avancement des engagements pris», a souligné Florence Parly.
Tactiquement, l’armée française remporte des succès incontestables. L’État islamique au Grand Sahara, désigné comme ennemi principal lors du sommet de Pau, a subi des pertes sévères au premier semestre dans la région des Trois frontières, là où il sévit. Mais la menace est endémique, liée à la fragilité politico-sociale du Mali, aux tensions intra-communautaires ou au retrait de l’État. Autant de maux que Barkhane ne peut pas vaincre.
Si le cœur de l’EIGS ne compte que quelques centaines d’hommes, le nombre de ses combattants au sens large est impossible à déterminer précisément, fait-on valoir au sein de l’état-major. La violence n’a pas disparu. Dès lors, des voix commencent à s’interroger sur l’avenir de Barkhane. Pour le député de la majorité Thomas Gassilloud, l’heure d’une décrue est venue. «Nous sommes au bout d’un cycle», dit-il en voulant amorcer un débat.
La France ne veut plus être seule
Au sein des armées, la priorité est désormais donnée à la «sahélisation» du conflit et à «l’internationalisation» de son accompagnement. En clair, la France ne veut plus être seule à se battre au Sahel. Elle prépare une «transition» qui annonce, sans doute à mots couverts, une baisse progressive des moyens déployés. Les militaires insistent : chaque opération est désormais menée conjointement avec des armées locales, dans le cadre de la Force conjointe du G5 Sahel. Le niveau de coordination est parvenu à un niveau inégalé, dit-on. Les Nigériens ont réalisé des progrès notables. Pour aider les pays de la région, la mission de formation européenne EUTM devrait être élargie au Burkina Faso et au Niger.
Paris mise aussi sur la coopération européenne avec l’arrivée lente mais progressive des éléments de la Task force Takuba. Composée de forces spéciales européennes, Takuba doit accompagner et conseiller les forces locales. Les militaires estoniens sont sur place depuis juillet. Les Tchèques, les Suédois et les Italiens sont attendus d’ici le début de l’année prochaine. Takuba a participé à une première opération sur le terrain : «Bourrasque». ». Cette vaste opération a mobilisé quelque 3.000 militaires en tout.
«Le Mali doit disposer de forces en mesure de faire face aux groupes terroristes capables de se régénérer dans le temps», a déclaré Florence Parly à l’issue de son entretien avec le ministre de la Défense malien. «Aujourd’hui la situation montre qu’il faut accélérer. Le retour des armées et des forces de sécurité sur l’ensemble du territoire est un préalable au retour des administrations. Il faut disputer le terrain aux groupes armés terroristes», a-t-elle poursuivi. «Face à ennemi qui se dilue, il faut savoir se réinventer. Barkhane s’adapte et continuera à s’adapter», a-t-elle insisté.
Paris refuse de dialoguer avec les groupes terroristes
À Bamako, la junte, et notamment le colonel Goïta, n’a cessé depuis sa prise de pouvoir de déclarer qu’elle voulait respecter les accords militaires avec ses partenaires et poursuivre la guerre contre les djihadistes. Mais elle a aussi négocié la libération d’otages en libérant 200 djihadistes emprisonnés. Pour Barkhane, qui a toujours fermement refusé toute négociation avec des groupes qualifiés de terroristes, le coup est dur. Sur les réseaux sociaux, le chef touareg Iyad Ag Ghaly a paradé avec ses hommes. À Paris, on insiste pour dire que le leader du RVIM, affilié à Al-Qaïda, figure toujours sur la liste des ennemis de Barkhane. L’opération d’opportunité de vendredi est un message adressé aux terroristes comme aux autorités maliennes : Barkhane ne retiendra pas ses coups contre ses adversaires.
À Bamako, la ministre des Armées Florence Parly pouvait espérer quelques réponses de ses interlocuteurs officiels. «On ne peut pas dialoguer avec les groupes djihadistes qui n’ont pas renoncé au combat terroriste», a-t-elle déclaré avant ses entretiens. «C’est de la responsabilité des autorités maliennes, pas la nôtre, mais il est important d’échanger» sur le sujet, a-t-elle complété. Une semaine auparavant, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian avait aussi exclu toute discussion avec des groupes armés qui n’auraient pas signé les accords de paix de 2015. Le premier ministre de transition Moctar Ouane s’était montré moins affirmatif.
Source: lefigaro
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