PARIS (Reuters) – Des avions de l’opération française Barkhane ont procédé cette semaine à une série de frappes sur un groupe rebelle armé infiltré au Tchad afin de couper court à un raid “de nature à déstabiliser” le pays, a déclaré mercredi l’état-major français.
Cette opération, dont Paris avait annoncé le premier acte lundi, ne s’inscrit pas dans le cadre de l’accord militaire technique scellé de longue date entre la France et le Tchad mais “répond à une demande d’assistance formelle d’un Etat souverain à l’égard de la France”, a fait savoir le ministère des Armées.
“La décision d’ouverture du feu a respecté les règles du droit international humanitaire. Cette action ne s’inscrit pas dans le cadre de l’opération Barkhane”, souligne-t-il.
Cette action d’envergure inédite intervient alors que le dirigeant tchadien Idriss Deby, au pouvoir depuis 28 ans, est confronté à l’activisme renouvelé de plusieurs mouvements politico-militaires qui appellent à son renversement.
“Le raid de cette colonne armée dans la profondeur du territoire tchadien était de nature à déstabiliser ce pays”, justifie l’état-major dans un communiqué.
Pour les autorités françaises, Idriss Deby, dénoncé par l’opposition tchadienne pour une gouvernance “autocratique” et accusé par Amnesty international d’atteintes aux libertés, reste “le partenaire fiable et solide de la région”.
Une colonne armée d’une cinquantaine de pick-ups avait pénétré en territoire tchadien dans la nuit du 31 janvier au 1er février en provenance de Libye, base arrière de la rébellion.
Dans un premier temps, précise l’état-major français, les rebelles n’ont pas répondu “aux avertissements dissuasifs et aux frappes des forces aériennes tchadiennes les 1er et 2 février”.
Des Mirage 2000 stationnés sur la base française de Barkhane à N’Djamena sont alors intervenus à la demande des autorités tchadiennes le 3 février : après un survol d’avertissement, les appareils ont bombardé à deux reprises la colonne pour “entraver cette progression hostile” et “disperser la colonne”.
Cette première intervention n’a pas suffi.
UN RAID DE L’UFR
“Les autorités tchadiennes et françaises ont décidé de nouvelles frappes, conduites par des Mirage 2000, les 5 et 6 février”, précise l’état-major français.
Les appareils, appuyés par un drone Reaper, ont détruit une vingtaine de pick-ups. Le bilan humain de l’opération n’est pas précisé.
L’Union des forces de la résistance (UFR), une alliance de groupes rebelles constituée en 2009 au Darfour (Soudan), a revendiqué lundi l’incursion. L’un de ses représentants avait déclaré à Reuters que deux de ses combattants avaient été tués et deux pick-ups détruits lors des frappes du 3 février.
“Maintenant, on a décidé de mener la guerre contre Deby”, a-t-il dit. “On a cru que la France n’allait pas intervenir dans les affaires intérieures du Tchad. C’est extrêmement grave. La France n’a aucune solution à offrir aux Tchadiens à part maintenir M. Deby parce que c’est son chien de chasse pour ses opérations contre Boko Haram et les islamistes.”
C’est contre des assaillants de ce même mouvement, qui avaient alors atteint les faubourgs de N’Djamena, que l’armée française avait prêté son concours logistique en février 2008 aux forces tchadiennes (munitions, renseignement) sans prendre part aux combats, à l’exception notable et décisive de tirs de riposte de soldats du dispositif “Epervier” pour protéger l’aéroport.
Pour la France, liée depuis 1976 par un accord de coopération militaire avec N’Djamena, le Tchad, ancienne colonie, et ses militaires aguerris sont un pilier de la lutte anti-terroriste au Sahel.
Le Tchad est engagé dans la force conjointe du G5 Sahel, dans les rangs de la Minusma au Mali – dix casques bleus tchadiens ont été tués le 20 janvier dans le nord-est du Mali – et dans ceux de la Minusca en République centrafricaine.
“Le projet tchadien, c’est un projet de survie. Ils ont notamment le problème de leur frontière Nord, pour lequel ils espèrent un appui de la France”, explique une source militaire française. “Il y a une surveillance pointue de cette frontière”, indique-t-elle.
Les Tchadiens sont également confrontés aux assauts de la secte nigériane Boko Haram dans la zone du Lac Tchad et à un autre front rebelle à la frontière soudanaise.
Source: Yahoo