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L’Afrique de l’Est touchée par un épisode très intense du « El Niño indien »

Ce phénomène climatique, appelé dipôle positif, a amené trois fois plus de pluies que la normale dans la région. Du jamais vu depuis vingt ans.

L’équivalent de deux années de pluie tombées en une seule journée à Djibouti, le 27 novembre, affectant le quart des habitants de ce petit pays désertique. Des régions ont été recouvertes d’eau en Somalie, tandis qu’au Kenya, on dénombre au moins 120 morts dans des inondations et des coulées de boue. Plus à l’intérieur des terres, l’Ouganda, l’est de la République démocratique du Congo mais aussi le Soudan du Sud, Etat parmi les plus vulnérables de la région, sont aussi touchés. Dans ce dernier pays, les pluies torrentielles affectent près d’un million de personnes selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), fragilisant encore plus la situation et compromettant le travail humanitaire.

Dans l’ensemble, depuis les côtes arides de la Corne de l’Afrique jusqu’aux forêts tropicales de la République démocratique du Congo, les précipitations sont supérieures de 200 %, voire plus, par rapport à la normale observée en cette saison des pluies, selon le Famine Early Warning Systems Network (FEWS Net), une organisation de surveillance de la sécurité alimentaire financée par l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID).

« Cyclones plus forts »

Le responsable de ces pluies diluviennes a un nom, bien connu des scientifiques mais peu du grand public : le dipôle de l’océan Indien. Comme l’explique le service météorologique australien (BOM), une référence sur cette zone, il s’agit d’une hausse ou d’une baisse de la température des eaux de surface. Le dipôle, l’un des principaux ressorts météorologiques en Afrique de l’Est, se décline en trois phases, qui reviennent chacune tous les deux ou trois ans : neutre (sans impact), négative ou positive.

Lorsque advient un dipôle positif, la température de l’eau est plus élevée que la normale sur les côtes de l’Afrique de l’Est, entraînant des pluies fortes, tandis qu’elle est plus modérée sur les côtes australiennes, avec des pluies faibles (le pays expérimente actuellement une sécheresse sévère et d’importants feux).

A l’inverse, un dipôle négatif provoque des sécheresses sur le continent, comme en 2016-2017, et des pluies plus fortes en Australie. « Cette année, nous observons clairement l’influence d’un dipôle positif, avec un vent qui souffle d’est en ouest (sur l’Afrique de l’Est), poussant vers les terres de l’air chaud et humide », confirme Abubakr Babiker, météorologiste au Centre de prévision et d’applications climatologiques de l’Autorité intergouvernementale pour le développement, organisme issu de la coopération entre les Etats de cette région « très sensible aux événements climatiques extrêmes ».

Interrogé sur le lien entre l’intensité de ce phénomène et le réchauffement climatique, cet expert souligne que, dans l’océan Indien, ce dernier « ne se manifeste pas uniquement à travers le dipôle mais aussi via les cyclones plus forts et plus fréquents comme Idai” [qui a frappé le Mozambique au printemps]».

Selon le BOM, ce dipôle positif a atteint en novembre un pic à +2,15 °C par rapport à la normale, du jamais vu depuis plus de vingt ans (le dernier record date de 1997). La température de l’eau a depuis commencé à redescendre (+1,36 °C le 24 novembre) mais les effets devraient perdurer, dans une plus faible mesure, tout au long du mois de décembre, et peut-être jusqu’en janvier.

Impact dévastateur sur l’accès à l’eau

Le dipôle est un phénomène « similaire » à El Niño, qui existe dans l’océan Pacifique, explique Maurine Ambani, responsable de la recherche climatique pour la Croix-Rouge kényane, qui, à travers ce service dédié, entend mieux anticiper sa réponse humanitaire. Elle souligne qu’en Afrique de l’Est, l’influence de ces deux phénomènes peut se combiner : « En 1997, non seulement le dipôle était positif mais El Niño était très fort, l’effet en Afrique de l’Est avait été très important, avec de très graves inondations. » La situation est moins inquiétante cette année, avec un El Niño neutre.

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Si les sécheresses ont un impact dévastateur sur l’accès à l’eau et à la nourriture, de trop fortes pluies, entraînant des destructions de champs et de cheptels, sont elles aussi dangereuses pour la sécurité alimentaire. Ainsi, « dans certaines régions du Kenya, notamment dans l’Ouest, très touché par les précipitations, c’est la période de la récolte, les cultures risquent donc de se dégrader dans les champs », note Maurine Ambani, ajoutant cependant que dans ce pays touché en début d’année par une légère sécheresse, « l’impact peut être positif dans d’autres régions où c’est la période des semis ».

Selon le FEWS Net, au premier semestre 2020, la sécurité alimentaire devrait s’améliorer dans la région car les cultures bénéficieront d’une bonne irrigation. L’organisme prévoit que la Somalie et le Kenya vont majoritairement passer, en la matière, d’une situation de « crise » (niveau 3, sur une échelle de 1 à 5) aujourd’hui, à une situation « tendue » (niveau 2) de février à mai 2020.

Lemonde

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