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L’affaire Bakary Diakité-Hawa Diarra examinée devant la Cour Suprême lundi : Le procès du divorce mal fondé transformé en procès de la justice malienne

L’affaire Bakary Diakité-Hawa Diarra, qui a fait l’objet d’une interpellation du ministre de la Justice dans nos colonnes en juillet 2017, était en jugement à la Cour Suprême, lundi 8 janvier. Une occasion pour le procureur général près cette institution de fustiger ” l’indélicatesse et la légèreté des juges du dossier ” et de déplorer ” un manque de professionnalisme ” qui fait tort à la justice malienne, à l’instar de ce haut magistrat à la cérémonie de clôture de la récente session de la Cour d’assises. 

Dans L’Indépendant N°4283 du lundi 24 juillet 2017, nous publiions une lettre ouverte au ministre de la Justice intitulée : ” La justice malienne de nouveau desservie par un jugement scandaleux : après 28 ans de mariage dont sont issus 8 enfants, une épouse intègre divorcée sans droit “.

Nous y expliquions que ” suite à son appel contre le jugement n°388 du 29 septembre 2016 rendu par le Tribunal de Grande instance de la Commune VI du District de Bamako, dans la procédure de divorce l’opposant à son épouse Hawa Diarra, le sieur Bakary Diakité (cadre de la voirie municipale à la retraite) a été débouté à nouveau par les membres du jury constitué en séance plénière. Et pour cause : l’intéressé n’a pu fournir la moindre preuve en appui à ses allégations mensongères à l’égard de son épouse qu’il accuse de tous les péchés d’Israël (Infidélité, garde de bien d’autrui à l’insu du mari, non respect à l’égard du mari). Face au scepticisme de la Cour, il sortira son ultime cartouche : la convocation du mari qu’il est devant la brigade des mœurs pour ” coups et blessures volontaires “.

Ces arguments ou plutôt arguties  n’emporteront pas l’adhésion du président du jury qui déclarera en salle le rejet pur et simple de la requête. Confirmant ainsi le jugement n°388 du 29 septembre 2016 du Tribunal de la Grande instance de la Commune VI.

Mais grande fut la stupéfaction de la femme du sieur Diakité en apprenant, par le biais de son avocat, que le divorce a été prononcé à son tort. Lequel avocat décida aussitôt de se pourvoir en cassation estimant qu’il y a eu ” une volte-face injustifiable de la part du jury et que le droit n’a pas été dit “, l’appelant Bakary Diakité n’ayant fourni aucune preuve de ses allégations fantaisistes et mensongères. Vu la déclaration publique de rejet de sa requête à l’audience et le refus catégorique de l’épouse du divorce, Madame Diakité et son conseil sont fondés à croire que le droit a été détourné au profit de la calomnie et du mensonge.

L’affaire est donc soumise à la Cour Suprême, ultime recours de la femme du sieur Diakité qui s’est sentie trompée, lésée et humiliée par le jugement n°1162/16 en date du 28 décembre 2016 rendu par la Cour d’appel de Bamako en dépit de tout ce qui est ressorti de l’audience en appel.

L’affaire a été jugée en appel par les conseillers à la Cour Ibrahim dit Souley Maïga (président du jury) Amadou Hammadoun Cissé et Ibrahim Konta (membres) le substitut général près la Cour d’Appel, Mme Kéïta Djénéba Karabenta assistée de la greffière Maître Bouaré Fatoumata Touré (greffière).

A travers ce jugement en appel, Madame Diakité a pensé que des pots-de-vin ont été versés par son mari pour inverser le jugement en sa faveur. La lettre de notification donne un haut le cœur même à un profane de la loi tant les arguments sont superficiels et mal fondés. La greffe a simplement ignoré la teneur de l’audience au profit des allégations sans fondement du sieur Diakité. Au lieu de rendre compte des faits exacts de l’audience, la greffe a préféré énumérer une liste des causes de divorce lues dans les mairies à l’attention des nouveaux couples…

Ce jugement n’honore pas la justice malienne. Pire, il bafoue totalement les droits de la femme malienne en général et de Mme Diakité Hawa Diarra en particulier qui, après 28 ans de mariage dont sont issus 8 enfants, se voit divorcée injustement, la garde de 3 de ses enfants lui étant confiée avec une pension alimentaire de 15 000 FCFA par mois et par enfant en charge “.

C’est cette affaire, qui a profondément ému l’Association pour la promotion et la défense des droits des femmes (APDF) au point qu’elle a constitué un conseil pour soutenir Mme Diakité Hawa Diarra, qui était en jugement devant la Cour Suprême, lundi 8 juillet.

Evoquant la soi-disant violation de l’article 352 du Code de la famille au cœur de l’argumentaire du sieur Diakité et de ses conseils, Me Magatte Sèye, qui défendait Mme Diakité, a invité les conseillers présents à l’audience à ne pas cautionner “ les abus des hommes et la corruption des juges falsificateurs en prononçant le divorce d’une femme qui a tout donné pour le mariage “. Et de soutenir que l’article 352 en question, qui énumère les causes de divorce (sévices, excès, infidélité, etc.) a été torpillé au profit d’une décision de justice à ce point aberrante qu’elle ne saurait tenir la route pour les vrais serviteurs de justice.

Et de plaider que le recours à la brigade des mœurs par Mme Diakité ne saurait être assimilé à un motif de divorce dans la mesure où il est intervenu après de multiples ” coups et blessures volontaires ” infligés par le mari, accompagnés de ” menace de mort ” proférée à l’endroit de son épouse. C’est pour se mettre sous la protection de la loi et sauvegarder sa vie que Mme Diakité a dû franchir ce pas.

Me Magatte Sèye d’en déduire que si le recours à l’autorité installée aux fins de protection peut constituer un motif de divorce, alors tout citoyen lambda, qui veut se débarrasser de sa conjointe, peut se permettre de la battre, lui montrer le chemin de cette autorité pour facilement la divorcer par la suite. Ce serait la porte ouverte à tous les abus au détriment de la femme, ce qui est anachronique et inacceptable.

L’avocat du mari qui veut divorcer son épouse, semble-t-il dans le but unique de s’offrir une jeune fille pour sa retraite, Me Mamadou Yattabaré Thiéro, a pris la parole pour seulement demander à la Cour de statuer sur ” une démonstration de la violation de l’article 352 du Code de la famille “.

Dans sa réquisition, le procureur général près la Cour Suprême, défendant le ministère public et la conformité des décisions de justice à la légalité et aux lois de la République, s’est dit ” choqué par l’arrêt de la Cour d’Appel sur le divorce de Mme Diakité en accréditant le mensonge comme argument juridique “. Selon lui, ” au moment où les nations modernes se battent pour protéger les femmes contre toutes les formes de violences et d’abus qui leur sont faits, la justice malienne ne doit pas se prêter, pour quelque raison que ce soit, au jeu des hommes sans scrupule qui forgent des arguments fallacieux pour se débarrasser de leurs épouses “.

Il fustigera ” l’indélicatesse et la légèreté des juges du dossier “. Avant de rappeler les propos d’un éminent magistrat lors de la cérémonie de la dernière session de la Cour d’assises, tenue dans les locaux mêmes de la Cour d’Appel, se rapportant au ” manque de professionnalisme de certains juges “.

Pour finir, il a demandé aux membres du jury de ” renvoyer les parties à la Cour d’Appel autrement constituée pour qu’une justice autre que celle-là soit rendue pour le bonheur et l’honneur de la justice malienne “.

La Cour a renvoyé le délibéré à la semaine prochaine. Elle était composée de Dramane Coulibaly, Conseiller à la Cour Suprême (Président) Modibo Konaté, conseiller à la Cour Suprême (Membre) Mme Kéïta Djénéba Karabenta, Conseiller à la Cour Suprême (Membre).

Massiré DIOP

 

Source: L’Indépendant

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