«J’avais eu un échange âpre avec mon professeur de philosophie à qui j’avais reproché d’avoir quitté son parti au lieu d’y rester et organiser la résistance interne et de ré-émerger. Feu Mamadou Lamine Traoré, tout sourire, mieux informé que moi sur son parti, m’avait répondu qu’il avait tout l’appareil d’Etat contre lui. Et quand quelques années plus tard, il y eut des guéguerres au sein de l’Adema entre l’actuel président du Mali (IBK, PM à l’époque) et le président Konaré, devenu journaliste, je suis allé interviewer mon ancien prof sur son ancien parti. Mala m’avait répondu : “l’Adema n’a pas encore fini sa mue”. Des départs confirmeront cela (IBK et ses camarades, Soumaïla Cissé et les siens, Boubèye, Iba Ndiaye….et bien d’autres ont, entre-temps, quitté la ruche). Les partis que certains des partants créeront connaîtront aussi des départs au sein de leurs nouveaux partis…reprise des guerres de leadership (une donne normale en politique).
L’ADEMA a trois forces par delà le bien et le mal (constitution des ressources politiques, comme on le dit en science politique): 1-), son expérience du pouvoir avec sa dimension “politicienne” et électoraliste, sans oublier sa capacité de se financer que confère l’exercice du pouvoir, 2-) son assise locale et 3-) son caractère “impersonnel”, parti non “patrimonial” au sens de “patrimoine d’un seul leader”.
Sa faiblesse, c’est d’être un parti “panier de crabes”, entendez pièges où se jouent et se déjouent bien de jeux d’appareils et de leadership, le rendant vulnérable aux appels du vent. L’autre faiblesse de l’ADEMA, c’est d’aimer trop le pouvoir au point de redouter l’opposition, de ne pas l’assumer. Mais sous les Tropiques où l’opposition coûte cher (risque de départs et d’implosion voire de représailles multiformes contre les opposants), cela peut constituer, sous d’autres angles, une force, ce “génie” (rire) à accompagner tous les pouvoirs.
Ce parti, je l’ai dit, dans le passé, est loin d’être fini malgré ses faiblesses sus soulignées. Il lui manque actuellement une chose essentielle : un nouveau Leader cyclique capable d’imprimer durablement sa marque sur le parti. Et c’est aussi cela l’une de ses faiblesses. Pensé sous un autre angle, ce déficit constitue aussi un “potentiel” d’expérimentation de nouvelles luttes pour son contrôle, surtout pour les jeunes générations qui, en son sein, militent et rêvent d’envoyer les anciennes gloires à la retraite.»
Yaya TRAORE