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L’accusé sans nom : Le Procès (suite)

A ces mots du président de la Cour, la foule ne put s’empêcher d’acclamer bruyamment : « Vive le président ! C’est la vérité, rien que la vérité, vive le Mali !… », Pouvait-on entendre, venant de l’auditoire. Cela continua presqu’une minute durant. Le président fut donc obligé de taper sur la table avec son marteau magique, afin de ramener à raison cette foule qui donnait l’impression d’être libérée d’un énorme poids. Ce poids qui lui comprimait la poitrine depuis plusieurs années maintenant. Et dont elle ne savait quasiment plus comment s’en soulager.

Le mea culpa

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-Le Président : Avez-vous quelque chose à dire ? Reconnaissez-vous les faits qui vous sont reprochés ? Vous avez le plein droit de les contester. Dans ce cas, la Cour vous écouterait avec la plus grande attention.

-Le Représentant de l’Armée : Je vous remercie, M. le Président. Je n’ai pas grand-chose à dire. Les responsabilités de l’armée dans ce qui est arrivé au peuple malien se situent certainement à plusieurs niveaux qu’il ne me paraît pas utile d’évoquer ici. Mais au fond, je reconnais globalement les faits. Et ce ne pourrait être qu’un autre affront, de mon point de vue, que de vouloir remettre en cause ce qui n’est qu’une évidence. Aussi, voudrais-je, ici même, présenter à tout le peuple malien, meurtri par tant d’épreuves, les excuses solennelles et sincères des forces armées nationales. Qu’il sache que l’image que nous dégageons depuis ces douloureux événements ne nous honore nullement, au contraire elle nous afflige au plus haut profond de nous-mêmes militaires. Nous militaires qui, au lieu d’aller au front pour combattre l’ennemi, n’avions trouvé de mieux que de vider les coffres forts de ministères, banques ; de piller des boutiques ; d’enlever des véhicules pour les revendre en Guinée ou ailleurs ; de terroriser les populations avec nos armes, au moment même où nous nous plaignions d’en manquer pour accomplir notre mission ; et comble des combles, de nous entretuer entre Bérets Verts et Bérets Rouges, faisant au passage des victimes civiles innocentes. Oui, M. le Président, nous avons conscience de toutes ces vilénies, ces situations honteuses, ces atrocités. Et ce, pour la simple raison que, malgré tout, nous sommes issus de ce peuple et en demeurons partie intégrante. C’est cela que je tenais à exprimer au nom de tous les miens. M. le Président, mes respects !

Le Représentant de la Gendarmerie nationale

-Le Président : La Cour appelle à la barre l’officier représentant de la Gendarmerie nationale.

-Le Représentant de la Gendarmerie : Présent, M. le Président.

-Le Président : M. l’officier, la Gendarmerie fait partie des forces de sécurité nationale. Les accusations portées sur les forces armées vous concernent également. Pour autant, d’autres accusations spécifiques pèsent sur la Gendarmerie nationale, en rapport avec la crise actuelle, voire les différentes crises qui secouent le pays depuis ces dernières décennies.

Les faits

  1. le Représentant de la Gendarmerie, au cours des rebellions successives dans le nord de notre pays, des « éléments » de la gendarmerie se sont souvent illustrés de façon négative. Faites un tour dans les régions du Nord, et vous vous entendrez dire les nombreux cas de fuites dont des gendarmes se sont rendus coupables devant l’ennemi. Cela ne voudrait aucunement dire que d’autres camarades de ce même corps n’aient pas fait preuve de bravoure. Mais c’est dans ce corps qu’il a été constaté le plus grand nombre de cas d’irresponsabilités. Contrairement, par exemple, à la Garde nationale, qui, jusqu’à une époque récente, avait la très bonne réputation de ne jamais reculer devant l’ennemi. Je n’en connais pas les explications, mais certaines personnes croient savoir que la bravoure attribuée à la Garde nationale serait liée au mode de recrutement jadis pratiqué dans ce corps. En l’occurrence, estime-t-on, pendant longtemps, dans ce corps n’étaient recrutés en majorité que des jeunes issus de milieux ruraux. Où l’honneur avait encore un sens. Les choses seraient en train de changer négativement là-aussi, à cause notamment du changement de mode de recrutement. En effet, en raison du taux élevé de chômage, la Garde Républicaine est aussi devenue un Luxe vers lequel se ruent de plus en plus les jeunes citadins, diplômés ou non. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, sa réputation à elle aussi est en train de prendre un coup.

Un népotisme aux lourdes conséquences

Mais pour revenir à la Gendarmerie nationale, tout comme dans l’armée, elle s’est réservé le droit de ne recruter principalement que les enfants de gendarmes. Ceux-là qui n’ont, le plus souvent, réussi nulle part. Et qui, par conséquent, n’ont aucun sens de la patrie. Ce faisant, vous avez contribué à la trahison de votre patrie. Trahison dont l’une des conséquences est l’humiliation à laquelle vous avez soumis la mère patrie. Et ce n’est pas tout.

Le racket

Alors que, rien que de par votre uniforme, vous devez jouer un rôle essentiel dans l’éducation populaire, vous ne faites que donner le mauvais exemple à longueur de journée, soutirant les 1000, 2000 F aux transporteurs, usagers de la route et autres pauvres citoyens. Vous avez privatisé la gendarmerie, délivrant des documents dont les recettes vont dans vos propres poches, et non dans les caisses de l’Etat qui vous paye régulièrement avec l’argent du contribuable que vous rackettez.  Vous n’avez aucun scrupule à délivrer la carte d’identité nationale au double voire au quadruple de son prix réel. Vous n’hésitez même pas à la vendre à des délinquants étrangers qui, par la suite, vont ternir l’image de notre patrie, en commettant des crimes imputés injustement aux Maliens.

Insécurité

Dans le domaine de la sécurité, vous avez laissé la population à la merci des bandits de tous bords, souvent relâchés dès que les plaignants ont tourné le dos. Les poussant, de ce fait, à se rendre justice eux-mêmes. Au même moment, vous n’hésitez pas à brutaliser de paisibles citoyens, notamment en période de soi-disant contrôles de routine. Tout en leur extorquant leurs maigres ressources au motif qu’ils ne disposeraient pas de carte d’identité, que vous-même avez été incapables de leur procurer. Objectivement ou intentionnellement, car, on le sait, toutes ces pénuries ne sont pas justifiées ; certaines sont artificielles.

Quand le remède fait plus mal que le mal lui-même

Lorsque des citoyens vous sollicitent pour le règlement d’un différend, portant par exemple sur une dette, vous avez établi la fâcheuse règle d’exiger cinq ou dix pour cent, parfois plus, des sommes dues. Passe encore si ce pourcentage allait au Trésor. Malheureusement et honteusement, il va directement dans votre poche. Et cela se fait sans gêne aucune, au vu et au su de tout le monde, y compris de vos chefs hiérarchiques, responsables du réseau savamment constitué pour la cause. Il arrive aussi que des propriétaires renoncent à leurs objets volés et retrouvés, à cause uniquement du montant que vous leur exigez pour les récupérer. Ces objets, vous vous les partagez ensuite. Ce faisant, le remède fait plus mal que le mal lui-même. Censés assurer la sécurité du citoyen, vous vous êtes transformés en véritables bourreaux. Vous avez détruit en lui tout espoir de l’avènement d’un citoyen exemplaire. Vous avez fait en sorte qu’il n’ait plus aucun respect pour l’uniforme. Bref, vous avez détruit en lui le citoyen, l’avez humilié et jeté en pâture à l’ennemi…

Qu’avez-vous à dire, M. le Représentant de la Gendarmerie Nationale ? A suivre…

S.H.

Source: Le Point

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