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La Tunisie s’offre une IIIe République

Plus de 90 % des votants ont approuvé la Constitution rédigée par le président Saïed, mais 28 % seulement des électeurs inscrits ont participé au référendum.

 

Minuit approche, l’humidité teinte les lunettes de buée, il fait encore 32 degrés avenue Bourguiba à Tunis. Fidèle à son protocole personnel, le président Kaïs Saïed descend de sa voiture officielle pour arpenter le macadam brûlant. Il aime humer cette parcelle d’avenue située entre l’ambassade de France et le ministère de l’Intérieur. Des partisans, quelques poignées enthousiastes, l’accompagnent dans sa déambulation victorieuse.

Les bureaux de vote ont fermé depuis deux heures, Hassen Zargouni, le « Monsieur Sondage » du pays, a annoncé la victoire du « oui » par 92,3 % contre 7,7 % seulement pour le « non ». Les bulletins blancs n’ont pas été comptabilisés. La IIIe République est née, la Constitution a été adoptée par 2 millions deux cent mille électeurs sur les 9 millions d’inscrits. Mais 72 % des Tunisiens ont boycotté le scrutin, ce qui n’empêche pas le président d’annoncer que « le pays est passé de la rive du désespoir et de la désillusion à celle de l’espoir et du travail ». Le matin même, brisant le silence électoral, l’homme avait discouru durant quinze minutes sur la chaîne publique nationale.

La nuit est brûlante, mais elle semble agir comme une caresse sur le visage du président. En un an, depuis son coup d’État pour cause de « périls imminents » jusqu’au référendum du 25 juillet, Kaïs Saïed a déroulé sa feuille de route personnelle. Il a modifié du sol au plafond l’architecture politique du pays, transformant un régime mixte (président et Parlement) en un édifice hyperprésidentiel, une Constitution lui offrant les pleins pouvoirs, réduisant à néant les contrepouvoirs chers à Montesquieu. La Tunisie retrouve, après onze années d’une démocratie chaotique perturbées par les islamistes, le culte du président omnipotent, omniscient, « papa », grommellent les médisants. Sera-t-il un Ben Ali ou un Chavez ?

Victoire prévisible
Le triomphe du « oui » ne faisait aucun doute, la quasi-totalité de l’opposition ayant appelé au boycott. Seul Afek Tounes, parti présidé par l’ex-ministre Fadel Abdelkefi, avait opté pour un choix clair : le « non ». Désormais, au lendemain de ce plébiscite entaché par une abstention massive, que va faire Kaïs Saïed de ce qu’il considère comme « un espoir » ?

Dans les chancelleries européennes, on fait mine d’espérer qu’un dialogue inclusif s’instaurera, que les questions économiques seront enfin traitées, que le président va s’ouvrir aux autres sur le plan national aussi bien qu’international. Mais on n’y croit guère. Isolé dans son palais de Carthage, trois cent cinquante pièces face à la mer, entouré de quelques conseillers, le chef de l’État ne reçoit plus que les ministres de son gouvernement pour leur indiquer la route à suivre ou pour les tancer face caméra. Les visiteurs étrangers, les ambassadeurs, les chefs d’entreprise ne sont pas les bienvenus. Aucune visite officielle en Europe, principal partenaire économique du pays (80 % de ses échanges) n’est prévue à l’agenda.

Maintenant que la nouvelle Constitution entre en application, le président va rédiger la nouvelle loi électorale avec quelques experts, dans la perspective des législatives prévues en principe le 17 décembre. Le dossier clé, l’aide du FMI pour éviter la banqueroute de la Tunisie, attend une concrétisation à la rentrée. Kaïs Saïed est désormais l’unique patron du pays. Il sera tenu pour responsable des choix dans lesquels il engagera le pays. Au lendemain du référendum, l’opposition était atone.

Source: Le point.fr

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