M. Wane a rappelé qu’en 2022, 7,5 millions de personnes auront besoin d’assistance humanitaire dans le pays, contre 5,9 millions en 2021. Le nombre total de déplacés s’élève à 370.000.
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, qui est également le chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a qualifié la situation sécuritaire d’« instable » et même de « particulièrement préoccupante » dans la zone des trois frontières et dans le Centre du Mali.
Dans le Centre du Mali, l’insécurité est alimentée par une combinaison de conflits intercommunautaires, de problèmes de gouvernance de longue date, et par l’activité de groupes d’extrémistes violents ciblant les civils, les forces maliennes et la MINUSMA, a développé M. Wane, évoquant des attaques dans la région de Ménaka ayant fait « des centaines de morts et de déplacés ».
À Ménaka, une ville de l’est du pays proche de la frontière tchadienne, la MINUSMA a établi des plans d’urgence pour renforcer temporairement sa présence en troupes et en matériel.
Dans ce contexte difficile, la MINUSMA a été entravée dans ses opérations terrestres et aériennes, et a connu d’importants retards dans la rotation de son personnel en uniforme d’Afrique de l’Ouest. M. Wane a pourtant souligné à quel point la liberté de mouvement était essentielle pour l’efficacité de la Mission.
Violations des droits humains en hausse
L’envoyé de l’ONU a aussi indiqué que, de janvier à mars 2022, les violations des droits de l’homme avaient « fortement augmenté », entraînant la mort de 543 personnes contre 128 au trimestre précédent. La liste des auteurs présumés inclut non seulement des groupes extrémistes, mais aussi les forces de sécurité maliennes dans le Centre du Mali, a-t-il pointé.
Concernant la transition politique, dont les autorités de transition ont fixé la durée à deux ans à partir de mars 2022, M. Wane a relaté qu’au cours des trois derniers mois, la MINUSMA avait redoublé d’efforts pour surmonter les blocages.
L’adoption d’un projet de loi électorale, appuyé par la MINUSMA, est prévue dans le courant du mois. Cela devrait permettre de mettre sur pied un organe indépendant de gestion des élections. Cependant, l’incertitude liée à la durée de la transition a compliqué les avancées dans certains domaines, comme la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation datant de 2015.
De son côté, Sadya Touré, Directrice de l’ONG Mali Muso et écrivaine, a fait état devant le Conseil de sécurité d’une « fragmentation de la scène politique » et d’un « rétrécissement de l’espace démocratique » au Mali.
Elle a averti que les femmes et les filles étaient de plus en plus victimes de violences sexuelles et « n’étaient plus en sécurité nulle part ».
Mme Touré s’est aussi inquiétée de la fermeture de nombreuses écoles, affectant plus de 400.000 enfants. Ces derniers grandissent dans un « environnement violent », avec pour seul choix, selon elle, de partir, au péril de leur vie, ou de rester, au risque d’être enrôlés dans des groupes armés. Mme Touré a plaidé pour que l’emploi des jeunes devienne une priorité pour enrayer ce phénomène.
Hommage aux soldats de la paix disparus
El-Ghassim Wane a également rendu hommage ce lundi à la mémoire de tous les soldats de la paix ayant perdu la vie depuis le début de la Mission, expliquant que leur « sacrifice ultime » illustrait les défis et les complexités de la situation. Pour M. Wane, ce bilan humain souligne d’autant la nécessité de doter la Mission de ressources nécessaires, « y compris en hélicoptères armés ».
L’envoyé de l’ONU a aussi rappelé aux membres du Conseil les vœux du Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, de prolonger d’un an le mandat de la Mission, qui se termine le 30 juin.
Pour le Représentant spécial, le succès des opérations au Mali dépendra de deux facteurs. D’abord, répondre aux enjeux institutionnels, de gouvernance et socioéconomiques ; ensuite, respecter les droits humains et le droit international humanitaire. « Ce n’est pas seulement une question d’éthique mais aussi d’efficacité opérationnelle : le soutien des populations est une condition sine qua non pour le succès de la contre-insurrection », a-t-il analysé.
Enfin, si les défis au Mali sont nombreux et complexes, « ils sont loin d’être insurmontables », a-t-il jugé.
Source: ONU