Dans la rue, il y a bien souvent du monde, des commerces petits et grands, des enfants, des jeunes, tout un beau monde.
En Afrique, ce qu’il est donné de constater, est que la rue est toujours en mouvement, soit pour des actions collectives innocentes, soit pour la politique politicienne. La rue apparaît ainsi comme le siège des revendications sociales osées en public. Les hommes politiques aiment bien se servir de la rue pour faire triompher leurs projets. Mais, ce triomphe d’une protestation ne peut-il pas se retourner contre les acteurs mêmes de la contestation?
Dans la rue, on se rue
La rue en Afrique revêt un caractère dichotomique, c’est-à-dire double, bon et mauvais. Sigismond Lacroix écrivait ceci: « La rue ! L’avoir contre soi est un désagrément, j’en conviens; mais l’avoir pour soi n’est point une force ». En réalité, lorsqu’un peuple est plus rassasié de promesse et de patience que d’actions concrètes et présentes (le voir-apparaître-toucher), le triomphe de ses contestataires d’hier se transmue sournoisement en une vendetta orientée directement contre les instigateurs des troubles qui ont maintenu la rue en mouvement. La raison plausible est que la violence utilisée d’antan n’ayant pas profité au grand nombre et aux violents actifs (ceux qui ont réellement tué, volé, cassé, etc.), pour ne pas voir leur image ternie à jamais, les manifestants renvoient l’ascenseur aux véritables coupables (ceux qui ont donné les ordres) comme un missile à tête chercheuse. Les crises sociopolitiques que traverse l’Afrique ces dernières décennies, consacre à la rue son rôle salvateur dans la route pour la course au pouvoir. Prendre possession de la rue, c’est se rapprocher plus du Fauteuil présidentiel. La rue peut être saturée, mais il faut savoir retrouver son chemin dans cette saturation: « la rue n’est plus qu’un territoire en voie de saturation, au moins dans les grandes agglomérations, qu’elle prend une réelle signification, qu’elle parvient à faire sens. Car, après tout, que voir dans la rue africaine contemporaine ? Une courte typologie des rues, envisagée dans une acception stricte (voie bordée au moins en partie de maisons ou d’immeubles) est possible. On peut distinguer les rues institutionnelles, souvent centrales et nommées en référence aux héros nationaux de la lutte contre le colonisateur, les rues commerciales, davantage à la périphérie et proches des marchés publics, les rues résidentielles, lorsque des quartiers aisés jouxtent le centre, et enfin les rues des bidonvilles » détaillait Lacroix. Dans une telle saturation, il faille bien retrouver la rue politique…
Pour y voir clairement les choses, il convient de réaliser que les rues africaines composées de lieux divers où immeubles, poubelles, bandes de jeunes ou de mendiants, se dépassent comme des vers dans une charogne désolée, il faut s’arrêter au niveau de la sociabilité qui unit tous ces êtres. Grâce à la manipulation de l’information, les politiques ont réussi tant bien que mal à travestir cette unité et à corrompre cette sociabilité. Du coup, la rue africaine est devenue difficile à pratiquer, à vivre, à approcher. La rue n’est plus un ensemble de voies publiques nécessaires au mouvement des citoyens, mais un organe politique nécessaire pour assouvir des desseins politiques inavoués.
La restauration de la rue
Il importe de parvenir à la restauration de la rue. Lieu privilégié des casses en périodes électorales ou lors des grèves, cadre de gestation des coups fourrés des hommes au sale boulot, la rue peut devenir l’endroit où les idées doivent foisonner comme à l’Agora d’Athènes. La rue doit redevenir ce lieu d’échanges et de partage. Face aux troubles engendrés par les politiques, la rue physique peut être affectée, mais non la rue de l’esprit, la meilleure des rues pour le simple fait qu’elle sait se reconstituer pour donner l’avantage à la vérité et non au mensonge!
Source: Afrique sur 7