De 1992 à septembre 2013, la République du Mali a enregistré des séries d’élections qui lui ont donné sans doute, des expériences qui s’inscrivaient en fonction des réalités socio-politique à un moment donné de son histoire démocratique. Certes, ces leçons démocratiques ont connu des hauts et des bas, dont on retiendra particulièrement celle de la présidentielle de 1997, et des premières élections communales de 1999. Pourtant en tirant les leçons de cette constance démocratique, celle du 29 juillet 2018 suscite des interrogations sur le parrainage des candidats aux élections présidentielles.
Un parrainage pris en otage du fait de la légitimité des « parrains » !
L’absent de démocratie à la base suppose l’échec de ce qu’est la démocratie locale. Pour rappel, telle que définit, la démocratie désigne un régime dans lequel « le pouvoir suprême est attribué au peuple qui l’exerce lui-même, ou par l’intermédiaire de représentant qu’il élit » (cf. Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF 1996). La démocratie locale quant à elle semble être différente de la démocratie nationale du fait que sa réalisation qui est le local apparaît plus petite que l’espace national. L’absence de cette démocratie locale a été constatée lors des dernières élections communales du 20 novembre 2016, en enregistrant un nombre important de collectivités territoriales qui n’ont pas pu élire leurs instances communales. Du fait de l’accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger, la nomination des autorités intérimaires suite à l’arrêt n°2016-05/CC du 05 mai 2016 pose des problèmes de parrainage des candidats aux élections présidentielles par l’entorse au principe d’élection des organes délibérants des collectivités territoriales. Ces collectivités territoriales concernées ne pourront pas parrainer les candidats aux élections présidentielles dans la mesure où, la loi n°2018-014 du 23 avril 2018 portant loi électorale portant modification de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électoraledispose dans son article 149 alinéa 1 et 2 dispose que « chaque déclaration doit recueillir la signature légalisée d’au moins dix (10) députés ou cinq (5) conseillers communaux dans chacune des régions et du District de Bamako. Un élu ne peut soutenir plus d’un candidat ». Du coup, la présente disposition de la loi électorale ne fait pas une restriction des candidatures parrainées par des organes transitoires des collectivités territoriales du centre et du nord du Mali. Ces parrainages n’auront aucune légitimité dans la mesure où, ces autorités transitoires n’ont pas bénéficiées de la légitimité populaire, c’est-à-dire, l’élection au suffrage universel par les populations locales (article 98 de la Constitution) d’assurer le parrainage des candidats.
Un parrainage à repenser du fait du contexte socio-politique inadapté
Dans une logique de prospective de notre système électoral, il est également constant de remarquer que le parrainage est devenu non seulement un moyen d’enrichissement de nos élus (députés et conseillers municipaux), mais aussi un facteur de candidature pléthorique qui pèse énormément sur le budget desélections. Sur le cas spécifique des échéances électorales de 29 juillet 2018, il serait important que le juge constitutionnel malien ait un regard croisé sur les candidatures qui feront l’objet de parrainage des collectivités territoriales dont leurs gestions sont assurées par des autorités intérimaires. Pourquoi ce regard croisé ? D’abord, aucune disposition de la loi n°2018-014 du 23 avril 2018 portant modification de la loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale n’a fait la mention de dispenser le parrainage des candidatures par les autorités intérimaires. Donc, il appartiendra au juge constitutionnel, de constater l’annulation d’une candidature quelconque dont le parrainage serait assuré par les autorités intérimaires, même si à un moment donné de l’histoire de ce pays, la Cour constitutionnelle a violé le principe d’élection des organes délibérants des collectivités par l’arrêt très controversén°2016-05/CC du 05 mai 2016. Ensuite, l’argumentation du rejet de candidatures parrainées par les autorités intérimaires s’explique par des raisons d’ordre juridique. La raison fondamentaleest celle relative au caractère illégitime, en partant du principe d’élection évoqué dans l’article 98 de la Constitution du 25 février 1992, qui, nous pensonsbien, ne fera pas l’objet de contestation par les observateurs. Enfin, il serait raisonnable, dans l’avenir, d’approfondir la réflexion sur la question de parrainage pour deux (2) raisons. Sans pour autant violer le droit fondamental des candidats, il est temps de s’inscrire à l’exemple sénégalais, sur des critères de représentation de chaque candidat, sur toutes les circonscriptions administratives (députés et conseillers municipaux). Cette option permettra sans doute, de donner beaucoup plus de crédibilité au futur « commandant en chef ». Cette option permettra également de réduire également le budget des élections, qui connaissent à chaque opération électorale une croissance en termes de candidature.
Dr Ibrahim Boubacar SOW
Enseignant-chercheur à l’USJPB