« La mort a des rigueurs à nulle autre pareille. On a beau la prier, la cruelle qu’elle est se bouche les oreilles et nous laisse crier » disait le poète.
En effet, elle vient de frapper, la mort, et d’emporter le 9 février dernier notre confrère et ami Bakary Coulibaly rédacteur en chef du journal l’Essor.
Notre collègue Boubacar Sankaré qui a partagé 6 ans durant, la même chambre et la même classe (université de Santiago de Cuba) avec le défunt se souvient de cet homme au calme olympien et du journaliste de talent que Bakary Coulibaly a été.
C’était en 1981. Nous étions une vingtaine d’étudiants maliens à embarquer à bord de ce Boeing : destination la Havane.
Durant ce long voyage, avant notre arrivée à Cuba, très bavard j’avais pu sympathiser avec tous les autres. A l’exception de Bakary Coulibaly.
Et pour cause, l’homme était d’une timidité extraordinaire.
Ce ne serait qu’à l’université de Camagüey où nous devrions étudier la langue espagnole, que je fis la connaissance enfin de Bakary, puisque là, nous partagions la même chambre.
Pour son calme, le respect qu’il avait pour lui et pour les autres, très vite on lui attribua le pseudonyme « Kôrô » (grand frère).
Brillant, très brillant, d’un grand humanisme et ayant le sens profond de l’amitié et de la fraternité, Kôrô était l’ami de tous. Je le découvrais encore plus, lorsque, avec mes ainés Mamadou Kaloga, Youma Kéïta, Hama Barry et feu Baba Sangaré (Grazi), nous avions rejoint la faculté de journalisme à l’université de Santiago de Cuba. Là, pendant six longues année, nous avions partagé la même chambre, la même classe, les mêmes peines, les mêmes joies.
Très vite, je découvris, à l’instar des autres, à travers Bakary, un homme d’une extraordinaire modestie. Bakary, malgré son âge supportait tout et tout le monde. Il esquivait avec élégance toutes provocations, toutes discussions explosives. C’était un homme qui acceptait tous les coups (au sens propre comme au figuré) sans jamais se défendre.
Bakary était également un homme d’une culture générale extraordinaire qui reconnaissait la valeur des autres.
Je me rappelle encore des mots doux et fraternels qu’il m’adressait : « dôgô, ce métier de journaliste que tu étudies exige la patience, la tolérance, l’acceptation de l’autre et les différences. »
Bakary, avait aussi un profond respect pour le grand frère Gaoussou Drabo, alors rédacteur en chef du journal l’Essor. Il ne cessait de me dire : « dôgô, à ton retour au Mali, tu devras rencontrer Gaoussou Drabo, même si tu es un journaliste réalisateur. Tu apprendras beaucoup avec lui ».
Du grand frère Bakary Coulibaly, on ne se lassera jamais de vanter ses qualités de journaliste de talent et d’homme tout court.
Titulaire d’un diplôme en langue espagnole (1982), d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en journalisme (3 juillet 1987), Bakary parlait couramment Anglais et Portugais.
A son retour définitif au Mali, il a regagné le journal l’Essor où il retrouva son maestro Gaoussou Drabo.
Hélas « Les plus belles choses ont le pire destin » disait le poète.
A l’âge de 60 ans, Kôrô, suite à un accident de la circulation Bakary Coulibaly s’en est allé. Discrètement. Comme il a toujours vécu.
Il laisse derrière lui sa petite famille, ses proches, tous ses confrères et promotionnaires abasourdis par sa soudaine et brutale disparition.
Mais, que pouvons-nous, mortels que nous sommes, face à la volonté Divine ?
« Vouloir ce que Dieu veut est la seule science qui nous met en repos » disait François de Malherbe.
Dort en paix Kôrô ! « Hasta Siempre hombre » !
Boubacar Sankaré