Depuis une semaine, les étudiants de l’université Félix-Houphouët-Boigny, la plus grande université ivoirienne, bouillonnent. Après une manifestation organisée mi-février, plusieurs d’entre eux se sont fait tabasser par des éléments de la “police universitaire”, une structure créée après la crise post-électorale de 2010-2011, et dont les étudiants estiment qu’elle a la matraque facile.
D’après plusieurs témoignages, les violences auraient éclaté après la mobilisation le 17 février d’étudiants de l’université contre la création d’un conseil estudiantin, une nouvelle structure qui, selon eux, signerait la mort des syndicats étudiants . Rapidement, le ton est monté entre les forces de la police universitaire (ou PU) – les vigiles chargés de la sécurité du campus – et un étudiant en médecine qui tentait de filmer la scène. Il a été molesté par l’un d’entre eux. Lorsque les deux hommes se sont recroisés, le 20 février, une nouvelle altercation a éclaté et plusieurs camarades ont pris la défense de l’étudiant. En représailles, quelques heures plus tard, les policiers universitaires ont procédé à une descente dans un amphithéâtre de l’unité de médecine et se sont attaqués à plusieurs élèves. Une dizaine d’entre eux ont été blessés, dont deux grièvement. Selon des témoins, des professeurs qui ont tenté de s’interposer se sont aussi fait rudoyer par des éléments de la PU.
Après ces violences, les cours ont été officiellement suspendus dans toutes les universités publiques d’Abidjan. Les étudiants, quant à eux, exigent le départ de la police universitaire des campus.
La police universitaire , réellement active depuis la réouverture des universités ivoiriennes en 2013, a été créée avec l’aval des autorités. Cet organisme privé est chapeautée par la Société d’infrastructure moderne pour le développement de la Côte d’Ivoire (SIMDCI), la compagnie qui était en charge de la réhabilitation de l’université Houphouët-Boigny après la crise post-électorale.Le rôle de la PU est, notamment, d’assurer la sécurité des infrastructures et des équipements des structures universitaires, mais aussi le maintien de l’ordre sur le campus.
Les autorités avaient justifié la création de cette “police” par le fait que les universités ivoiriennes ont longtemps été le théâtre de violences perpétrées par des syndicats étudiants devenus de véritables mafias régnant en maîtres sur les campus. La Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire, aussi appelée Fesci, plus puissant syndicat étudiant avant la crise de 2010-2011, était considérée comme une milice à la solde de l’ancien président Laurent Gbagbo.
“On ne comprend pas qui tient cette supposée police”
Issa (pseudonyme) est étudiant à l’université Félix-Houphouët-Boigny
La façon dont les jeunes ont été traités lors de leur mobilisation a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Depuis sa réouverture en septembre 2012, l’université est chaque jour un peu plus sous tension. Il y a bien eu quelques coups de peinture pendant la réhabilitation, mais la plupart des promesses n’ont pas été tenues par les autorités. Les étudiants, qui viennent du pays entier, ont toujours autant de mal à se loger car les résidences universitaires n’ont pas été rouvertes. Toutes les semaines, on nous dit que ce sera fait la semaine suivante, mais finalement rien ne se passe. Et ce n’est qu’un exemple des multiples dysfonctionnements. Les jeunes sont à bout de nerfs.
Jeudi dernier, ils se sont fait tabasser en plein cours. D’après les récits de mes camarades, les PU sont entrées avec des matraques, des barres de fer et des couteaux. C’est impensable de la part d’une structure qui est supposée protéger les étudiants. On ne comprend pas qui tient cette supposée police. Visiblement, elle ne répond pas aux ordres du président de l’université. Les choses doivent être clarifiées.
“Aujourd’hui, les revendications des étudiants sont légitimes et ne sont pas politiques”
Albert (pseudonyme), un ancien étudiant syndiqué s’inquiète lui aussi de ce recours trop systématique à la violence face aux mobilisations étudiantes.
Si les interventions de la PU sont si violentes, c’est en partie parce que beaucoup de ses éléments sont des jeunes sans formation qui avaient pris les armes pendant la crise et qui ont finalement été réintégrés dans cette structure.
Pour nous, cette police a un objectif simple : empêcher l’activité syndicale des étudiants. Mais si, par le passé, certains syndicats se sont forgés une mauvaise réputation, depuis la réouverture de l’université, les revendications des étudiants sont légitimes et non politiques.
Mais du côté des autorités, personne ne se pose la bonne question, à savoir, quel avenir veut-on donner à l’étudiant ivoirien aujourd’hui ?
FRANCE 24 a tenté de joindre plusieurs fois les services du ministère de l’Enseignement supérieur, en vain.