Dans son dernier rapport, Afrobaromètre a révélé le faible recours des citoyens maliens à la justice conventionnelle.
Cette situation s’explique par la corruption et l’éloignement des instruments judiciaires des justiciables, mais surtout par le recours à la justice traditionnelle, jugée plus équitable par les populations. Au Mali, « seulement 45% des citoyens font recours aux tribunaux pour le règlement des litiges », soit l’un des taux les plus bas en Afrique de l’ouest selon le dernier rapport d’Afrobaromètre.
L’enquête révèle aussi le recours de plus en plus considérable à la justice traditionnelle, jugée accessible et équitable. Cet énième diagnostic vient consolider d’autres échos, notamment celui de l’étude menée l’année dernière par l’institut d’Etude de Sécurité en Afrique sur les motifs d’engagement des jeunes djihadistes au Mali. Sur plus 60 jeunes enquêtés, beaucoup avaient justifié leur engagement par déni de justice.
Dans un entretien accordé à Maliactu.info , il y’a quelques mois, Brema Ely Dicko, socio-anthropologue et l’un des collaborateurs de l’étude, expliquait l’implantation plus ou moins durable des groupes armés dans le centre du pays par la mauvaise distribution de la justice et son ombre de longue saison d’impunité.
Plusieurs autres observateurs de la situation sécuritaire s’accordent sur l’échec des mécanismes juridiques, surtout la justice conventionnelle que les populations rurales évitent comme la peste. La justice, c’est aussi le terreau de prédilection des groupes extrémistes qui sont entrain de saisir lentement mais sûrement le champ laissé par l’Etat avec une offre mixte charriant charia et justice traditionnelle pour gagner davantage la sympathie des zones sous leur contrôle.
Le plus audible des chefs « djihadistes » du centre, Hamadoun Kouffa a bâti sa renommée sur les débris de la justice, avant même que son fondamentalisme n’atteigne sa pointe. Cette panne de l’appareil judiciaire conventionnel est généralisée, et les citoyens comme l’a noté Afrobaromètre, se tournent de plus en plus vers les mécanismes traditionnels pour régler leurs litiges.
Au-delà du voile que vient de lever Afrobaromètre sur une justice complexe à plusieurs égards, c’est également une avance de réformes profondes que les autorités en charge de la question doivent à tout prix saisir afin de réussir le pari de la paix et de réconciliation. Cela passe en premier par la restauration du climat de confiance entre justice et justiciables.
Source: Maliactu.info