Résilience et vie pleine d’espoirs des femmes déplacées avec leurs maris et enfants, qui continuent de croire au Mali, défis et difficultés des femmes au quotidien en particulier dans des professions comme celles de journalistes. Ce sont lç quelques points saillants de l’interview que la journaliste présentatrice de l’ORTM, Nianian Aliou Traoré a voulue nous accorder, dans le cadre de la célébration de la journée du 8 mars. C’était le vendredi dernier dans la grande salle de la Rédaction de l’ORTM.
S’il vous plait pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Je suis Nianian Aliou Traoré, journaliste présentatrice à l’Office de Radio Télévision du Mali (ORTM), je suis dans la quarantaine, mariée et j’ai des enfants, donc une vie professionnelle de journaliste et une vie privée d’épouse et de maman.
Comment devient-on une grande journaliste présentatrice vedette de la télévision nationale, comme vous ?
Déjà, grande journaliste, vedette, ce sont des titres qui sont là… Disons tout simplement comment on devient journaliste ? C’est un choix ; j’ai fait des études comme tout le monde, des études fondamentales et puis encore le lycée, je suis littéraire de formation, parce que j’ai fait LL(langue littérature) au Lycée Ba Aminata Diallo (LBAD) et après, je suis allé à l’ENA, car mon père a voulu que je sois plutôt juriste. Il voulait un juge ou un avocat dans la famille donc, c’était mon tour, parce que mes ainés étaient passés par là. Je crois que ce n’était pas ma voix du fait que j’ai été toujours inspirée par l’actualité, toujours curieuse, si on peut le dire ainsi. Et puis, j’ai été toujours impressionnée par ma maman, qui travaillait à la télé. Elle est la première femme, qui a présenté l’émission culinaire à la télévision. Toute petite je baignais un peu dans l’environnement des caméras et des micros, parce que je voyais ma mère travailler avec des gens, cela m’a permis de voir la magie de la télé parce que, une fois qu’elle était devant la télé, c’était quelque chose et elle donnait l’envie de faire ce qu’elle faisait, donc je peux dire que c’est resté un peu dans mon subconscient. Peut-être moi je suis venu autrement, parce que de nature je suis curieuse de savoir qu’est-ce qui ce passe de l’autre côté, puis essayer d’expliquer à l’autre qui ne voit pas ça…
Pourriez-vous nous raconter un peu votre parcours ?
Comme je le disais tout à l’heure, j’ai fait des études, je suis littéraire de formation ; j’ai fait 2ans de Droit que j’ai laissés après, parce que vraiment ce n’était pas ma voix, après j’ai intégré l’ISPRIC. Nous somme la première génération d’étudiants que l’ISPRIC a donnée ; on a fait un peu de tout parce qu’on commençait à faire des études de journaliste ici au Mali avec l’ISPRIC. Donc, quelque part, je suis fière de dire que je suis un pur produit malien, parce que de l’école élémentaire jusqu’à l’université, j’ai tout fait ici. Souvent ? Il y a beaucoup de gens qui me posent la question : « Tu as fait des études ailleurs, je dis non, j’ai fait mes études ici et à l’école publique jusqu’à l’ISPRIC, qui est une école privée .
Quand j’ai fini, je me suis dit qu’il faillait se spécialiser dans quelque chose, donc sortir du Mali pour aller savoir comment fonctionne l’autre, pour avoir de l’expérience et mon père était dans cette optique. Il se disait quand mes enfants finissent leurs études, ils vont aller quelque part, même si c’est pour un ou deux ans, pour voir comment ça se passe sous d’autres cieux. Donc, je suis allé en France pour une spécialisation télévision, puis après, j’ai fait un peu d’anglais, parce que mon père y tenait aussi.
Les gens pensent qu’il faut attendre de finir les études pour commencer à travailler. Moi déjà, quand j’étais a l’ISPRIC, j’avais un de mes professeurs, Mme Maïga Fatim Maïga, la femme de l’actuel Premier ministre, Dr Choguel Kokala Maiga ; elle était journaliste, elle nous a amenée à l’ESSOR pour une sortie d’étudiant, après je l’ai approché, je lui ai dit que pendant les vacances, j’aimerais bien venir souvent travailler avec elle et elle a dit pourquoi pas. Donc, depuis étudiante, pendant les vacances, je partais à l’ESSOR pour faire des stages. Mais bien avant que je n’embrasse complètement la carrière de journaliste, si je peux le dire comme ça, avec mes études, quand j’étais à l’ENA, j’avais commencé à parler à la radio. Mais après, j’ai arrêté, car il fallait faire des études avoir des diplômes… Après je suis reparti à l’ESSOR, vant de poursuivre vers l’ORTM, jusqu’à aujourd’hui.
Quels sont vos défis ou les difficultés d’une grande journaliste présentatrice télé comme vous ?
Comme j’aime bien le dire, les difficultés ne vont jamais finir dans la vie de quelqu’un. Qu’on soit journaliste ou qu’on soit maçon, il y a toujours des défis à relever, mais moi ma formule c’est quoi : toujours le travail paye et toujours avoir l’amour et la passion de ce que tu fais, moi, je pense que le résultat est toujours au bout. Il ne faut pas avoir peur des difficultés, il ne faut pas avoir peur des défis à relever, des obstacles dans la société ; s’il y en avait pas, il n’y aurait même pas de raison de vivre. Même si vous avez 20 à 30 ans d’expériences dans un travail, vous aurez toujours un petit quelque chose qui sera là, ça vous met en défi avec vous-même et je pense que c’est ça qui fait avancer l’homme.
Les difficultés sont là au quotidien. Par exemple, tu sors peut-être, tu dois aller faire un papier sur un fait ou sur certaines conditions. Par exemple, je vais aller au marché, peut-être que les femmes, qui sont là ne travaillent pas dans de bonnes conditions là où elles vendent leurs condiments. La salubrité n’y est pas trop, tu dois faire un papier sur ça, peut-être que tu vas aller chercher ces dames là-bas. C’est elles que tu veux aider en fait, mais tu n’auras pas leurs témoignages, c’est une difficulté. Elles ne savent pas pourquoi vous êtes là, elles se disent nous on ne veut pas parler à la presse … On a ces difficultés quand on nous voit avec la camera et le micro, les Maliens n’aiment pas trop. Ils se disent non nous on ne veut pas sortir à la télé, surtout les femmes alors que toi en tant que femme tu veux aider à ce que tout ce qu’elles vivent au quotidien changent….Il faut connaitre là où tu pars et bien préparer son travail pour affronter les difficultés.
Comment arrivez-vous à concilier vos contraintes professionnelles et votre vie de femme ou d’épouse ?
Très difficilement, mais il faut se fixer des objectifs dans la vie, se dire ce métier, je l’aime, je suis passionnée par ça, je veux l’exercer avec passion et susciter chez d’autres femmes l’amour de cette noble profession. Il faut se dire si je n’avais pas ce métier avec moi dans mon quotidien, est-ce que je serais ce que je suis aujourd’hui.
Mais, en tant que femme, je partage la vie d’un homme ; et c’est vrai que mes enfants ne me voient pas trop ; ils voient plus leur papa que moi, cela dépend de nos différents emplois du temps. Mais, j’ai trouvée des interlocuteurs très attentifs en la personne de mon mari et de ma belle-famille, car il y a beaucoup de contraintes dans ce métier. Je remercie beaucoup mon mari ; il a cru en moi, il sait que j’aime ce que je fais, donc, il m’aide de son mieux pour que j’arrive à donner cette passion à d’autres femmes. Donc, difficilement, on concilie ce boulot et la vie d’épouse et mère, mais avec l’aide des bonnes personnes attentionnées, je pense qu’on y arrive. Il faut trouver le juste équilibre surtout communiquer avec le mari.
Quels conseils pourriez-vous donner aux jeunes sœurs journalistes débutantes ou aux filles qui voudraient devenir comme vous ?
Je ne dirai pas qui voudraient devenir comme moi, mais qui voudraient devenir de très bonne journaliste, il faut aimer ce qu’on fait dans la vie. C’est la base de tout, l’expérience ne s’acquiert pas en un jour, il faut avoir assez d’humilité et de modestie, mais il faut surtout étudier, chercher à comprendre, poser des questions et avoir une solide base. Quand tu n’as pas fait d’études, tu seras toujours mise en minorité dans un groupe, parce que toi-même tu auras le complexe de t’exprimer, tu ne pourras pas aller vers les autres, parce que toi-même tu sais qu’il y a un handicap qui est là. J’ai mes diplômes, j’ai fait des bonnes études, je crois en moi, qui peut m’arrêter ? Le seul conseil que je puisse donner est qu’il n’y a pas une autre formule qui marche. Il faut surtout étudier, se faire confiance, se dire que je peux y arriver, il n’y a pas quelques choses que l’autre peux faire que moi je ne peux pas, je peux tenter peut-être que ça ne va pas marcher pour moi, mais je me dis que j’ai essayé et ça n’a pas marché et qu’est-ce qui n’a pas marché cette fois ci ? La prochaine fois, je vais essayer d’arranger ça, peut-être que ça marchera pour moi et puis, ne pas oublier qui nous sommes.
Par ailleurs, on parle d’éthique et de déontologie en journalisme. L’éthique, c’est l’éducation que l’on reçoit au sein de notre famille, à ce que toi-même tu incarne dans l’exercice de ce noble métier. Alors que la déontologie c’est le code qu’on établit en matière de journalisme. Et les deux se complètent.
Je pense qu’il faut savoir d’où on vient culturellement, comment notre société est établie ? Comment doit-on aborder les gens, les respecter, avoir du respect pour son métier et avoir du respect pour soi-même. Parce que nous les femmes, tout le temps, on essaie de nous marginaliser. Il ne faut pas se laisser faire. Je ne suis pas féministe, mais je me dis que chaque porte que les hommes peuvent ouvrir, les femmes aussi peuvent le faire, il faut se faire confiance. Mais les hommes et nous, on se complète, je suis d’accord avec ça !
Quel appel ou message avez-vous pour la célébration de 8 mars cette année ?
Cette année, je salue la résilience des femmes déplacées. Ces femmes, qui sont loin de leurs foyers à cause de l’insécurité au centre du Mali. J’ai récemment rendu visite à quelques unes sur le site de Sénou, ce sont des femmes joyeuses, des femmes qui gardent l’espoir, que j’ai rencontrées ; c’est une forme de résilience que je salue beaucoup. Ce 8 mars, c’est l’occasion de leur dire de garder l’espoir que j’ai vu en elles. Malgré la distance qui les sépare de chez elles, elles ont réussi à donner un cadre de vie aux hommes et aux enfants avec lesquels elles vivent ; donc je me dis que c’est courageux, c’est fantastique et je dédie ce 8 mars à ces femmes qui tiennent debout, qui croient toujours au Mali et nous croyons tous au Mali. Elles ne demandent rien que de retourner un jour chez elles pour continuer à vivre de leurs petits commerces et être en paix dans un pays en paix.
Réalisée par Mama KEITA (stagiaire)
Source : Mali Horizon