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Prolongation de la Transition, sanctions de la CEDEAO contre le Mali… Me Barry plaide pour « un accord mutuellement avantageux »

Lors de la récente émission « EN TOUTE LIBERTÉ » de la Télévision Joliba TV News,  L’ancien ambassadeur du Mali en Guinée, non moins ancien ministre, cadre du M5-RFP et réputé très proche du Premier ministre de Transition, Dr Choguel Kokalla Maïga, Me Hassane Barry a souligné que les sanctions de la CEDEAO sont intenables. Pour le Mali et aussi pour des pays membres. Avant de plaider pour un dialogue hardi avec des médiateurs de taille en vue d’aboutir à un accord mutuellement avantageux entre l’Etat malien et la CEDEAO.

 

La transition aujourd’hui est en marche, est-ce que, pour vous, l’engouement des premiers jours est au rendez-vous ?

Je pense que nous n’avons pas changé et l’engagement est maintenu. Rien n’a changé. C’est vrai qu’en fonction de l’évolution de la situation, il y a des réajustements à faire, mais je peux vous rassurer que c’est le même engagement depuis la formation du gouvernement, depuis la phase de la rectification jusqu’à aujourd’hui.

Qu’est-ce qui vous a marqué un peu, depuis cette nouvelle phase de la  transition? Qu’est ce qui a changé ?

Nous gouvernons ensemble, je pense que depuis fin mai 2021, la transition a pris une autre trajectoire. C’est de pouvoir répondre à toutes les aspirations du peuple. Depuis le coup d’Etat de 2020…, nous étions dans une phase, où on cherchait à savoir véritablement où on allait. Parce qu’on n’avait pas créé des conditions pour gérer cette transition. Nous avons, à notre niveau, dénoncé cela au niveau des nouvelles autorités de la transition, à l’époque Bah N’Dao et son Premier ministre, Moctar Ouane ; nous n’avons pas été entendu. Nous avons fait toutes les démarches possibles pour qu’on prenne en compte les aspirations du peuple malien. Parce que si nous, on accepte engager ce combat jusqu’à ce que le régime tombe, c’est malheureux de pouvoir continuer sans avoir rectifié la démarche. Donc, c’est sur que depuis l’arrivée du président Assimi Goita à la tête de la transition et de son Premier ministre, Choguel Kokala Maiga et son gouvernement, la rectification est en marche. C’est vrai qu’il ya des hauts et des bas, mais la rectification, telle que voulue, en tous cas par le peuple, nous sommes en train de la mettre en œuvre.

Aujourd’hui, qu’est-ce qu’il faut comprendre avec la révision de la charte de la Transition, votée a l’unanimité?

Cette révision répond à un besoin. Nous n’avons pas voulu réviser pour réviser, nous avons voulu réviser pour coller à la réalité du pays et pour répondre plus amplement, plus fondamentalement aux aspirations du peuple. La révision a été faite et elle a fait appel pratiquement à tout le peuple malien, parce qu’elle est partie des communes jusqu’au niveau national. Cela intéressait tout le monde, toute les couches sociales ont été invitées à cet débat et de ce débat ont découlé des résolutions. Nous sommes maintenant à la phase de l’application de ces résolutions.

On parle de 6 mois à 5ans pour la durée de la transition ; est-ce que ce délai est raisonnable ou réaliste?

C’est à dire qu’en fonction de ce que nous avons, quand les gens disent 5ans, 4ans c’est trop, 6mois c’est peu, en réalité, ils ne savent pas la profondeur, l’abîme dans lequel le pays était. Il faut revoir tout cela, point par point, au plan électoral, au plan social, au plan politique, au plan institutionnel, faire en sorte que demain, quand tout sera en ordre et qu’il s’agit d’organiser les élections qu’on n’aille pas vers des contestations. C’est vrai qu’il n y a pas d’élections sans contestations, mais au moins nous prendrons le risque de le faire et de faire en sorte qu’il y ait moins de contestations et c’est ce que nous avons voulu faire. Je crois que le plus grand nombre comprend ce que certains ne comprennent pas, parce qu’ils sont pressés de venir aux affaires; ils sont pressés d’occuper des postes de responsabilité, mais je ne vois pas pourquoi vous allez chercher à venir aux responsabilités, alors que le pays est pratiquement dans l’abîme, le pays n’existe pas.

Les détracteurs de cette transition disent que les militaires restés longtemps au pouvoir et habitués aux délices, peuvent décider de ne plus partir…

Le peuple les lâchera, le peuple est assez patient, pour observer ce que chacun fait. On n’a pas encore fixé de délai par rapport à la transition. Nous créons les conditions pour pouvoir proposer un calendrier acceptable pour tout le monde. Cela peut être deux ans, ça peut être 18 mois, 12 mois, 4ans, 5ans, mais pour le moment, les consultations se poursuivent entre classe politique et même à l’extérieur, avec nos partenaires, mais pour le moment, je crois qu’il faut rester serein ; ça va arriver. Si au delà de ce que vous dites, les militaires exigeaient à rester pendant 4ans, 5ans, c’est le peuple qui va réagir. C’est le peuple qui a amené au changement de régime, ce combat, le peuple le fera. Quand le peuple constatera que les militaires on l’intention de rester et non de préparer des élections, il les boutera hors du pouvoir et je suis sûr qu’ils ne sont pas dans ça.

On parle dans les coulisses de 1 an à 16 mois pour la transition, est-ce que pour vous le Mali doit y aller?

Pourquoi pas…Effectivement Goodluck Jonathan est venu, je ne crois pas qu’il a rencontré la classe politique. Il a rencontré le chef de l’Etat et des ambassadeurs accrédités à Bamako et il est reparti. On n’a pas de détails du contenu des discussions qu’il a eues avec le chef de l’Etat et des ambassadeurs. Nous pensons tout simplement que c’est les consultations, qui se poursuivent, qu’il est venu pour écouter encore nos autorités et il va rendre compte à son retour. Moi, je crois que c’est ce format qu’il est en train de mettre en œuvre. Je vous dis, le problème est que la CEDEAO a un problème. Elle se fige dans une situation que nous ne comprenons pas. C’est le M5-RFP, qui a mené le combat, un combat d’une rare âpreté… Ce combat a abouti et ils ont compris cela comme une sorte de défaite par rapport à eux-mêmes, parce que Goodluck Jonathan est venu plusieurs fois ici au Mali et plusieurs fois, il est retourné pratiquement bredouille (avant la chute d’IBK NDLR) et pour eux, le moment est venu de prendre le taureau par les cornes. Parce que, tout simplement c’est le M5 qui est aujourd’hui au pouvoir et, leur principal adversaire c’est le M5-RFP, c’est le gouvernement de Choguel Maiga. La réalité, c’est ce combat qu’ils avaient perdu avant, qu’ils essaient de faire remonter pour rendre gorge au M5 RFP.

C’est votre lecture ou vous pensez justement que la CEDEAO est dans cette logique?

C’est ca la bonne lecture, ils ne le diront jamais, mais c’est ça la lecture. Nous avons mené un combat qu’ils n’ont jamais pardonné. Nous avons fait tomber un régime et ils ne l’ont jamais pardonné. Nous avons sorti leur homme du pouvoir. Ils  n’ont jamais toléré cela, c’est de ça qu’il s’agit et aujourd’hui c’est vous qui venez aux affaires, vous aurez tous les problèmes du monde et c’est ce qu’ils sont en train de montrer, mais ça ne sert à rien, parce que ce qu’ils sont en train de faire, c’est punir le peuple, ce n’est pas les dirigeants qu’ils punissent; mais c’est le peuple. Un embargo sur un pays déjà fatigué par des problèmes, des crises au centre, à cela s’ajoute la conjoncture économique difficile pour tous les pays de la sous-région. Y ajouter des sanctions économiques et financières, je dis que c’est grave; ce ne sont pas les dirigeants qu’ils visent, c’est le peuple qu’ils veulent affamer, qu’on le veuille ou pas, il faut le dire tout haut !

Dans quels objectifs, pourquoi ils veulent affamer le peuple ?

L’objectif c’est peut-être de susciter un coup d’Etat ou une insurrection, s’il n’y avait pas ces objectifs-là, il n’y aurait pas de sanctions ; c’est de ça qu’il s’agit, qu’on n’ait pas peur de le dire, en tout cas moi, ma lecture de la situation, c’est ça.

Aujourd’hui, la situation économique, l’isolement diplomatique du Mali est-il tenable pour les autorités?

Je le dis franchement, elle n’est pas tenable parce que moi, je ne ramène pas le problème au niveau des intellectuels, au niveau du pouvoir. Moi, je ramène le problème au niveau du peuple, il ne faut pas que le peuple ait faim ou soif, ou perde sa liberté, sa dignité en étant dans certaines conditions. Donc, pour vous dire que cette position n’est pas tenable pour le pays et elle n’est pas tenable non plus pour la CEDEAO, car le Mali commerce avec l’ensemble des pays de la sous-région, les décisions de la CEDEAO ne pénalisent pas simplement le Mali, mais pénalisent également les populations de ces différents pays.

Que font nos autorités pour que le peuple n’ait pas faim?

Les dispositions sont déjà prises, je crois que la Chambre de commerce, les opérateurs économiques se sont retrouvés, j’ai vu tout le combat fait par les autorités en direction du port de Conakry, du port de Nouakchott et ailleurs. Nous sommes en train de trouver des formules pour que nous ne sentions pas trop le poids de ces mesures. Je pense que de ce côté-là, si on n’avait pas la Guinée et la Mauritanie, on ressentirait beaucoup plus. C’est heureux que ces deux pays aient accepté véritablement de nous aider en laissant leurs frontières ouvertes.

Quid du divorce entre Bamako et Paris, avec le départ des troupes francaises et Takouba du sol malien…?

Je crois que le Premier ministre, en tenant un discours au Nations Unies n’a fait que dépeindre la situation qui était la nôtre et c’est vrai, en disant que la France nous a lâché en plein vol, nous sommes totalement d’accord avec lui, et la France, pourquoi va-t-elle se sentir insultée ? Parce que nous avons simplement osé dire la vérité à un partenaire historique. Donc, nous n’avons pas le droit de tenir le langage de vérité à un partenaire, à un pays ami? Je crois que c’est de trop. Donc, ce qui a amené véritablement la réaction de la France parce que nous avons tenu ces propos, nous avons dit que vous ne pouvez pas continuer à nous insulter et à avoir des relations à la chauve-souris avec la France. La première mesure a concerné le départ de l’ambassadeur, mais il faut vous souvenir qu’on a eu les mêmes problèmes il y a des années avec la France par rapport aux propos tenus par l’ambassadeur du Mali en France, Toumani Djimé Diallo. Donc, après tout ces propos la France a dit compte tenu de la situation, je serai obligée parce que nous avons dit que nous allons diversifier nos partenaires, la sécurité ne sera pas uniquement entre les mains de certains, nous allons envisager d’ouvrir et nous retrouver avec certains partenaires, la France a dit si ces partenaires arrivaient, je me retire et après, elle dit elle sursoit d’abord et elle va se réorganiser. Donc, elle a fini par dire, moi je m’en vais définitivement. Est-ce que c’est un divorce, je ne le sais pas, en tout cas nous n’avons fait que suivre ce que la France veut. Et ça, nous n’acceptons pas continuer sur dans ce sens.…..

Sur le plan diplomatique qu’est ce qu’il faut faire aujourd’hui pour bien positioner le Mali et le sortir des sanctions?

Je crois qu’il faut que ça évolue. Je pense que ça n’a pas peut-être exploré tous les moyens à la disposition de l’Etat. Je ne crois pas que ce soit l’œuvre simplement des gouvernants, la société civile doit jouer son rôle, les partis politiques doivent sortir et se donner la main pour faire face à nos partenaires au moins africains pour dire voilà ce que nous voulons, il faut réunir tous les partis politiques et qu’ils adoptent au moins ce chemin. En dehors des partis politiques, en dehors de la société civile, nous avons des pays amis comme l’Algérie, le Maroc, la Turquie, la Chine, le Japon. On peut les consulter pour les impliquer davantage auprès de la CEDEAO et ça, je ne crois pas que ça a été fait. J’ai dit à notre dernière émission qu’il faut peut-être faire appel à la Chine. La médiation de la Chine aux côtés de l’Algérie, je ne sais pas si cela a été fait ou pas, mais j’ai compris après que les Chinois n’étaient pas du tout opposés, parce que j’ai entendu les propos de leur ambassadeur disant qu’il allait s’impliquer dans la médiation entre le Mali et la CEDEAO. Si ce n’est pas fait, il faut le faire. Il y a le Maroc, le Japon, la Turquie, tout ceux-ci, dans une concertation, une synergie commune, peuvent rencontrer la CEDEAO. Nous avons besoin de ça…

Propos transcrits par Mama KEITA (stagiaire)

Source : Mali Horizon

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