Le ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme a organisé la 3ᵉ conférence de l’espace «Faso Sifinso» (Case des valeurs) à l’université Kurukan Fuga (Faculté de droit public) jeudi dernier (19 juin 2025). Elle a été animée par Mamady Keïta, professeur de N’Ko.
«Yèrèdon ni Fabadenia», c’est-à-dire le patriotisme, les fondements endogènes de notre culture ! Des valeurs abordées par Mamady Keïta, professeur de N’Ko (une écriture et une philosophie développées pour valoriser les langues africaines), lors de la 3ᵉ conférence de l’espace «Faso Sifinso» (Case des valeurs) à l’Université Kurukan Fuga (Faculté de droit public) jeudi dernier (19 juin 2025). Devant des étudiants attentifs, ce professeur émérite a livré un discours fort en expliquant que le patriotisme ne commence pas dans les livres ni dans les discours politiques, mais dans la conscience de soi et dans le respect de ce qu’on est, de ce qu’on hérite.
«Avant de dire que tu aimes ton pays, il faut d’abord savoir qui tu es. Et ça, c’est dans nos valeurs que tu le trouves», a-t-il insisté. Le conférencier a aussi tiré la sonnette d’alarme par rapport à la perte progressive de nos repères traditionnels et ses conséquences concrètes sur la société actuelle. Il a notamment cité la montée de la délinquance chez les jeunes ; l’usage de plus en plus fréquent de drogues ; la perte du respect entre générations ; l’affaiblissement du lien social et familial…
Pour l’homme de culture, il ne s’agit pas simplement d’un débat culturel, mais d’un enjeu de survie sociale. «Si on ne retourne pas à nos bases, on va continuer à importer des modèles qui ne nous correspondent pas». Les réactions ne se sont pas fait attendre. Plusieurs étudiants ont pris la parole pour féliciter les organisateurs, mais aussi exprimer leur soif de connaissances et surtout de repères pour ne pas s’égarer dans la jungle que cesse de devenir notre société, voire l’humanité. «Ce sont des espaces très rares. On n’a pas souvent l’occasion d’apprendre sur nos propres valeurs. On aimerait que cela continue, et surtout que ça commence très tôt, dès le primaire», a souhaité Djimé Abdoulaye Bah, étudiant en droit. «Depuis l’indépendance, on nous a enseigné tout sauf ce que nous sommes. On nous a coupés de nos racines. Pourquoi ce réveil si tardif ? Pourquoi a-t-il fallu attendre autant d’années ?», s’est interrogée une étudiante.
Des paroles qui traduisent un besoin profond de réappropriation, mais aussi une douleur générationnelle, celle de jeunes qui cherchent leur place entre un héritage trop peu transmis et une modernité parfois déstabilisante. Du côté des officiels, Amadou Diabaté (représentant le ministre de la Culture…), a rappelé que cette démarche est loin d’être symbolique. Elle s’inscrit dans une politique culturelle nationale qui vise à redonner toute leur place aux valeurs endogènes comme leviers de développement et de stabilité. Pour cela, l’État compte multiplier les conférences comme celle-ci, mais aussi produire des contenus éducatifs, soutenir les initiatives communautaires et favoriser l’enseignement des langues nationales, à travers des programmes scolaires adaptés.
«Faso Sifinso» n’est pas qu’un slogan, c’est une volonté politique visant à réconcilier les jeunes avec leur histoire, leur culture et leur identité. Et cela d’autant plus qu’un pays qui connaît ses racines est plus fort, plus uni et plus lucide sur son avenir. La jeunesse malienne ne demande qu’à comprendre. Encore faut-il lui parler dans sa langue, lui transmettre avec confiance ce que tant d’autres ont reçu en silence. Si le Mali veut vraiment se relever, alors il faudra, comme le disait le professeur Keïta, «commencer par se regarder dans le miroir de nos ancêtres».
Sory Diakité