En désignant, lors du sommet au Tchad, les dirigeants djihadistes Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa comme les ennemis privilégiés de la France, Emmanuel Macron n’a fait qu’aggraver la situation sécuritaire au Mali.
Dans son rapport trimestriel présenté au Conseil de sécurité publié le 26 mars dernier, la Minusma fait état de 22 casques bleu blessés et d’un décédé des suites de ses blessures lors d’une attaque à l’arme lourde et au mortier dans l’une de leur base dans le cercle de Douentza. Ce bilan ne prend pas en compte l’assaut contre leur camp d’Aguelhok qui a eu lieu le 2 avril où quatre soldats tchadiens ont péri et de nombreux autres ont été gravement touchés. Il y a eu également l’attaque le 17 mars à Tessit où officiellement 33 soldats maliens sont morts après avoir été pris dans une embuscade. Quant au centre du Mali, il vit toujours sur des charbons ardents. Chaque jour, apporte son lot d’événements dramatique, par exemple, le 10 avril se sont huit chasseurs traditionnels qui ont sauté sur un engin explosif improvisé.
Dans son rapport, la Minusma indique que si les civils continuent à payer un lourd tribut, le bilan de ce dernier trimestre est moins lourd que le précédent, 145 tués contre 182. Cette embellie ponctuelle n’a néanmoins aucune incidence sur le climat sécuritaire qui reste de plus en plus préoccupant.
Ce qui devait arriver, arriva…
Lors du sommet de Ndjamena, Emmanuel Macron a demandé qu’un bataillon tchadien de 1200 hommes intégré au sein de la Force du G5 Sahel soit déployé dans la région des Trois frontières. Or, si ces soldats sont renommés pour être âpres au combat, ils ont aussi la réputation, qui n’est pas surfaite, de ne pas faire dans la dentelle. Les pires craintes ont précédé leur arrivée et les pronostics n’ont pas été déjoués. A peine, avait-il débarqué à Tera au Niger qu’ils ont été accusé de viols.
Des rumeurs sur les réseaux sociaux font également état d’exactions commises lors de leurs opérations : arrestations arbitraires de civils et exécution sommaire d’un civil au Niger. Ces dénonciations sont si précises et si étayées que le G5 Sahel a été obligé de démentir dans un communiqué : « ces allégations sont infondées. Ni le bataillon tchadien, ni aucune autre unité de la Force conjointe, jusqu’à preuve de contraire, ne pourraient être tenus pour auteurs de ces allégations » Fermer le ban ? Peut-être pas, puisque les mêmes sont encore accusés d’avoir, lors de leur riposte à l’attaque d’Aguelhok, exécuté sommairement trois personnes qui se rendaient dans la ville pour des soins.
Connaissant les états de services de l’armée tchadienne fallait-il absolument les appeler au secours pour aider à régler la crise dans le Sahel ? Le pari se révèle audacieux.
De possibles négociations avec Amadou Kouffa?
L’autre pari audacieux fait à Ndjamena a été de désigner Iyad Ag Ghali et Amadou Kouffa comme ennemi public numéro un. Si d’aventure le défi de les « neutraliser » n’était pas relevé se serait perçu comme un échec de la stratégie française. A moins que, Faure Gnassimbé, l’homme de la CEDEAO pour suivre la feuille de route de la transition malienne, n’arrive à faire changer d’avis le président français.
Selon Financial Afrik, lors de son déjeuner à l’Elysée le 9 avril, le chef de l’Etat togolais a tenté de modifier la ligne d’Emmanuel Macron sur le sujet afin d’obtenir l’aval de Paris pour engager des discussions avec Amadou Kouffa. Il s’agirait d’ouvrir une brèche entre le patron de la Katiba Macina et Iyad Ag Ghali afin d’isoler ce dernier. L’idée n’a que peu de chance d’aboutir tant les stratégies des deux hommes sont complémentaires.
Une brèche a juste été ouverte dans l’intransigeante posture de Paris.
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Emmanuel Macron veut la tête d’Iyad Ag Ghali sur un billot
Avant d’entamer un « retrait partiel » des troupes françaises du Sahel, toujours annoncé et toujours remis, le président français cherche à frapper un grand coup contre le terrorisme au Sahel, en mettant hors d’état de nuire l’omniprésent et insaisissable Iyad ag Ghali.
Des tracts représentant en photo le djihadiste malien Iyad AG Agaly, chef du groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ont été parachutés en masse à Tessalit et à Tombouctou dans le Nord du Mali. Iyad ag Ghali, qui marque chaque jour de points au Mali, y compris comme interlocuteur valable de la junte militaire au pouvoir, ne serait, peut-on lire, qu’un « employé d’Al-Qaida » dont le seul but est « la destruction de l’Azawad, la fin des traditions, la destruction de l’honneur ».
Des numéros de téléphone apparaissent sur ces tracts, sans doute pour encourager d’éventuels délateurs à indiquer la localisation de celui qui reste l’ennemi public numéro un des Français dans la Région. Souvenons nous que si François Hollande a déclenché l’opération Serval au Mali en 2013, c’est sur la foi de rapports de l’armée sur la colonne de terroristes marchant sur Bamako et menée par un certain Iyad ag Ghali. La France a voulu croire un peu rapidement que ce chef touareg, qui était pourtant sous contrôle des services algériens, allait s’emparer du pouvoir au Mali avec quelques centaines de partisans ! L’intervention militaire française débutait !
D’après le site « l’appel pour le Mali », beaucoup sur place pensent que les tracts lancés au Nord du pays l’ont été à l’initiative des militaires de l’opération Barkhane. Ce qui semble fort possible compte tenu du contentieux entre Ag Ghali et la France et en raison du calendrier du président français, Emmanuel Macron. Lequel cherche à opérer un grand nettoyage de printemps contre les forces terroristes au Sahel afin d’opérer, la tète haute, « un retrait partiel » des troupes tricolores.
Sans doute le Président français se voudrait l’héritier de Barack Obama lorsqu’il annonça en pleine nuit le 2 mai 2011 qu’Oussama Ben Laden avait été abattu. »Justice est faite ».
Un grand « nettoyage » hypothétique
On voit bien quel avantage le Président français retirerait d’un grand coup de pied dans la fourmilière terroriste. Les chefs militaires qui renâclent devant la perspective d’un retrait n’auraient pas le sentiment de déserter le théâtre d’opérations sur un échec. À un an de la Présidentielle, Emmanuel Macron pourrait faire face aux procès pour abandon qui seraient immanquablement tenus par ses adversaires de droite et d’extrême droite.
Au Mali hélas, la situation sécuritaire est plus grave que jamais et l’armée française accumule surtout des revers. La force Barkhane est même accusée par un rapport de l’ONU d’une très grave bavure pour avoir confondu un rassemblement festif à l’occasion d’une noce avec un déploiement d’un groupe armé terroriste. Ce que la ministre, Florence Parly, et le chef d’état major persistent à nier avec un aplomb qui pourrait se retourner contre les autorités françaises et compromettre le retrait dans l’honneur auquel aspire Emmanuel Macron.
On peut craindre que le Président français confonde ce qui est du ressort de l’obstination dans la lutte anti terroriste avec l’entêtement à croire en une victoire qui lui a définitivement échappé.
La rédaction
Source : Mondialafrique