Les fidèles musulmans de la Grande Mosquée de Bamako n’ont pas apprécié que la coupure d’électricité survienne ce 1er Avril et justement, à l’heure de la Grande Prière du vendredi Saint.
C’est seulement à quelques minutes de l’entame de la prière collective du vendredi dernier qu’est intervenue la coupure. L’on comprend aisément le désagrément causé en cette période de canicule. La chaleur était tout simplement suffocante et insupportable. Aussi et surtout, faute de micros, les prieurs n’entendaient plus les paroles de l’imam et de son muezzin. Toute chose ayant occasionné un désordre dans les rangs.
Au regard du grand malaise suscité, certains n’ont pas attendu la fin du culte hebdomadaire. Il a suffi qu’ils se rendent compte du «salam» final pour plier leurs tapis de prière et quitter rapidement les lieux.
Les plus résistants ont certes attendu la fin de toute la séquence, à savoir, les incantations et bénédictions de l’Imam, mais tous ont déploré que cette coupure d’électricité survienne seulement en ce moment. Certains, plus amers, ont maudit la société la société EDM. On les comprend. Mais pour autant, le comité de gestion de ladite mosquée s’avère tout aussi blâmable qu’EDM S.A (lire encadré).
En fait de coupure, tout laisse croire qu’il s’agit d’un délestage. Une opération qui suppose une programmation selon les priorités. Vu sous ce prisme, la mosquée officielle le jour de la prière collective du vendredi s’avère indubitablement la Priorité juste le temps de l’office. Ce, ne serait-ce que pour des raisons sécuritaires.
Mais tout se passe comme si EDM S.A ne contrôlait plus la situation. Les coupures et/ou délestages sont désormais sauvages, incontrôlés et violents ; les communiqués publiés par la société elle-même ne respectent pas la programmation annoncée…
Et c’est désormais la hantise chez de nombreux petits ouvriers (menuisiers, mécaniciens, soudeurs, électriciens, réparateurs, dépanneurs en général, etc.) dont la subsistance dépend en grande partie de l’électricité.
La mauvaise gestion
C’est un déficit de production qui est indubitablement à l’origine de la défaillance d’EDM. Les capacités de production de la société sont en effet très en-deçà de la demande surtout en cette période de grande consommation. EDM aurait, de ce point de vue, bénéficiée d’une circonstance atténuante. Ce n’est malheureusement pas le cas. Et pour cause.
Au détriment de l’amélioration, de l’entretien et surtout du renforcement de ses capacités de production, ladite société a procédé, courant 2015 à de vagues de recrutement complaisants et souvent inutiles. Les charges ont ainsi été décuplées au détriment des moyens de production. Et le hic, c’est que le nouveau personnel recruté (plusieurs centaines) l’a été pour des motivations politiques et politiciennes.
Il s’agit de jeunes militants du parti aux affaires. L’affaire soulève en ce moment même un véritable tollé. Des stagiaires et bénévoles ayant plusieurs années de «service» ont été ignorés au profit de militants très souvent inexpérimentés et improductifs (nous reviendrons sur ce détail dans nos prochaines livraisons).
Un des syndicats s’était insurgé contre la pratique. Mais très vite, lui aussi a rejoint les rangs et garde désormais un silence coupable. Pour sa part, le nouveau DG a promis de redresser la barre. Mais selon toute évidence, il ne dispose pas d’un biceps assez fourni pour apporter le changement promis. L’on n’est donc pas encore sorti de l’auberge.
Pour autant, la situation peut s’avérer dangereuse. Et pour cause. Profitant de la cherté de la vie et des contraintes de gouvernance, voire des dérives du régime en place au moment des faits, le Collectif des Partis Politiques de l’Opposition (COPPO – 1997), a misé sur les délestages et coupures intempestifs d’électricité pour mobiliser les masses et organiser une grande marche de protestation contre le pouvoir en place. L’on a frôlé le soulèvement populaire. Le message passa 5 sur 5. Il y a juste 20 ans que survenait cet incident sociopolitique. IBK était là.
B.S. Diarra
Des manifestants contre les coupures d’électricité sur incitation du COPPO (1997)
Encadré
Le péché du comité de gestion de la Mosquée
Aux yeux de nombre d’observateurs, il est inadmissible que la mosquée officielle de la capitale, avec une capacité d’accueil de plusieurs centaines de milliers de fidèles, ne dispose d’un groupe électrogène de secours. Inadmissible !
Elle n’a, au demeurant nullement besoin d’apports extérieurs pour se mettre à l’abri. Les raisons ? Toute l’annexe-Ouest de l’infrastructure fait en ce moment objet de baux à usage commercial. Mensuellement, ce sont des dizaines de millions F CFA qui sont censés tombés dans les caisses de la mosquée sans compter les dons, legs et subvention de l’Etat.
De sources proches du comité de gestion, c’est l’opérateur économique Bazoumana Fofana qui a en charge l’exploitation de ces magasins et boutiques. Et l’homme n’est pas réputé bon payeur. L’on sait d’ores et déjà qu’il est en conflit avec la plupart des locataires qui lui reprochent le manque d’entretien des lieux, du manque d’eau, des augmentations arbitraires du loyer, , etc.
En tout état de cause, le comité de gestion de la Mosquée dispose de tous les moyens légaux pour lui faire payer ses dus. Pour n’avoir pas choisi cette option légaliste, nombreux sont les locataires qui soupçonnent des accointances entre le bailleur et des membres du comité de gestion.
Ce sera, en tout état de cause, la suprême humiliation le jour cette coupure d’électricité surviendra en présence d’officiels étrangers sans compter les autres désagréments pour les fidèles.
B.S. Diarra
Source: La Sentinelle