Le Mali est engagé dans une guerre d’usure aux conséquences illimitées et à l’issue incertaine. Mais l’arbre cache la forêt et l’implication de la puissance colonisatrice dans les combats, aux côtés de l’ennemi, est désormais un secret de polichinelle. Sur les théâtres d’opérations militaires, la France est rattrapée par son comportement coupable.
Le vol d’Air Algérie qui s’est écrasé dans le désert malien le 24 juillet 2014 et qui a fait 116 morts dont une cinquantaine de Français n’a pas fini de rendre tous ses secrets. Dans ses enquêtes, la gendarmerie française a indiqué que ledit vol AH 5017 d’Air Algérie a essuyé des chocs violents avant son embourbement. Explication : des militaires français formant une colonne de combattants s’était invitée dans la guerre suite à la visite, on se rappelle, de Moussa Mara à Kidal. Les forces armées maliennes, en légitime défense, ont vaillamment défendu le gouvernorat de Kidal. Parmi les victimes, des combattants identifiés comme des militaires français ayant activement participé aux tueries. Pour masquer la supercherie, le France affrète un avion, objet du vol AH 5017 d’Air Algérie. L’avion avec à bord des Français ayant massacré des militaires maliens, à Kidal, est bombardé. La seule finalité était-elle d’effacer toute trace de la France dans l’exécution des militaires maliens dans l’antre de Kidal ? La France a-t-elle accepté de tuer ses propres fils pour ne pas identifier les fautes commises par son armée sur le territoire malien alors qu’elle était venue défendre ce pays ?
Si, aujourd’hui, les enquêtes n’ont pas abouti, c’est pour détruire certainement toute trace pouvant inculper l’Hexagone.
Et le 26 janvier 2013 ?
Ce jour-là, il était 4 heures du matin, au cœur de la nuit, la ville de Gao venait à peine de tomber. Une colonne d’une centaine de véhicules – 400 militaires maliens, 100 français – progresse, formant un convoi qui s’étire sur dix kilomètres. A un kilomètre de Gao, le premier véhicule blindé tombe dans un énorme cratère de 3 mètres de diamètres et 1,5 mètre de profondeur. Sous le choc, le véhicule est disloqué, deux soldats blessés, nez cassé, bras fracturé, trauma crânien… L’explication est simple : la veille, les forces spéciales françaises se sont retrouvées face à un pick-up bourré d’explosifs conduit par deux kamikazes. Les Français ouvrent le feu, le véhicule explose, les corps des deux islamistes disloqués par le souffle gisent sur le bas côté de la route. Il fait très noir. Une équipe télé qui accompagne le convoi s’active, mais ne peut faire d’images, d’autant qu’immédiatement, à la radio, on entend la consigne : « Attention ! Restriction presse. Pas d’images, donc pas d’histoire ». On était à une époque où la France soutenait l’armée.
Témoignages accablants
Sur les théâtres d’opérations militaires, un djihadiste appelle un élément de la force barkhane. Les deux personnages évoquent leur stratégie militaire avec comme seule leitmotiv de barrer la route aux forces armées maliennes et de sécurité (FAMAs). Le message intercepté, mais aussi enregistré par le djihadiste, demandait de stopper net la progression de l’armée et de booster hors d’état de nuire le premier militaire malien venu. « Je vous promets que je ne laisserai passer aucun soldat malien ». Noté répond son interlocuteur qui ajoute : « Faites votre travail, je resterai sur mes gardes. Je défendrai mon territoire ». Ce sont des preuves que la complicité entre djhadistes et éléments barkhanes est irréfutable. Mieux, la stratégie militaire applicable sur le terrain et visant à bombarder les positions de nos camps est d’obédience française. Elle consiste à cibler la concentration des troupes maliennes et à les frapper de loin avant de s’approcher et de tuer tout fuyard. Les médias français sont aussitôt mis à contribution pour dire que notre armée a été mise en déroute en publiant le nombre de morts et de disparus. Or, même en cas de légitime défense, il n’est pas rare d’entendre la France rétorquer que de telles actions menées par les FAMAs sont passibles de crimes de guerre. Comme l’a dit le cinéaste mauritanien Abderhamane Sissakho, la crise malienne est « un choc, une souffrance ».
Salif Diallo
Le Matinal