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La faute à nos économistes

SITUATION ÉCONOMIQUE DE PLUS EN PLUS MOROSE

La faute à nos économistes

Les expériences venues d’ailleurs l’ont suffisamment démontré. En période de crise sur fond de bras de fer entre les Etats, le rôle des économistes nationaux est capital pour maintenir voire amplifier les digues de résistance financière du pays. Les analyses éclairées, propositions pertinentes et brillants conseils émis par les experts en économie et en gouvernance servent toujours de phare au Pouvoir et aux citoyens afin d’envisager les actions les mieux indiquées et suivre l’itinéraire le plus bénéfique. Or, depuis des mois, c’est une démarche inverse regrettable que l’on a observée chez de très nombreux économistes maliens. Lesquels, agissant par populisme et oubliant que l’économie est avant tout une science ancrée dans la réalité, se sont laissés aller aux prévisions les plus simplistes et les plus contre-productives. Résultat : la migraine économique est là qui n’épargne aucun de nous. La faute en partie à ces spécialistes déconnectés du réel qui ont trusté les médias pour nous vendre les équations les plus illusoires.     

 

Ils se sont trompés… lourdement trompés. Ils se sont terriblement fourvoyés. Et ils sont très nombreux. Ils ne peuvent plus se cacher sous un quelconque parapluie d’arguments colorés de faux-fuyants ni s’abriter derrière le mur des prétextes faciles. Par leur erreur d’appréciation collective, ils sont pour beaucoup comptables de la morosité financière qui souffle sur nos porte-monnaie. Par leur faute d’analyse, ils sont en grande partie fautifs-coupables de la contraction qui entrave notre environnement économique national. Et qui rétrécit le volume de notre portefeuille à chacun.

“Ils”, ce sont tous ces lots de théoriciens maliens de l’angélisme et des contes de fées économiques qui, depuis le début de la crise avec la CEDEAO, ont tracé à notre économie des chemins simplistes éclairés par les lampes pâles du populisme. Après nous avoir ainsi induits en grande erreur, auront-ils cette humilité de reparaître, la mine contrite, devant le peuple pour présenter leurs excuses les plus confuses et faire acte de repentance ? Cela est peu probable.

Pourtant, qu’est-ce qu’ils sont blâmables ces experts en économie des solutions faciles ! Eux qui, s’étant laissés emporter par la vague de l’émotion populiste, et oubliant que l’Economie est d’abord une science du réel, nous ont fait comprendre (à nous le Peuple) que la crise n’aurait sur nous que l’effet d’une piqûre de moustique.

Qu’est-ce qu’ils sont dignes de reproches ces hyper économistes, ces spécialistes surdoués de la finance, ces juristes champions de l’analyse, ces politiques d’une autre planète, qui n’ont eu de cesse de nous convaincre sur les médias qu’il suffisait seulement d’entonner des incantations pour multiplier par dix la puissance de résistance des piliers qui soutiennent notre économie nationale !

Ne les a-t-on pas vus, matin et soir, écumer les plateaux télé et les antennes radio pour nous expliquer, flamme de la passion démagogique dans la voix, que les sanctions n’auront autre incidence sur notre économie que celle de la brûlure éphémère d’une égratignure de fourmi sur la joue !

Or, voilà que le réel est venu contredire tous leurs calculs basés sur des principes naïfs. Contrairement à leurs prédictions façonnées à l’argile de la facilité, la conjoncture est bel et bien là. Et, comme un désaveu cinglant et retentissant de leurs équations enjolivées et de leurs prévisions poétiques, l’implacable étau de la réalité du quotidien économique se resserre sur nous populations. Alors, nous, le Peuple, découvrons ou redécouvrons désappointés la légèreté des prévisions simplistes de tous ces super économistes qui, au nom d’un populisme irrationnel, ont montré à l’Etat le mauvais itinéraire économique de l’isolationnisme à emprunter.

N’est-il pas temps de nous rappeler cette vérité à nous tous. L’économie est une démarche rationnelle, une science du réel et non du surréel. A ce titre, elle se doit non pas de faire miroiter au peuple des tapis volants magiques sortis du conte des Mille et une Nuits, mais plutôt d’éclairer le débat public par les analyses les plus rationnelles et les propositions les plus connectées à la réalité.

Ramer à contre-courant de la rationalité parce qu’on est animé par le seul désir de plaire au Prince souverain, est une gymnastique économique trompeuse qui conduit toujours dans une impasse. Si l’on peut comprendre la volonté de chacun de nous de défendre notre nation contre vents et marées, rien ne justifie le fait que cette posture patriotique frôle le déni de réalité au point de vouloir pousser l’opinion nationale vers le mirage d’un monde économique parfait inexistant.

Le grand tort de beaucoup de nos économistes et spécialistes en tous genres de la gouvernance utopique, est d’avoir, au nom d’une démagogie économique contre-productive, délibérément maquillé le tableau de la durée réalité qui attendaient les Maliens. Leur faute a été de se cramponner à l’idée qui consiste à prendre « pour de la faiblesse » le fait d’admettre l’évidence économique de son pays. Un manque d’humilité et de clairvoyance de leur part qui a dérouté la perception de beaucoup d’entre nous (y compris au sein des décideurs) et qui est en train de peser lourd sur le pouvoir d’achat de tous les Maliens.

Heureusement, ayant réalisé que les équations économiques du tout simplisme prônées par certains économistes déconnectés (comme claquer sans délai la porte de la CEDEAO et de l’UEMOA) n’étaient point la meilleure assiette des solutions ; le chef de l’Etat a réamorcé ou revigoré la mécanique indispensable de la recherche du compromis avec nos voisins. Le colonel Assimi Goïta, qui a compris que pour sortir notre pays du labyrinthe économique, il faut absolument suivre le fil d’Ariane qui conduit à l’entente avec nos voisins frontaliers, est en train de marcher dans la bonne direction. Puisse-t-il continuer résolument sur cette voie afin que nous ayons au plus vite un accord. Cet accord qui fera enfin voler les indignes barbelés des sanctions, et qui donnera à notre économie et à chacun de nous plus de marge de manœuvre face aux défis écrasants du quotidien.

En attendant, espérons que tous ces économiques, diplômés ou surdiplômés de la supra-réalité, auront la modestie de ranger leurs fausses prévisions au placard pour un temps.

MOHAMED MEBA TEMBELY   

Source: Les Échos- Mali

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