Déclaration de Karim Wade lue devant les juges de la CREI :
Il m’est reproché d’avoir profité des hautes fonctions que Monsieur le Président de la République m’a confiées. Et vous savez que tous les faits liés aux fonctions ministérielles que j’ai exercées ne peuvent être appréciés que par la Haute Cour de Justice.
Mais devant les hommes et les femmes de ce pays, devant tous ceux qui nous observent, devant nos partenaires et pour démontrer le caractère politique des poursuites à mon encontre j’aborderai, avec vous, cette affaire montée de toute pièce.
Je suis un prisonnier politique. J’ai été pris en otage pendant seize (16) longs mois, privé de liberté, de ressources, de l’affection et de la présence des miens, calomnié, injurié et présenté aux sénégalais comme un prédateur de leurs maigres ressources et soumis à une procédure où mes droits ont été constamment violés.
Ce que j’avais à dire n’intéressait pas ceux qui m’accusent. Et c’est au bout de six (06) mois, le jour de l’expiration du premier mandat de dépôt, que j’ai été interrogé sur des biens et un patrimoine qui m’ont été attribués juste pour justifier une liquidation politique. Je refuse de payer la rançon et je m’explique devant le peuple au nom de qui la justice est rendue.
D’abord, les enquêtes menées au Sénégal et dans tous les pays du monde aussi bien par le Procureur Spécial que la commission d’instruction de la CREI n’ont révélé aucun fait de corruption et personne ne s’est plaint de corruption contre moi, et aucun des 77 témoins que l’accusation fera défiler devant vous ne dira que j’ai sollicité de lui des biens, des avantages matériels ou des services quelconques. J’ai géré plusieurs départements et personne ne m’impute de malversation dans leur gestion.
Ensuite, les sociétés visées m’ont été arbitrairement imputées et sans aucun fondement juridique. J’ignore tout d’elles, de leur création à leur fonctionnement. Je n’en suis ni fondateur, ni actionnaire. Je n’ai aucun intérêt dans ces sociétés. Je ne suis pas bénéficiaire économique. Je n’ai aucun intérêt économique ou financier avec elles ou avec leurs actionnaires. Leurs propriétaires ne sont pas mes prête-noms.
Pour les biens appartenant à d’autres personnes, qui m’ont été faussement attribués pour gonfler artificiellement mon patrimoine et manipuler l’opinion, la consultation du dossier de la CREI m’inspire les constats suivants :
D’abord pour les sociétés commerciales faussement évaluées à 34 milliards qui constitueraient 34 % du patrimoine inventé :
On m’attribue la propriété des sociétés AHS (Sénégal, Bénin, Guinée Equatoriale, Centrafrique), BMCE/BLACKPEARL, ABS, AN MEDIA et CD MEDIA, alors que les actes notariés, les registres des actionnaires, les résultats des commissions rogatoires internationales sollicitées par la commission d’instruction de la CREI attestent de manière incontestable que je n’ai aucun intérêt dans ces sociétés, ni ne suis pas en affaire avec leurs actionnaires.
Les commissions rogatoires confirment que ceux qui figurent sur les actes notariés sont les bénéficiaires économiques ultimes. Je ne me cache derrière aucune ingénierie financière comme en atteste également l’absence de flux financier entre ces sociétés, leurs actionnaires réels et moi-même.
– On m’attribue la propriété de la société Canal Info AN Média, qui est revendiquée devant la justice sénégalaise depuis de nombreuses années, avant même le début des poursuites, par Mamadou Vieux Aïdara et Cheikh Tidiane Ndiaye ;
– On m’attribue la propriété de sociétés évaluées à 34 milliards de Francs CFA alors que certaines sont en faillite, en cessation de paiement, ont cessé toutes activités, comme BMCE/BLACKPEARL, AN MEDIA, CD MEDIA, etc…comme l’atteste le rapport des administrateurs provisoires désignés par la Commission d’instruction de la CREI.
Une simple consultation des actes notariés, des statuts et des pièces comptables qui sont en votre possession permet d’établir que le montant total des ressources qui ont permis à leurs actionnaires de créer toutes ces sociétés ne dépasse pas un (01) milliard de Francs CFA.
En ce qui concerne les comptes bancaires :
– On m’impute la propriété de vingt-neuf (29) comptes à Monaco. Je n’ai rien à voir avec ces comptes que je ne connais pas, n’étant ni propriétaire, ni signataire, ni mandataire, ni bénéficiaire économique et ne disposant d’aucun pouvoir sur ces comptes comme en attestent de manière incontestable les résultats des commissions rogatoires internationales adressées à Monaco par le Sénégal.
Mieux, l’expertise réalisée, ordonnée par la commission d’instruction de la CREI (Monsieur Abo Mbaye Sall de la société SCC) confirme qu’il n’existe aucun flux financier entre ces comptes et moi-même, comme d’ailleurs l’avait préalablement attesté la banque Julius Baër de Monaco.
Par ailleurs, le montant de 10,9 milliards de francs CFA retenu par la commission d’instruction pour ces comptes bancaires est largement surévalué par rapport au 6 milliards de Francs CFA qui ressort des informations transmises par la Justice de Monaco et la banque elle-même. Ces montants ne m’appartiennent pas et n’ont jamais été retrouvés sur mon compte, les propriétaires ne sont pas mes prêtes nom.
– On m’attribue les 47 milliards de francs CFA sur un soit disant compte bancaire à Singapour. Il s’agit d’un montage grotesque qui illustre parfaitement le complot et la machination dont je fais l’objet.
Cette affaire a été créée et montée de toute pièce à la dernière minute pour tenter de justifier mon renvoi devant la CREI et tenter d’impressionner l’opinion.
Car, au final, après deux (02) années d’enquêtes planétaire impliquant le Sénégal, la France, l’Angleterre, les États Unis, les Pays-Bas, de très nombreux pays et la Banque Mondiale, seize (16) mois de d’emprisonnement, d’isolement, de privation, deux (2) ans d’interdiction de sortie du territoire, m’ont totalement blanchi des accusations fantaisistes.
La meilleure illustration de cette machination est que je n’ai jamais été entendu sur ces 47 milliards à Singapour et que la Commission d’instruction m’a renvoyé devant vous 48h seulement après avoir envoyé la Commission rogatoire à Singapour pour entre autres, vérifier l’existence de ce compte.
Le faux compte de 47 Milliards à Singapour a été créé pour tenter de justifier les accusations de corruption et créer des flux et liens financiers artificiels entre les prétendus complices et moi-même.
Je dénonce cette machination orchestrée par la Présidence de la République, avec la complicité de l’expert Pape Alboury Ndao du cabinet RMA et la complaisance de la Commission d’Instruction.
En ce qui concerne les biens immobiliers et les terrains :
– On m’attribue la propriété de terrains sur la VDN et à l’aéroport au niveau du hangar des pèlerins et sur la corniche alors que ces terrains sont la propriété de l’Etat.
Ils ont fait l’objet de baux consentis à des personnes morales, qui ont été résiliés par l’Etat qui a récupéré ces terrains avant le début des poursuites diligentées contre moi.
Monsieur le Président, Messieurs les Conseillers, permettez-moi de rire car c’est moi-même alors Ministre en charge des Transports Aériens qui avait sollicité de mon collègue des finances que des bandes de terre englobant ces terrains soient déclarés non aedificandi pour des questions relatives à la sécurité de la navigation aérienne ;
– On m’attribue la propriété d’un immeuble HARDSTAND-EDEN ROC pour un montant de 18 milliards Francs CFA alors que l’administrateur provisoire nommé par la CREI elle-même a confirmé dans son rapport et ses annexes en votre possession que les titres fonciers démontraient que je n’étais pas propriétaire de ce bien.
Je ne vous apprends pas, Monsieur le Président, que les énonciations du livre foncier créent un droit définitif et inattaquable.
Sur la totalité du patrimoine de 117 milliards
Ainsi, vous pourrez constater que mon patrimoine réel a été surévalué de près de cinquante (50) fois par rapport à l’arrêt de renvoi et près de trois-cent (300) fois par rapport aux accusations de l’Etat du Sénégal de 840 milliards fondées sur les deux (2) mises en demeure et les 47 milliards du faux compte de Singapour.
Tout cela démontre le caractère grotesque et fantaisiste de l’accusation déjà anéantie en France par le classement sans suite fait par la Justice française de la plainte déposée par l’Etat du Sénégal pour corruption, détournement de fonds et biens mal acquis en France contre moi.
J’ai été blanchi par la Justice française. Alors que je me suis consacré au développement de mon pays, le Sénégal, notamment dans les secteurs des infrastructures, de l’énergie, de la coopération internationale et la recherche de financement pour améliorer le sort des populations sénégalaises.
Le pouvoir cherche à me condamner afin de m’empêcher de me présenter aux prochaines élections présidentielles car ma candidature hante le sommeil du Président Macky Sall.
D’ailleurs, vous avez dû être étonné comme moi de la conférence de presse tenue par les avocats de l’Etat, sur ma probable candidature. J’ai eu le grand honneur de bénéficier de la confiance de Monsieur le Président de la République. J’ai exercé avec dignité, abnégation et honnêteté les fonctions qui étaient les miennes. J’ai la conscience de ceux qui ont fait leur travail avec vertu. J’ai la conscience tranquille et je n’ai rien à me reprocher. J’ai foncièrement mal pour mes amis d’enfance qui ne sont là que pour répondre du délit d’amitié.
J’ai mal pour tous ces prétendus complices innocents qui n’ont rien fait, qui n’ont jamais bénéficié d’un moindre marché de l’Etat. Ils sont les victimes collatérales de cette machination ; de ce complot dont l’objectif unique est de me detruire politiquement. Monsieur le Président, j’ai une ambition, une seule : que mon pays occupe la place que lui assigne notre peuple, un peuple d’hommes et de femmes libres et fiers, un peuple qui a l’audace de prendre son destin en main au sein de l’Afrique.
Je tiens à remercier mes parents qui m’ont inculqué des valeurs et qui m’ont donné une éducation et une formation dans l’une des meilleures filières de notre génération. Pour terminer, je ne répondrai à aucune question tant que Bibo Bourgi ne se sera pas soigné et en état de comparaître.
Les Avocats du Collectif pour le
Compte du prisonnier politique
Karim WADE.