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Kidal et rebellions du nord : Des alliances à l’image des dunes du Sahara

Dans le désert, en général et le Nord du Mali, en particulier, les alliances se font et se défont au gré des événements, des circonstances et des accointances comme des dunes au bon gré du vent. Cette réalité caractérise pratiquement toutes les rebellions que le pays a connues dans le septentrion. C’est ainsi que des flancs du MNLA est sorti le groupe Ançar Eddine d’Iyad Ag Ghaly, ensuite le Mujao, le MIA et aujourd’hui le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Elle est l’expression, voire la conséquence directe de  l’éternel conflit de leadership que se livrent les différentes composantes de cette communauté touarègue du Nord du Mali.

Azawad040412300Le Mali fait face depuis son indépendance à un irrédentisme touareg. Suite au Pacte national signé en 1996 entre le gouvernement malien et les Mouvements et forces unifiés de l’Azawad (Mfua), le septentrion a régulièrement été confronté à des rebellions séquentielles pour des motivations toujours plus ou moins diffuses.

La dernière en date, qui a été de loin la pire pour le pays en 52 ans d’indépendance, n’échappe pas à cette même règle. Si au départ, les revendications du MNLA étaient précises par rapport à l’indépendance ou au moins une auto-détermination pour les régions du Nord, cette position a changé au gré des circonstances et des accointances que ce mouvement a traversés en l’espace de 2 ans d’existence.
Créé en octobre 2011 à Ménaka à la faveur du retour massif de la Libye des centaines d’éléments supplétifs de l’armée du colonel Kadhafi, fuyant ainsi les bombardements de l’Otan, les initiateurs de l’actuelle rébellion ont largement bénéficié de la duplicité et des faiblesses de l’Etat malien pour s’installer confortablement avant de déclencher les hostilités contre l’armée malienne. La suite est connue.
Les replis stratégiques aggravés par le coup d’Etat du 22 mars 2012 ont été à l’origine de l’abandon des 2/3 du territoire national dans les mains d’un conglomérat de bandits, de narcotrafiquants et de criminels de tous genres. D’une guerre pour l’indépendance, le conflit s’est mué en jihad pour l’instauration exclusive et implacable de la charia dans toute sa rigueur. Les populations des zones occupées ont été ainsi soumises aux pires formes d’exactions, de violences et d’humiliations.
Des crimes contre l’humanité et autres crimes de guerre y ont été enregistrés et dénoncés par plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme. Il a fallu l’intervention armée de la France et le déploiement d’une force internationale africaine sous l’égide des Nations unies pour mettre en déroute les jihadistes et les bandes terroristes qui avaient fait de cette partie du territoire malien leur sanctuaire.

La donne a changé
« Les terroristes ont été vaincus. Les jihadistes ont été chassés », selon François Hollande. Les principales villes du Nord du Mali ont été libérées à l’exception de Kidal que le MNLA s’est précipité à occuper de nouveau après qu’elle eut été préalablement libérée par les troupes françaises et tchadiennes.
En vue de se positionner dans la perspective des négociations post conflit, le même jeu des alliances et de multiplication des groupes ou bandes armés ont ressurgies. Ainsi, le confrère Jeune Afrique consacre-t-il un article intéressant à la question dans sa dernière parution.
En effet, le confrère précise à ce sujet qu’à la naissance du MNLA, en octobre 2011, « il ne manquait aucun Intalla. Aujourd’hui, il n’en reste plus un seul ». Le fils aîné de l’Amenokal, Mohamed, député à l’Assemblée nationale, a également quitté le mouvement armé le 19 mai. C’est lui qui, il y a quelques semaines, a créé le HCA, dont il est aujourd’hui le secrétaire général.
« Pour intégrer le HCA, explique-t-il à Jeune Afrique, il faut n’appartenir à aucun autre groupe. D’où la démission de mon père et la mienne ». D’où aussi la dissolution du MIA décidée par son frère, Alghabass. Le parcours de ce dernier illustre la mouvance des alliances dans la région. Destiné à succéder à son père à la tête des Ifoghas (ainsi en a décidé « le Vieux »), Alghabass qui, comme son frère, est député de l’Assemblée nationale, a d’abord participé à la création du MNLA.
Lorsqu’Iyad Ag Ghaly, vexé de n’avoir pu prendre la tête du MNLA a, quelques semaines plus tard, créé son propre groupe armé, Ançar Eddine, il a décidé de le suivre. « Alghabass n’est pas un islamiste, mais il a estimé qu’Iyad était le meilleur choix », explique un familier du clan. Mauvaise pioche : en janvier, après l’échec de son offensive sur le Sud, Iyad, qui s’était allié aux groupes jihadistes, est définitivement devenu infréquentable. Alghabass a alors créé le MIA.
Depuis, il a régulièrement tenté de se rabibocher avec les dirigeants du MNLA et de renouer avec les Français. Aux premiers, il a proposé de fusionner et de changer de nom, sans succès. « Le MNLA estime qu’il a la légitimité et surtout la reconnaissance internationale. Pour eux, il est hors de question de changer de nom. La seule chose qu’ils nous proposent, c’est de les rejoindre », expliquait en mars un cadre du MIA.
Aux seconds, il a réclamé d’être considéré comme un interlocuteur pour la paix, toujours sans succès. « Les Français ne veulent pas discuter avec un groupe issu d’Ançar Eddine », explique un diplomate ouest-africain. D’où son nouveau pari : le HCA.
Toujours, selon le confrère « officiellement, le Haut conseil de l’Azawad est là pour rassembler et faire la paix ». « Notre objectif, à court terme, est de réconcilier tous les Azawadiens : les Touaregs, les Arabes, les Peuls, les Songhaïs, indique Mohamed Ag Intalla. A plus long terme, nous voulons trouver une solution – l’autonomie ou une fédération – avec le gouvernement malien et la communauté internationale ».
La volonté des Intalla de fédérer « l’ensemble des communautés du Nord » est cependant loin de faire l’unanimité. « Ce n’est rien d’autre qu’un moyen, pour les gens d’Ançar Eddine et du MIA, de se refaire une virginité », peste un représentant des Imghads, une tribu touarègue en rupture avec les Ifoghas. Et de poursuivre : « Les Ifoghas sont le problème du Nord. Ils ne comprennent pas la démocratie. Pour eux, il est impensable qu’un autre groupe que le leur gouverne ».

Le MNLA se fissure
La virulence de la réaction du MNLA vis-à-vis de la prépondérance du HCUA illustre ses failles internes. Selon un spécialiste de la région, le groupe est traversé par deux tendances a priori irréconciliables : « D’un côté, il y a les Libyens, ceux qui ne connaissent pas le Mali, ont grandi en Libye et ne sont venus avec les armes qu’en 2011, après la chute de Kadhafi. Ce sont les plus radicaux. Ils sont déconnectés de la réalité. Ils ne veulent pas intégrer le HCA et feront la guerre jusqu’au bout. De l’autre, il y a les Touaregs du Mali, qui sont plus respectueux des traditions et n’iront pas à l’encontre de l’Amenokal. Ceux-là sont prêts à faire la paix et à rallier le HCA ».
Les premiers sont dirigés par le chef d’état-major du MNLA, Mohamed Ag Najim, un Idnan qui a intégré l’armée de Kadhafi dans les années 1980 (il a notamment combattu au Tchad). C’est lui le vrai patron du mouvement. Les seconds suivent Bilal Ag Achérif, qui a étudié en Libye mais est resté proche « des gens du bled », et qui appartient à la communauté des Ifoghas. Malgré son titre de président du mouvement, il n’est pas le dernier décideur. Tous deux sont basés à Kidal.
Le départ des Intalla pourrait être une conséquence de la « rupture entre ces deux groupes » dont parlent plusieurs familiers du Nord-Mali.
Selon une source diplomatique, d’autres personnalités ont démissionné ces derniers jours, parmi lesquelles des officiers de l’armée malienne qui avaient déserté en 2012. « On va vers l’isolement du MNLA », parie un médiateur, qui rappelle que la France ne le soutient plus avec la même vigueur que par le passé (lire ci-dessous).
La position du groupe armé est d’autant plus intenable qu’il est en conflit avec d’autres mouvements du Nord. « Ils sont presque en guerre avec les Arabes. Et les Imghads, qui sont restés fidèles au Mali et au colonel Gamou, n’attendent que le feu vert de Bamako pour en découdre avec eux », explique un Touareg basé dans un pays voisin.

 

Comme on le voit, même si la situation qui prévaut aujourd’hui à Kidal venait à trouver une solution, cela ne signifierait sûrement pas la fin des problèmes entre ces différentes composantes de la communauté touarègue. Ce qui est à craindre aussi, ce sont les dérapages ethniques et ségrégationnistes enregistrés ces derniers jours à Kidal suite à la chasse aux peaux noirs organisée par les éléments du MNLA. Jamais, les rebellions au Mali n’avaient encore glissé sur ce terrain dangereux et difficilement maîtrisable.
Il urge donc, pour l’Etat malien et l’ensemble des partenaires impliqués dans le règlement du conflit, de mettre un terme définitif à cette situation. Sinon, le risque est évident qu’elle peut à tout moment déboucher sur d’autres complications encore plus complexes.
Bréhima Sidibé

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