Dans cette interview, le président de la Fédération malienne de cricket fait le bilan de la saison qui vient de s’achever, parle des grands chantiers de son mandat et affiche son optimisme pour l’avenir de la discipline dans notre pays
L’Essor : La saison de cricket s’est achevée, il y a quelques semaines, avec le championnat national Dames qui a été remporté par la Dream Team. Quels commentaires faites-vous du bilan de l’exercice 2020-2021 et qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?
Kawory Berthé : La saison 2020-2021 a été une année très riche en activités et nous nous en réjouissons beaucoup. Tout d’abord, nous avons organisé des sessions de formation des encadreurs (entraîneurs, arbitres et scorers) dans trois ligues, à savoir Bamako, Sikasso et Ségou. Ces sessions ont permis de former de nouveaux athlètes et ont été suivies de l’organisation des compétitions dans les mêmes localités.
Les deux compétitions majeures, à savoir le championnat national Messieurs et le championnat national Dames se sont déroulées à Bamako, précisément au stade Ouezzin Coulibaly. Toutes les ligues affiliées à la fédération ont participé aux deux compétitions et je dois dire que nous avons été agréablement surpris du niveau des équipes, notamment du Tata de Sikasso qui a réussi à se hisser en finale du championnat national Dames.
Le parcours réalisé par cette jeune équipe prouve que le cricket se porte bien à l’intérieur. Qu’est-ce qui m’a le plus marqué cette saison ? Globalement, c’est l’amélioration du niveau des équipes et l’engouement suscité par les compétitions. Cette année, il y a eu beaucoup de choses positives qui augurent des lendemains meilleurs pour le cricket.
Je ne saurai passer sous silence le travail réalisé par le bureau fédéral et les responsables des ligues qui, depuis plusieurs années, se battent au quotidien pour la promotion et le développement de cette discipline au Mali. C’est un travail de longue haleine, mais quand on a la volonté, tout est possible.
L’Essor : La Fédération malienne de cricket est considérée par nombre d’observateurs comme l’une des associations les plus actives du pays. Quel est votre secret et comment faites-vous, quand on sait que cette fédération fait partie des dernières nées des instances sportives du Mali ?
Kawory Berthé : Notre seul secret est le travail. à la Fédération malienne de cricket, nous avons toujours eu la conviction que seul le travail paie. Chaque membre du comité directeur de notre fédération joue pleinement sa partition avec conviction et dévouement. Comme vous l’avez dit, nos moyens sont très faibles mais avec l’accompagnement et le soutien de nos partenaires notamment le ministère de la Jeunesse et des Sports et le Comité national olympique et sportif (CNOS), nous arrivons à nous en sortir.
Chaque année, nous exécutons nos programmes d’activités, en termes de formations et de compétitions. Notre ambition est d’augmenter chaque année le nombre de sessions de formation et de compétitions que nous organisons. Je voudrais saisir cette opportunité pour témoigner ma reconnaissance à tous nos partenaires, avec une mention spéciale pour le président du Comité national olympique et sportif, Habib Sissoko et son équipe.
L’Essor : Le Mali a été le premier pays francophone de la sous-région à être admis au sein de la Fédération internationale de cricket, encore appelée ICC. Qu’est-ce qui a été déterminant dans le processus d’adhésion de notre pays à l’instance suprême du cricket mondial ?
Kawory Berthé : C’est notre abnégation et notre attachement au travail bien fait qui ont surtout exhorté ICC, l’instance internationale, à nous rendre visite en 2005 et quelques mois après cette visite, le Mali est devenu officiellement membre de l’instance suprême du cricket mondial. Les dirigeants de l’International Council Cricket (ICC) ont été séduits par ce qu’ils ont vu lors de leur séjour au Mali et c’est ainsi que nous sommes devenus le premier pays francophone de la sous-région à obtenir le statut de membres affiliés de l’instance.
Avant, les pays membres de l’ICC étaient repartis en quatre catégories (nouveau territoire, membres affiliés, membres associés et membres entiers, ndlr), mais le statut de membres affiliés n’existe plus. Le Mali fait donc partie des membres associés qui sont au nombre de 18 en Afrique.
Entre autres, on peut citer l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, les deux pays du continent les mieux classés et qui ont le statut de membres entiers, le Kenya, la Gambie, le Nigeria, le Cameroun, le Ghana, la Tanzanie, la Zambie, l’Ouganda. Je précise qu’il y a aussi des pays, comme la Côte d’Ivoire et le Bénin qui pratiquent le cricket et que l’on appelle nouveau territoire.
L’Essor : Chaque année, ICC accorde des subventions à ses membres. Quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier de cette aide et quel est le montant de ce soutien de l’ICC ?
Kawory Berthé : La subvention de l’ICC est accordée en tenant compte d’un certain nombre de critères, allant dans le sens de la promotion et du développement du jeu de cricket. Le premier critère concerne le nombre d’athlètes, d’entraîneurs, d’arbitres ayant participé aux compétitions, le nombre d’infrastructures et la bonne gouvernance à laquelle ICC accorde une grande importance. Le montant de la subvention varie en fonction du travail abattu, donc du bilan des activités réalisées.
Le Mali a commencé avec 10.000 dollars par an (environ 5 millions de F cfa), ensuite nous avons atteint 16.000 dollars (environ 8 millions de F cfa) et aujourd’hui, notre pays gagne 18.000 dollars (environ 9 millions de F cfa). Cette augmentation d’année en année est une récompense des efforts déployés par la fédération pour la promotion et le développement du jeu de cricket dans notre pays. Chaque année, ICC exige de ses membres un rapport détaillé sur l’usage de la subvention.
L’Essor : Après votre réélection à la tête de la fédération en 2018, vous avez déclaré que vous donnez la priorité à quelques grands chantiers, notamment le développement du mini-cricket, du cricket féminin et du cricket scolaire, la mise en place des sélections nationales masculine et féminine. Est-ce que votre équipe a pu réaliser tous ces projets ?
Kawory Berthé : Quand on a été réélu en 2018, on était conscient des défis qui nous attendaient, notamment la relance du cricket scolaire et la promotion du cricket féminin. Aujourd’hui, on peut dire que c’est chose faite. La seule année 2021 a vu la participation d’une vingtaine d’équipes féminines aux compétitions que nous avons organisées à Bamako, Sikasso et Ségou. Nous avons aussi enregistré la création de nouvelles équipes dans certains établissements scolaires et cerise sur le gâteau, nous avons introduit et développé le jeu de cricket dans certains quartiers populaires, comme Faladiè.
L’Essor : Quels sont aujourd’hui les grands défis du cricket malien ? Y’a-t-il des difficultés qui entravent le bon fonctionnement de la discipline dans le pays ?
Kawory Berthé : Notre premier défi majeur est le manque d’infrastructures. Jusque-là, le Mali ne dispose d’aucun site de cricket digne de ce nom. Nos compétitions se déroulent sur des terrains de football ou de basket-ball et la plupart du temps, après de longues négociations avec les propriétaires de ces infrastructures. Je profite de cette interview pour remercier les directeurs des stades pour leur assistance, le directeur du stade Ouezzin Coulibaly, Zoumana Fané qui nous a beaucoup aidé cette année. La fédération lui sera toujours reconnaissante.
L’Essor : En tant que président de la Fédération malienne de cricket, quel est aujourd’hui votre plus grand rêve ?
Kawory Berthé : Le jeu de cricket est un jeu très éducatif et très récréatif. C’est une discipline qui cultive la patience et bannit le gain facile. Mon plus grand rêve est de partager cette éducation dans le divertissement avec le maximum de jeunes de mon pays. Cela ne pourrait se faire sans des infrastructures pouvant accueillir des compétions sous régionales, régionales et même internationales.
Le Mali peut s’inspirer de l’exemple de certains pays comme la Gambie qui a réalisé un site réservé uniquement au cricket mais qui profite à toutes les autres disciplines. C’est un véritable joyau. Depuis plusieurs années, la fédération se bat pour avoir un site, mais pour le moment, aucune démarche n’a abouti. Nous n’allons pas baisser les bras parce que nous sommes convaincus qu’à travers le cricket, on peut contribuer à l’éducation et à l’épanouissement de la jeunesse malienne de façon diversifiée et constructive.
Interview réalisée par
Boubacar THIERO