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An Ka Ben : IBK veut-il la réconciliation ?

Une question d’autant plus légitime que les actes (haineux) posés par le président de la République ne favorisent nullement la cohésion sociale et encore moins à raffermir les profondes déchirures causées par la crise de 2012. IBK s’illustre surtout par des écarts de langage dans ses adresses à ses concitoyens qui ne partagent pas sa vision ( ?) et voue aux gémonies ses prédécesseurs à Koulouba. Pour plus d’un malien, la réconciliation est un vain mot pour le chef de l’Etat qui, après une laborieuse quête du pouvoir, croit semble-t-il son heure arrivée pour prendre sa revanche. En vérité, IBK n’a posé aucun acte dans le sens de réconcilier les Maliens. Au contraire…

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Ibrahim Boubacar Keïta avait pourtant fait de la réconciliation du Mali, la priorité des priorités. Rien de plus normal après une crise multidimensionnelle qui a mis en mal le vivre ensemble aussi bien au Nord du pays, où des groupes armés ont causé d’énormes torts aux populations, qu’au sud où la cohésion sociale s’est effritée suite au coup d’Etat insensé du 22 mars 2012. Le Mali a connu de profondes déchirures. Les plaies restent aujourd’hui encore béantes, infectées davantage par le comportement de celui-là même qui était censé récoller les morceaux. Cette réconciliation est pourtant un passage obligé pour remettre le pays sur la voie de la normalisation. IBK le sait. Et l’ensemble des Maliens étaient d’accord avec lui quand il a placé son mandat sous le signe du triptyque Rassemblement-Mobilisation-Réconciliation. C’est pourquoi, la majorité des Maliens et la communauté internationale ont été désemparés, quand, aussitôt installé sur son fauteuil présidentiel, IBK égrène des discours va-t-en guerre et se déchaine contre tous ceux qui ont eu à gérer une portion du pouvoir au cours de ces vingt dernières années. Ses ennemis jurés ? Les proches du président Amadou Toumani Touré. Pis, IBK va qu’à cautionner le déclenchement de poursuites judiciaires contre l’ancien chef de l’Etat pour haute trahison. A entendre certains de ses discours et attaques, surtout contre le régime d’ATT, on ne peut que s’interroger sur les vraies raisons d’une telle hostilité. Hors, il a été président de l’Assemblée nationale sous ATT et son parti a presque participé à tous les gouvernements de consensus institué pendant que Touré était aux affaires. Et aujourd’hui, IBK qualifie ce consensus de «consensus mou» et ne rate aucune occasion pour cracher dans la soupe.

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Discours réconciliateurs mais…

Alpha Oumar Konaré ? IBK, qui fut son Premier ministre, l’ignore superbement. On aura entendu IBK prononcer publiquement le nom d’Alpha Oumar Konaré qu’une seule fois. S’il rechigne à dire le nom de celui dont il a été le Premier ministre pendant longtemps, il est évident qu’il fasse de même pour son prédécesseur, le cadet devenu son frère ennemi.

IBK semble renier toutes les années passées dans les hautes sphères de l’Etat sous ces deux hommes d’Etats. Plus qu’une simple négation, il donne l’impression de garder une rancune tenace à leur l’endroit.

Un moment, pour avoir enchaîné hommages et langage réconciliateurs, on avait cru qu’il s’était ressaisi et qu’il avait (enfin) radicalement changé, dans le bon sens. En effet, dans son message à la nation à l’occasion du 26 mars 2014, le chef de l’Etat a tenu un discours réconciliateur qui sied aux hommes d’Etat responsables. Il avait indiqué que la nation malienne est une grande nation qui sait surmonter les passions, l’adversité et les rancœurs, en rappelant que tous les présidents du Mali encore en vie (tout en les citant nommément) peuvent se retrouver côte à côte lors d’événements sociaux. IBK avait traduit cette possibilité dans son discours ainsi qu’il suit : « Nous sommes une grande nation, parce que nous sommes une nation résiliente. Nous sommes une grande nation, parce que nous sommes une nation  capable de dépassement et de compromis. Nous sommes une grande nation parce que notre nation sait surmonter les passions, l’adversité et les rancœurs.

Tous, toutes, fils, filles de la même nation, certes diverse, nous savons nous mettre d’accord sur l’essentiel, à savoir vivre ensemble. Nous devons alors rendre grâce à Dieu, pour avoir fait de nous ce peuple majeur. Ce peuple brassé qui, privilège exceptionnel, peut réunir pour les mêmes événements sociaux, Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré, Amadou Toumani Touré, Dioncounda Traoré, Ibrahim Boubacar Keita. Comme il a su réunir héritiers de Fily Dabo Sissoko et de Modibo Keïta ».

Les Maliens étaient soulagés, croyant que le président du Mali, ce pays qui sort d’une éprouvante guerre et qui aspire à la paix, s’est complètement débarrassé de ses discours va-t-en guerre, pour épouser, enfin, les valeurs cardinales qui furent celles de ses prédécesseurs: humilité, modestie, respect, pardon, dialogue, rassemblement, réconciliation. Après avoir ainsi balisé le terrain de la réconciliation nationale, le président IBK n’avait plus qu’à lier les discours aux actes. Hélas ! Ce fut l’heure des actions folkloriques organisées par ses soutiens sur la réconciliation, devenue un véritable fonds de commerce. Le mouvement « An Ka Ben », créé pour les besoins de la cause, est financé à coup de dizaine de millions pour soutenir IBK et non pour favoriser une quelconque réconciliation.

IBK : entre les discours et les actes…

Au même moment, du côté d’IBK lui-même, tout se passe sur fond d’une petite revanche destinée à diaboliser ses opposants. En leur endroit, il profère régulièrement des menaces. On se souvient de la posture adoptée par le président de la République au moment de la contestation contre le projet de révision constitutionnelle. Au lieu d’œuvrer à mettre fin à l’atmosphère de haine et de violence qui s’était installée et dont l’entière responsabilité incombait à ses partisans et à lui-même, IBK s’évertuait à diaboliser les opposants à cette révision en les présentant comme des apatrides et ennemis de la paix.

Bien avant, l’opposant Tiébilé Dramé et son parti, Parena, trop dérangeant pour le pouvoir, avait subi la colère du chef de l’Etat. Ce parti avait, en effet, dans une déclaration saillante (en avril 2014) décrié la gestion médiocre du régime. IBK, très irrité, a alors répliqué en traitant le Parena et ses soutiens de « hasidi », des envieux qui s’agitent parce qu’ils n’ont pas été nommés au gouvernement. « Ntè, N’touta! Je ne les prends pas dans mon gouvernement ! Et qu’ils prennent garde : tous ceux d’entre eux qui ont détourné les biens publics rendront compte ! », a-t-il laissé entendre. Incroyable, mais surtout incompréhensible de la part d’un homme d’Etat qui, en vrai républicain, doit poser des actes allant dans le sens du pardon, de la réconciliation entre tous les fils du pays.

Aussi, la même posture « haineuse » du président a mis de l’huile sur le feu qui a décimé le nord du Mali. Aux premières heures de son arrivée au pouvoir, toutes les sorties d’IBK étaient loin de rapprocher les parties du processus de dialogue et de réconciliation. Il était devenu friand des discours guerriers, jusqu’à la débâcle de l’armée à Kidal.

Au-delà des faits et gestes du président de la République, le processus de réconciliation est plombé par les jeux de sauvegarde d’intérêts personnels. Le Mali regorge de nombreux partis politiques et d’associations de la société civile, même s’ils sont pour la plupart fragmentés. Et ces dernières années, plusieurs autres regroupement– souvent sans objectifs bien définis – ont fait également leur apparition, comme « An Ka Ben ». Rien d’anormal dans une République. Sauf qu’en réalité, la création d’organisation relève désormais d’une stratégie de défense d’intérêts personnels, plutôt que ceux du Mali, pour lequel elles prétendent toutes se battre. C’est tout simplement devenu un business. Conséquence : le pays reste divisé, tiraillé entre des clans qui ne pactisent que pour sauver leurs propres intérêts. Un échiquier fragmenté qui ne favorise pas la réconciliation nationale.

I B D

Par L’Aube

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