Le magistrat ivoirien ayant réagi à cette arrestation s’interroge : « A quoi jouent les autorités maliennes ? » Selon lui, un mandat d’arrêt dit international est un mandat d’arrêt accompagné d’une demande d’extradition motivée. Il ne donne lieu à aucune enquête. Seule la procédure d’extradition qui implique qu’une fois arrêté le fugitif soit conduit directement devant le Procureur pour être présenté devant la juridiction de jugement qui va autoriser ou refuser la demande, peut être appliqué.
Pour le magistrat, ce n’est pas au pays auprès duquel la demande d’extradition a été introduite de faire une quelconque enquête pour soutenir la demande. Il pense donc que cela démontre la forfaiture des autorités maliennes qui se conduisent en juges parties. « A la lecture du communiqué du Procureur, il n’existe aucun élément justifiant qu’il soit porté atteinte au droit à la liberté de mouvement du mis en cause », indique-t-il.
S’agissant de quelqu’un qui bénéficie ou qui a seulement introduit une demande d’asile politique, la situation est encore plus scandaleuse pour l’Etat malien qui, en vertu de la Convention de 1951 relative aux réfugiés et de celle contre la torture, a le devoir de protéger Soukou Mohamed contre les risques de persécutions et de tortures dont il pourrait faire l’objet en Côte d’Ivoire.
Le Mali dont la coopération judiciaire est sollicitée voit à son obligation d’obtenir l’autorisation préalable du juge pour l’extradition, s’ajouter l’obligation de respecter le principe du non refoulement tel que résultant de l’article 33 de la Convention de 1951 relative aux réfugiés et de l’article 3 de la convention contre la torture qui dispose qu’ aucun Etat partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre Etat, où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Tel est le cas en Côte d’Ivoire, comme l’attestent différents rapports d’ONG et de certains Etats parties comme la France qui ne classe pas en matière de demande d’asile, la Côte d’Ivoire, parmi les Etats d’origine sûrs.
Le magistrat ivoirien ajoute que le Mali, en initiant une enquête préliminaire totalement illégale après une arrestation et une détention qui l’est tout autant, prouve qu’il n’est pas un Etat de droit en violant non seulement les deux conventions susvisées, mais également celle de la Cedeao sur l’extradition. « C’est indigne du titre de Malibadont le peuple frère du Mali s’enorgueillit, avec un engagement pour que cela soit une réalité, digne d’être loué ».
A Bamako, le procureur de la République du Mali avait fait un communiqué pour expliquer que l’opposant ivoirien a été arrêté en exécution d’un mandat d’arrêt international. L’affaire prend une tournure politique. SessSoukou Mohamed, connu sous le sobriquet de Ben Souck, est l’ancien député-maire de Dabou. Il est aussi membre de Générations et Peuples Solidaires, mouvement politique de Guillaume Soro.
Selon le communiqué de son parti, c’est sous la contrainte d’armes que Sess a été forcé à monter à bord d’un véhicule 4X4 aux vitres teintées, ne portant aucune plaque d’immatriculation. « Il est porté disparu depuis lors », et malgré tous les efforts déployés pour recueillir des informations sur son lieu de détention, sa famille demeure sans nouvelles de lui.
Le camarade de Guillaume Soro avait trouvé refuge au Mali, à en croire son parti, suite à la violente répression qui s’était abattue sur Générations et Peuples Solidaires en décembre 2019, conduisant à l’arrestation et à la condamnation de plusieurs opposants.
L’arrestation de l’opposant ivoirien intervient au moment où les autorités maliennes affirment leur attachement à l’état de droit et soulignent leur détermination à engager le pays sur la voie de la démocratisation. Dans ce contexte d’insécurité, les responsables de Générations et Peuples Solidaires demandent avec insistance au gouvernement de Transition au Mali de rendre à SESS sa liberté et sa sécurité.
En attendant, les regards sont tournés vers les autorités maliennes qui semblent s’entendre avec le pouvoir ivoirien. Alors que Soukou Mohamed se faisait arrêter dans une rue de Bamako, le Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga se rendait dans la capitale ivoirienne pour représenter Assimi Goïta, le président de la transition.
Madou COULOU