Cette visite prévue de longue date, annoncée avant que Donald Trump n’annonce sa décision de retirer son pays du traité INF sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (INF, Intermediate Nuclear Forces Treaty) conclu avec la Russie pendant la Guerre froide, était déjà importante, s’agissant du premier déplacement d’un haut responsable américain à Moscou depuis plusieurs mois.
Mais l’annonce de Donald Trump, samedi, lui a donné encore plus de relief alors que les relations entre les deux pays sont déjà au plus bas.
John Bolton, considéré comme un “faucon” de l’administration Trump, doit rencontrer Sergueï Lavrov dans la soirée, les responsables russes s’attendant à ce que le conseiller américain leur explique la position de Washington sur le traité INF.
Le conseiller doit également s’entretenir durant son séjour avec le président russe Vladimir Poutine mais cette rencontre “n’aura pas lieu lundi”, avait déclaré dimanche le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, cité par les agences de presse russes.
Celui-ci a ajouté lundi qu’une sortie américaine du traité INF “rendrait le monde plus dangereux”, disant attendre des “explications” de la part de Washington et réfutant les accusations américaines selon lesquelles Moscou violerait le traité.
“L’intention de sortir de ce traité soulève les plus graves préoccupations”, a ajouté Dmitri Peskov. Parallèlement, alors que l’annonce américaine fait craindre un retour de la prolifération nucléaire, le porte-parole du Kremlin a assuré que la Russie “n’attaquera jamais personne en premier”.
Sergueï Lavrov a lui indiqué lors d’une conférence de presse, cité par les agences de presse russes, “attendre un éclaircissement de la position officielle” américaine. “Si John Bolton est prêt à le faire, alors nous évaluerons la situation”, a-t-il poursuivi.
John Bolton est connu pour ses positions très fermes en matière de politique étrangère. Chantre par le passé d’une chute du régime iranien, il faisait partie de ceux qui plaidaient pour “sortir de l’accord iranien” signé en 2015 par plusieurs pays avec Téhéran pour l’empêcher de se doter de l’arme nucléaire.
Nommé en mars 2018, John Bolton n’a également jamais caché sa conviction que Washington devrait frapper militairement la Corée du Nord plutôt que négocier avec ce régime et il reste un partisan de sanctions beaucoup plus larges contre la Russie, accusée par Washington d’avoir tenté de perturber le processus démocratique américain.
Le conseiller de Donald Trump a entamé son séjour à Moscou par une rencontre avec Nikolaï Patrouchev, le chef du Conseil russe de Sécurité nationale.
“Un pas très dangereux”
Selon le journal britannique The Guardian, c’est John Bolton lui-même qui a fait pression sur le président américain pour un retrait du traité INF. Ce serait aussi lui qui bloquerait toute négociation pour une extension du traité New Start sur les missiles stratégiques, qui arrive à expiration en 2021.
Le traité INF, dont Donald Trump veut sortir, a été signé en 1987, à la fin de la Guerre froide, par le dernier dirigeant de l’Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev et le président américain de l’époque, Ronald Reagan.
Pour Donald Trump, Moscou viole depuis de nombreuses années ce traité. Washington se plaint notamment du déploiement du système de missiles 9M729, dont la portée dépasserait la limite convenue des 500 km.
Dimanche, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov a qualifié la décision américaine de “pas très dangereux” qui, selon lui, “ne sera pas compris par la communauté internationale et va même s’attirer de sérieuses condamnations”.
Mikhaïl Gorbatchev a pour sa part dénoncé le “manque de sagesse” du président américain actuel, appelant “tous ceux qui chérissent un monde sans armes nucléaires” à convaincre Washington de revenir sur sa décision.
La première réaction internationale est venue d’Allemagne, Berlin disant “regretter” le retrait des Etats-Unis du traité, une “importante composante du contrôle des armements”. “Les conséquences de la décision américaine devront désormais être discutées entre les partenaires de l’Otan”, a indiqué un porte-parole du gouvernement, Ulrike Demmer.
Le traité INF, en abolissant l’usage de toute une série de missiles d’une portée variant de 500 à 5.500 km, avait mis un terme à la crise déclenchée dans les années 1980 par le déploiement des SS-20 soviétiques à têtes nucléaires ciblant les capitales occidentales.
AFP