Les médias se sont l’écho d’un différend entre Orange Mali et l’AMRTP, pouvez vous nous en dire plus ?
Bonjour, merci de me donner l’opportunité d’éclairer l’opinion publique. En effet, ce n’est ni la première ni la dernière fois qu’une entreprise considère qu’elle n’est pas exactement en accord avec une entité administrative et inversement. Les exemples sont nombreux et dans tous les domaines aussi bien du côté de l’administration que du côté de l’entreprise. Le langage populaire traduit bien cela d’ailleurs avec des formules toutes faites comme : « ces impôts, ils n’arrêteront donc jamais de nous harceler » ou « je trouve ce jugement injuste , je vais interjeter faire un recours devant les tribunaux » et chacun, a coup d’arguments plus ou moins forts exposent son point de vue . La vie est faite de confrontation permanente car sans confrontation , il n’y a pas de débat et donc impossible de challenger un point de vue, une idée, donc impossible de progresser.
Orange Mali est donc en débat avec le régulateur de télécommunications pour la mise sur le marché du produit Douba conformément à la loi .
Vous semblez dire qu’il n’y a pas de problème, alors pourquoi autant de bruit ?
Eh bien voyez vous, un débat existe entre le régulateur et Orange Mali mais de là à occasionner tout ce bruit , nous nous posons la question ?
Mais, vous en conviendrez ce ne peut être que cela ?
Etant en mission hors du pays depuis plusieurs jours, j’ai assisté à distance à la déferlante médiatique du régulateur . Cet éloignement géographique m’a permis de prendre un peu de recul et d’essayer d’y voir un peu plus clair. En fait, j’ai plus de questions que de réponses.
Mes interrogations sont au nombre de trois :
- La première concerne le produit Douba
- La deuxième est : pourquoi un différend ?
- Et la troisième bien sur concerne cet acharnement médiatique ?
sur Douba justement, est ce un produit oui ou non validé par l’AMRTP ?
Je vous réponds très simplement et calmement : oui, Douba est autorisé par la loi depuis le 18 novembre 2013 date de forclusion ( la loi malienne donne 30 jours au régulateur pour répondre, passé ce délai la commercialisation est autorisée ) .
Soyez plus explicite, Mr le Directeur ?
Depuis le 8 octobre 2013, le régulateur nous soumettait un projet d’approbation de l’offre Douba après 6 longs mois d’échange.
Apres donc notre approbation du projet en date du 17octobre 2013, plus de 30 jours se sont écoulés sans nouvel échange avec le régulateur. De par la loi 2011, Orange Mali a constaté après 30 jours que le délai de forclusion étant passé, l’Offre Douba était définitivement acceptée. Ce qui est toujours le cas en ce moment , sauf décision contraire d’une autorité judiciaire .
A aucun moment nous n’avons pensé à cette situation d’autant plus que le régulateur en validant flybox , dont la seule différence technique avec Douba est qu’elle permet l’ accès à l’Internet . Le régulateur a validé Flybox sans aucune réserve .
La partie « fixe » de Flybox reprenant exactement les mêmes caractéristiques que la partie « fixe » de Douba avec les mêmes conditions règlementaires de vente, devait avoir l’accord du régulateur .
En plus, Orange Mali ne fait que mettre en commercialisation une solution existante par ailleurs, dans d’autres pays. Alors pourquoi priver les maliens d’une solution de téléphonie moins cher à l’achat comme à la consommation, un téléphone social pour tous.
Vous avez donc deux offres presqu’identiques Flybox et Douba, à la seule différence de l’accès internet ? Est à dire que le Directeur Général de l’AMRTP, dans ses prises de décision fait un traitement discriminatoire ?
Le mieux c’est de lui demander ou de vous faire votre opinion. Nous dirons à ce stade, que nous avons utilisé les moyens que nous offre la loi malienne . Aussi, pour éviter tout malentendu, nous avons adressé une lettre d’information au régulateur dans ce sens .
Vous disiez que vous avez trois interrogations. La première concernait l’offre Douba elle même et vous nous avez expliqué que, selon vous, elle a été clairement validée par le régulateur. Quelles sont vos autres interrogations ?
Je vous le disais en début d’entretien : une approche différente par deux entités, que ces dernières soient du domaine privé ou publique, d’un même sujet est somme toute normale . Souvent, il est possible après échanges de trouver une solution qui convienne aux deux parties . Sinon chacune des parties peut saisir conformément à loi la juridiction appropriée .
Désolé de vous interrompre mais visiblement c’est ce qui est arrivé avec Douba ?
Tout d’abord, permettez moi de rappeler comment fonctionne une entreprise. Je ne vais pas être long.
Pouvez vous raisonnablement penser qu’Orange Mali aurait acheté des dizaines de milliers de produit Douba si nous n’avions pas eu cet agrément ?
Pouvez vous raisonnablement penser qu’Orange Mai aurait pris le risque d’investir des centaines de millions et des milliards de FCFA sans prendre toutes les validations qui s’imposent ?
Vous savez dans des entreprises comme la nôtre, nous avons des instances de gouvernance forte. D’ailleurs l’une d’entre elles, le conseil d’administration, regroupe en son sein de nombreux administrateurs maliens. Ces administrateurs maliens ont vu en Douba le produit qui manquait à la population malienne. Le produit qui enfin allait permettre de donner le téléphone de famille à tous les maliens qui, pour des raisons financières, en étaient privés.
Aussi, après autant d’investissement murement réfléchi, , c’est un vrai cataclysme pour Orange Mali, de recevoir, hors délai de forclusion, une interdiction d’agir.
D’ailleurs dans le jargon politico-diplomatique, la protection de l’investissement est utilisé . C’est cette protection qui encourage des investisseurs maliens à investir dans leur pays au lieu d’aller ailleurs et à des investisseurs étrangers de venir prendre le risque d’investir pour le développement du Mali. Et cela est vrai pour tous les pays au monde et pour toutes les entreprises.
Vous l’avez compris, nous ne pouvions admettre cette interdiction de commercialisation car arrivant après la période de forclusion .
Nous avons de nombreux mois durant, échangé avec le régulateur. Nous avons fait valoir, avec conviction, nos droits en citant les lois en vigueur au Mali que nous respectons scrupuleusement . Mais nous nous sommes toujours heurté systématiquement à une fin de non recevoir. Face à des arguments incontestables, nous avions eu droit à : « vos lettres manquent de respect et sont quasiment des insultes.. », Je vous invite à les lire .
Si exposer son désaccord à une administration est assimilée par cette dernière à un manque de respect cela veut dire que nous avons , nous tous, tout perdu par avance. Et dans ce cas pourquoi les échanges ? Pour donner l’illusion du dialogue ? Heureusement que ce n’est pas ce que je constate partout ailleurs dans l’administration malienne . J’ai toujours rencontré une écoute active et positive.
vous nous expliquez qu’il vous est difficile de vous exprimer avec le régulateur ?
Imaginez nos difficultés face à une entité administrative qui semble s’accapare à la fois le pouvoir législatif et exécutif. Nous sommes face à une entité qui semble agir sans ce qu’aucun organe de contrôle ou d’arbitrage n’ai de prise sur elle.
Cela veut il dire que vous ne savez pas comment trouver une solution ?
A chaque fois que nous exprimons un point de vue différent, que nous faisons remarquer que les demandes ne nous semblent pas conformes à la loi Malienne, nous recevons pour toute réponse des menaces.
Avez vous des exemples à nous donner ?
Le régulateur veut mesurer la qualité de services des opérateurs . Pour cela, il décide de se connecter sur nos réseaux . Jusque là, pas de problème . Nous lui faisons remarquer que cela risque de porter atteinte à la confidentialité des communications. Confidentialité dont, de par la loi Malienne, l’opérateur est responsable . Nous lui disons qu’en l’état de la loi Malienne, nous ne pouvons donner notre accord . Cependant nous ajoutons que si dans sa puissance régalienne l’état du Mali décide de modifier la loi nous libérant ainsi de cette obligation de confidentialité, nous nous plierons à la loi .
Pour toute réponse, nous avons reçu dans un premier temps une tentative d’intrusion dans nos locaux avec huissier à l’appui puis une mise en demeure. Le régulateur est bien un démembrement de l’état mais n’est pas l’état me semble t il . N’y aurait il pas là privation de nos droits ?
Donc sur cet exemple, si l’état décide de modifier la loi, ce qui enlève toute responsabilité à Orange Mali, nous nous exécuterons immédiatement .
Merci pour cet exemple, revenons à Douba, le régulateur tente de vous sanctionner ?
Il ne tente pas de nous sanctionner. Il nous a notifié une sanction . Nous sommes sanctionnés à des sommes astronomiques. Des milliards de FCFA pour un produit dans lequel nous avons énormément investi, qui est tout juste à ses débuts de commercialisation et que nous vendons à seulement 14000 FCFA. Vous savez, il faudrait vendre Douba par millions rien que pour couvrir les sommes mises en avant dans la sanction.
Aussi, mettez vous à notre place, je peux vous assurer que nous sommes très inquiets. Inquiets pour l’avenir, car inquiets pour nos investissements, inquiets pour notre implication sociale dans le pays, inquiets pour les milliers d’emplois qu’Orange a créé dans tout le pays.
Tout cela est totalement démesuré.
Aussi, je m’en remets en les autorités et à la justice du Mali, en lesquelles j’ai toute confiance, pour demander haut et fort un arbitrage .
N’oublions pas que nous sommes certes une société de droit privé malien mais nous travaillons sous licence d’état. Alors nous représentons, les intérêts maliens comme toutes les entreprises maliennes .
Orange Mali, au travers de Douba , ne fait que proposer un téléphone pour toutes les familles maliennes, un téléphone moins cher, sans abonnement et avec un coût de communication réduit .
Il y a 10 ans de cela, certains reprochaient à Orange de casser les prix sur la carte SIM mais grâce à Orange le prix de le téléphone a été démocratisé . Aujourd’hui certains nous reprochent encore d’apporter une solution moins cher pour le fixe . N’est ce pas le rôle du régulateur de promouvoir, d’accompagner ce développement ?
Etes vous touché par ces attaques, ces sanctions ?
Orange Mali est durement touchée par ces attaques et ces sanctions alors que sa seule motivation est de donner Douba, un téléphone fixe aux maliens qui ont un revenu faible .
J’ai trop de respect pour l’entreprise que je dirige et pour le mandat que m’ont confié mes administrateurs maliens pour continuer à mettre Orange Mali en danger sans réagir avec force mais discernement. Je vous le disais, je crois aux autorités maliennes et en la justice malienne, nous les avons saisies .
En attendant, je laisse le soin à tous les maliens de se tourner vers le régulateur pour lui demander pourquoi sa bataille est éloignée de leurs intérêts .
Pensez vous que cela aura des conséquences sur Orange Mali ?
Si nous devons nous arrêter, nous perdons nos investissements. Si nous sommes sanctionnés, nous perdrons de l’argent. Vous le savez en comptabilité en face des ressources, nous trouvons des dépenses . Et dans ce cas, oui, il y aura des conséquences. Quelle entreprise fut elle Orange Mali peut perdre des dizaines de milliards et continuer à fonctionner normalement ? Aucune.
Vous en voulez au régulateur ?
Nous sommes victimes, Orange Mali et les Maliens, d’un jeu qui n’est pas le nôtre. Les Maliens veulent le téléphone de qualité et le moins cher possible . Orange Mali leur offre Douba et reçoit pour cela une sanction .
Merci pour toutes ces explications, vous évoquiez dans votre troisième point votre surprise par rapport a la prise de parole publique?
Nous venons d’en parler longuement et vous l’avez noté, nous savions que nous avions un différend. Nous pensions très clairement chez Orange Mali que saisir la justice était la seule solution possible pour sortir positivement de cette impasse. D’ailleurs que cette justice soit saisie par nous ou par le régulateur, peu importe.
Quelle ne fut pas notre surprise de voir ces sorties médiatiques ?
Vous deviez vous attendre à cela ?
Pas du tout. Vraiment pas du tout.
Nous sommes face à une entité administrative, un démembrement de l’état, qui me semble t-il, a un devoir, une obligation de réserve. Jeter en pâture une entreprise, ses dirigeants avec qui plus est des arguments qui ne sont pas confirmés par la Cour Suprême , est juste incompréhensible . Chez Orange Mali, 99% de l’entreprise est composée de maliens. Pouvez vous imaginer un seul instant leur désarroi. Ils se sentent trahis, bafoués. Ils ne comprennent pas le comportement d’une entité administrative pour laquelle ils avaient, comme nous tous d’ailleurs, du respect.
Imaginer le régulateur saisissant les journaux, les radios, ORTM et africable pour les menacer , s’ils continuent de diffuser les publicités d’Orange Mali, cela n’ interpelle t-il pas.
En résumé, quelle est donc à ce jour la position d’Orange Mali ? Croyez vous toujours au développement de Douba
Notre volonté, c’est de continuer le développement d’une offre comme Douba . Je n’ai jamais vu le progrès s’arrêter. Tous ceux qui ont tenté de le faire ont juste réussir à le ralentir et toujours au détriment des plus faibles. C’est une règle vielle comme le monde.
Je crois, personnellement au développement positif du Mali. Si tel n’était pas le cas croyez vous que j’aurai été choisi par les autorités maliennes pour aller à Bruxelles le 15 mai 2013 lors de la conférence des donateurs qui réunissaient de nombreux chefs d’Etats et de gouvernement , dire haut et fort tout le potentiel du Mali.
Cet épisode Douba n’est qu’un accroc passager. J’ai toute confiance dans les autorités de ce pays pour le régler.
mais clairement le régulateur vous demande d’arrêter l’offre Douba.
Je vous l’ai dis, nous sommes au milieu d’une campagne qui nous dépasse totalement. Nous sommes instrumentalisés pour des objectifs bien éloignés du monde des télécommunications et c’est bien ce qui me préoccupe. En effet, que reproche le régulateur ?
Il affirme que Douba n’est pas une offre fixe ?
Des huissiers de justice ont acheté dans nos boutiques des téléphones équipés du service Douba. Ils ont constatés, que ce service correspondant en tout point de vue à ce qui est attendu, à savoir :
- il ne fonctionne que dans la zone prévue
- il ne fonctionne pas dans d’autres zones
- il ne fonctionne pas en mobilité
Dans un deuxième temps, ils ont acheté un téléphone de la concurrence avec le même service .
Quelle ne fut pas la surprise des huissiers de constater que ce type de téléphone fixe fonctionnait par exemple dans tout Bamako.
Donc il faut aussi arrêter ce service dont vous parlez ?
Ce n’est pas le mode de fonctionnement d’Orange Mali.
Ce produit existe depuis longtemps et ce que je ne veux pas que nous fassions à Orange Mali, je ne demande pas qu’on le fasse à mon concurrent.
Car là aussi, demander d’arrêter ce produit se ferait aussi au détriment des maliens.
Toutefois, nous sommes comme le prévoit les textes de lois, de farouches défenseurs de la libre concurrence qui sert toujours les intérêts des consommateurs. Alors, lorsque un représentant administratif empêche le développement d’un service dans une entreprise qui existe par ailleurs dans une autre, il est légitime de se demander si les intérêts du consommateur Malien sont réellement pris en compte.
Vos propos sont polis, mais ne me dites pas que vous allez accepter de suspendre votre service sans réagir face à la concurrence, qui à vous entendre est volontairement orchestrée de manière déloyale?
Ecoutez, nous sommes dans un pays de droit et nous attendons la réaction des autorités. Le régulateur sait parfaitement qu’il a déjà dépassé les limites de l’acceptable de par certaines de ses décisions . Chaque jour c’est une nouvelle étape de franchie. Il modifie la loi, se fait juge et se transforme en policier. J’apprends qu’il a informé mes salariés en leur disant qu’il va perquisitionner, fermer les boutiques Orange, arrêter l’activité. Et toujours sans faire appel à la conciliation de la justice et toujours orientée vers une même entreprise.
En fait, cette déferlante médiatique ressemble plus à une campagne politique qu’à une campagne d’information. Dans cette tourmente, nous continuerons à rester calme, courtois, respectueux. Mais aussi, ferme et déterminé nous ne laisserons pas détruire ce que des milliers de maliens ont construit.
En ce qui nous concerne, nous gardons toute notre confiance à la justice.
Cela va être dommageable pour tout le secteur et pour les Maliens. Des milliers d’emploi sont en jeu, c’est grave pour le pays?
Je suis d’accord.
Propos recueillis par Birama Fall, Le Prétoire
SOURCE: 22 Septembre