Mymo N-Sahel, de son vrai nom Mahamadou Soumbounou, répond au statut de l’un des meilleurs rappeurs du Mali. Il compte à son actif deux albums et une quinzaine de distinctions glanées dans une carrière enviable. Nous lui avons rendu visite à son domicile à la Cité de Magambougou Sokorodji. Dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, Mylmo nous parle de son parcours, ses projets musicaux et littéraires, ainsi que de sa vision sur la question religion-politique au Mali.
Aujourd’hui-Mali : Comment êtes-vous devenu rappeur ?
Mylmo : Je dirais que je que je suis issu d’une famille d’artistes. Nous sommes des Garanké “des cordonniers”. Mon oncle, Ahmed Soumbounou qui m’a élevé est un grand parolier. Au départ, j’aimais beaucoup le dessin tandis que ce sont mes frères qui faisaient du rap. A un moment donné, ils ont tous opté pour l’émigration en me laissant leurs instruments de musique, cassettes et beats et moi petit dessinateur, devant chaque dessin, j’écrivais un texte. Et plus tard, j’ai essayé ces textes sur les instruments que mes grands frères m’ont laissés et c’est là que j’ai su que je savais rapper. Mais je ne verrai le studio qu’en 2007 à travers un single “Foraba Guingnin” en featuring avec mon grand frère, Marchal Doudou. Un son qui a été apprécié par les fans du rap. Mais après le single, mon frère étant reparti à l’émigration, j’étais le seul à chanter sur des scènes, malgré ma timidité. Voici comment Mylmo est sur scène depuis lors.
Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontées dans votre carrière de rappeur ?
On rencontre des difficultés dans chaque domaine, notamment à nos débuts. Naturellement, j’ai rencontré des difficultés dans mes débuts mais à la différence des autres c’est maintenant que j’ai su vraiment que j’ai eu des difficultés par le passé. Au moment où je rencontrais ces difficultés je ne les sentais pas parce que je faisais le rap par amour. Et quand on fait quelque chose par amour on ne sent pas trop les difficultés auxquelles on est confronté et ce n’est que quand je suis devenu ce Mylmo aujourd’hui et que je repense au passé, je me dis “Ah, je faisais des kilomètres à pied pour aller aux studios, des gars m’ont lancé des phrases salles, d’autres m’ont trahi”. Mais Dieu merci, aujourd’hui tout cela est dernière moi.
Combien d’albums avez-vous sur le marché ?
J’ai deux albums sur le marché. Le premier album, “Wilibali”, est sorti en févier 2011 et le deuxième album “Le retour de Bandiougou” a été mis sur le marché en 2014. Le troisième est en téléchargement.
Quelles sont les distinctions-phares que Mylmo a reçues dans sa carrière musicale ?
J’ai beaucoup de trophées dans ma carrière. Pour être un peu plus précis, je dirais 16 trophées. Celui qui m’a le plus marqué, c’est le trophée Mali Hip-hop Awards 2009. Le trophée m’a le plus marqué car je n’avais pas encore d’album. Il m’a donné du courage et de l’espoir à aller encore plus loin. J’ai le trophée Kalata Music Awards et bien d’autres. La distinction qui m’a aussi beaucoup touché, c’est la médaille du Mérite national. C’est quelque chose de grand quand l’Etat reconnait tes efforts. Malgré mes clashs qui n’épargnaient les dirigeants, j’ai quand même été récompensé pour mon travail et cela ne peut que renforcer mon combat.
Quel est, selon vous, le rôle d’un rappeur dans la société ?
Je pense qu’avant d’être un rappeur, on est d’abord un citoyen et chaque chose qu’un citoyen doit faire, il doit le faire pour l’intérêt de sa société. Un vrai rappeur, c’est aussi celui-là qui en écrivant ses textes se demande quel impact positif aura ses chansons sur la société et ce que ça peut apporter à l’intérêt commun ? Je pense qu’un vrai rappeur est d’abord un exemple pour lui-même et pour tous ceux qui l’écoutent. C’est quelqu’un qui conscientise, à travers ses chassons. Tout ce qu’il doit dire ou faire doit inciter ses fans à aller vers le bon. Car quoi qu’un rappeur fasse, il sera imité et si c’est un exemple dégradant qu’il montre, forcément il va négativement impacter la société. Un rappeur c’est celui qui montre le bon exemple, pas le contraire.
Etant un rappeur engagé pour sa société que pense Mymo aujourd’hui de l’immixtion du religieux dans les affaires politiques ?
Je pense qu’on ne peut pas dissocier la religion et la politique car le religieux est d’abord un citoyen, avant d’être un religieux. Mais je pense qu’il faut d’abord penser à l’intérêt commun. Si c’est pour défendre les intérêts de sa société, le religieux peut intervenir dans la politique. Mais ceux qui se mêlent de la politique pour assouvir leurs propres intérêts ne méritent pas qu’on les considère comme de bons religieux. Je pense que la politique et la religion peuvent rimer, si c’est pour l’intérêt de la société.
Quelles sont les sources d’inspiration de Mylmo ?
Je m’inspire généralement des réalités de notre société. Mais je pense que ce qui donne plus d’originalité à mes textes, c’est le fait que je sois issu d’une famille pauvre. Car pendant que l’enfant de riche pense à sa destination prochaine pour ses vacances, l’enfant de pauvre pense à comment trouver une solution pour sortir de la misère. L’enfant de pauvre se pose un tas de questions et à chaque fois qu’on se pose une question, on a des éléments de réponse. Je pense que personne ne peut mieux parler que moi des réalités de la société malienne, majoritairement pauvre. Je connais chaque cri et chaque larme de cette société.
Peut-on connaitre les projets de Mylmo ?
J’ai de nombreux projets en cours actuellement dont deux projets-phares, à savoir celui de mon troisième album qui est en gestation et aussi celui d’un centre de formation de base dans mon quartier dont la plupart des enfants fréquentent des écoles publiques aujourd’hui délaissées par les autorités. Ce qui fait que ces enfants n’ont pas assez de niveau. En plus des enfants, ce centre pourra accueillir des personnes âgées qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école et qui peuvent y recevoir des leçons de base. Le centre sera ouvert à toute personne bénévole pouvant partager ses connaissances avec les apprenants. J’ai démarré les travaux de construction sur l’une de mes parcelles à Magmambougou Sokorodji et je lance un appel à toute personne pouvant se joindre à moi pour la résiliation de ce centre. En plus de ces deux projets, j’ai également un projet littéraire. Je suis actuellement sur un roman autobiographique et un recueil de poèmes que je pense terminer très bientôt.
Mylmo écrivain, qu’est ce qui a motivé ce choix ?
J’ai toujours aimé les lettres et vous conviendriez avec moi qu’un rappeur est un poète car il écrit des textes. J’ai eu l’amour des lettres depuis le lycée où un de mes professeurs, Souleymane Traoré, m’encourageait d’aller faire les lettres à l’université, mais la musique a pris le dessus et je me suis retrouvé au Conservatoire Balla Fasséké. Je ne voulais pas que ce côté littéraire en moi meurt.
Quel sera votre dernier mot ?
Il n’y a jamais de dernier mot ! Néanmoins j’invite tous les enfants du Mali à œuvrer pour l’intérêt de notre Maliba car ce pays a besoin de l’amour de chacun de ses enfants.
Réalisé pour Youssouf KONE
Source: Aujourd’hui-Mali