Très bénéfique fut la rencontre artistique de Anw-Ko-Art du 12 juillet 2018, pour les jeunes artistes maliens qui avaient nombreux fait le déplacement. Tous voulaient bénéficier des précieux enseignements de Ismaël Diabagaté, l’un des peintres plasticiens maliens à avoir écrit les plus belles pages des arts plastiques au Mali. Et, le marché de l’art au Mali s’est invité au départ, tant il constitue une préoccupation pour de nombreux artistes.
Est-ce qu’on peut vivre de son art au Mali ? La réponse de Ismaël Diabagaté est sans ambages : « Oui, on peut vivre de l’art au Mali ». Mais, il a vite fait de dire de ne pas croire que c’est seulement en Afrique ou au Mali que les artistes ont des difficultés de vivre de leur travail. « Pour le grand nombre des artistes, il est très difficile de vivre de son art ici et ailleurs », a-t-il déclaré.
Ismael Diabagaté reste convaincu qu’il y a des réseaux dans lesquels on peut se mettre pour bien vivre de son art. Cependant, il a estimé que quand on veut être indépendant et libre, comme ce fut son choix, cela devient un peu difficile.
« J’ai quitté l’enseignement pour mieux vivre de mon art », a-t-il déclaré. En effet, selon le doyen des peintres maliens, lorsqu’il était encore enseignant, il se rendait toujours compte qu’il y a quelque chose qui manquait à ses œuvres. Selon, lui, il est vite parvenu à la conclusion qu’il n’arrivait pas à consacrer suffisamment de temps à la production, d’où sa décision de quitter l’enseignement.
En revenant un peu sur son parcours, il dira qu’il est allé à l’INA en 1965, non pas par défaut. D’abord orienté pour aller faire les lettres au Lycée Askia, il a décidé de venir à l’INA, au moment où tout le monde fuyait cette école, parce que c’est ce qu’il avait voulu faire.
Partant du principe que l’art n’est pas une science exact, le doyen a estimé qu’on peut vivre de son art au Mali, comme on peut vivre de son art ailleurs.
Sur un tout autre aspect, mais fortement lié à la première question, il a voulu savoir ceux pour qui les artistes africains produisent. En ce qui le concerne, il dira qu’on lui a toujours reproché d’être trop identitaire, mais que cela ne l’a jamais gêné dans son travail, parce qu’il a toujours produit ce qu’il sent et vit.
En l’absence d’une réponse tranchée, le doyen dira qu’on ne peut pas dire qu’il y a un marché d’art au Mali. Et, pour cela, il dira que les conditions ne sont pas totalement réunies pour vivre de son art au Mali.
En ce qui concerne l’apport de l’Afrique à l’art contemporain mondial, il dira d’abord qu’il s’est toujours refusé à faire de l’art conceptuel, parce que cela ne répond ni dans ses règles, ni dans sa conception aux gens qui l’entourent. Comme l’Afrique n’est pas l’Europe, il pense que l’Afrique peut participer en apportant quelque chose de différent. A titre d’exemple, il dira que ce que nos ancêtres ont fait à travers la sculpture reste quelque chose d’exceptionnelle pour l’humanité que se les arrache comme des petits pains et à prix d’or.
« Ça ne sert à rien de copier ce qui se fait ailleurs, parce que la copie restera toujours inférieure) à l’originale », a-t-il conseillé aux jeunes artistes peintres. Avant d’ajouter que les africains ne pourront rien apporter de nouveau, s’ils se mettent à copier ce qui se fait ailleurs.
Cependant, il a averti les jeunes artistes peintres, en attirant leur attention sur le fait que tous ceux qui pensent comme lui sont isolés, décrédibilisés et paralysés, pour la simple raison qu’il des milieux de constructions d’idées qui ne veulent pas les pensées comme la sienne prospèrent dans le monde.
Il a regretté le fait que ceux qui achètent aujourd’hui les ouvres des artistes africains, ne soient pas des africains. « 80 à 90% de nos concitoyens sont exclus de la consommation de nos productions. Et, je constate que cela n’est pas normal », a-t-il indiqué.
Mais, que faire ? Ismael Diabagaté avoue qu’il n’a pas la solution et invite tout le monde à la réflexion. Mais, en attend, il dira aux jeunes artistes plasticiens de trouver des formes esthétiques qui peuvent plaire au reste du monde, mais fortement attachées à notre terroir. Pour cela, il dira que nul n’a besoin de réinventer la roue. Selon lui, il y a déjà des pistes à explorer, tout en admettant ne pas avoir de solutions miracles, en dehors de la réflexion.
Cependant, il reste convaincu que tant qu’il n’aura pas de marché interne, il ne faut pas espérer à grande chose. Et, a conseillé d’entretenir l’embryon de marché existant.
Convaincu que la pauvreté ne saurait expliquer le phénomène, il fera comprendre aux jeunes plasticiens que les besoins esthétiques de nos populations ne trouvent de réponse nulle part dans les productions artistiques. Pour la simple raison que nous avons des concitoyens qui roulent dans des voitures de 70 millions de FCFA et voire plus.
En conclusion, il dira aux jeunes artistes de faire très attention à tout ce qu’il a dit. Pour la simple raison que le chemin qu’il a choisi a été très difficile. « J’ai donné des conseils, mais ce ne sont pas des paroles d’évangiles », a-t-il indiqué. Avant d’admettre que les jeunes ont aujourd’hui beaucoup de chances et d’opportunités, à travers les nombreuses structures de soutiens. Enfin, les a invités à être modestes et à accepter les critiques.
Assane Koné
Source: notrenation