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Isabel dos Santos : la justice angolaise partie pour ne rien lâcher

Au cœur d’une vaste opération anticorruption, la fille de l’ex-président dos Santos est soupçonnée d’avoir détourné plus d’un milliard de dollars d’argent public. Ses avoirs et ses comptes bancaires ont tous été gelés.

Rien ne semble arrêter la justice angolaise, bien décidée à faire la lumière sur la fortune de la richissime fille aînée de l’ex-président Eduardo dos Santos. Il a fallu que celui-ci finisse par abandonner le pouvoir en septembre 2017 pour que tout s’effondre autour de celle que les Angolais surnomment la « princesse ». Après avoir perdu la présidence de la Sonangol, la société pétrolière nationale, Isabel dos Santos s’est vu débarquer de la Sodiam, la Société publique angolaise de commercialisation des diamants.

Opération anticorruption

Deux ans plus tard, le dossier a pris un nouveau tournant. En effet, dans une décision rendue le 23 décembre, le tribunal de Luanda a ordonné la saisie préventive des comptes bancaires et le gel des actifs des entreprises d’Isabel dos Santos. Mais pas seulement. Son époux, l’homme d’affaires et collectionneur d’arts danois d’origine congolaise Sindika Dokolo, ainsi que l’un des conseillers financiers du couple, le Portugais Mario da Silva, sont également visés par cette décision du tribunal de Luanda. Ils sont soupçonnés d’avoir détourné plus d’un milliard de dollars d’argent public. Le couple est accusé d’avoir acheté des actions avec l’argent de la compagnie pétrolière publique ­Sonangol et ainsi d’avoir détourné plus d’un milliard de dollars d’argent public. Isabel dos Santos, présentée comme la femme la plus riche d’Afrique, a été PDG de l’entreprise jusqu’en 2017 et l’élection à la présidence du pays de João Lourenço, qui a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. « L’État, via ses entreprises [publiques] Sodiam [diamant] et Sonangol [pétrole], a transféré d’importantes sommes en devises étrangères qui ont bénéficié à des compagnies étrangères dont les accusés sont les bénéficiaires, sans en obtenir le retour attendu », a indiqué le parquet.

Il faut souligner que, depuis qu’il a pris les rênes de l’Angola en 2017, João Lourenço s’est débarrassé sans ménagement de tous les proches de l’ex-dirigeant qui cadenassaient l’État et ses entreprises publiques, au nom de la lutte contre la corruption. Faut-il rappeler que Jose Eduardo dos Santos a dirigé l’Angola d’une main de fer pendant trente-huit ans (1979-2017) ? Ses critiques lui reprochent d’avoir mis l’économie du pays en coupe réglée au profit d’une poignée de proches.

La chute de la « princesse »

Mardi soir, Isabel dos Santos s’est défendue en dénonçant des allégations truffées « de mensonges évidents, d’erreurs et d’omissions » et « manifestement arbitraires et motivées politiquement ». Toujours d’après la justice, Isabel dos Santos a récemment tenté de protéger ses avoirs en les transférant du Portugal, ajoutant que la police portugaise avait intercepté 10 millions d’euros à destination de la Russie. « C’est faux », a-t-elle réagi mercredi en portugais sur Twitter. En anglais cette fois, la femme d’affaires a regretté que son « droit à la propriété » ait été « violé de façon désinvolte par le biais de mensonges ». « Cela ne laisse pas présager d’un avenir radieux pour l’État de droit en Angola », a-t-elle insisté. Interrogé par Radio France Internationale (RFI), Sindika Dokolo, son époux, a, lui, dénoncé une « espèce de vendetta ». « On voudrait réécrire l’histoire, trouver des responsables d’une situation économique difficile », a-t-il regretté, « cela me semble très manipulateur ».

Fille de la première épouse russe de Jose Eduardo dos Santos, sa fille Isabel est le symbole de la mainmise de son clan sur le pays. Nommée « première femme milliardaire d’Afrique » en 2013 par le magazine américain Forbes, elle détient d’importantes participations dans les télécommunications (Unitel, premier opérateur d’Angola, et le géant Nos au Portugal) et les banques (BIC en Angola et PBI au Portugal). Juste avant sa retraite, son père l’avait nommée à la tête de la toute-puissante compagnie pétrolière nationale Sonangol. Le président João Lourenço l’a publiquement démise de ses fonctions fin 2017, dans le cadre d’une vaste opération de nettoyage des institutions, des entreprises publiques et de l’appareil sécuritaire du pays.

Évincé de la direction du fonds souverain angolais, le demi-frère d’Isabel dos Santos, Jose Filomeno dos Santos, est jugé depuis le mois dernier pour détournement de fonds publics. La justice avait ouvert en 2018 une enquête sur un versement « suspect » de la Sonangol vers une société offshore appartenant à Mme dos Santos pour un investissement dont la compagnie pétrolière n’a jamais vu la couleur. Le parquet général a évoqué un « investissement » similaire dont elle aurait bénéficié de la société diamantifère d’État Sodiam.

« Personne n’est intouchable »

L’opposition s’est réjouie du gel des avoirs d’Isabel dos Santos. « Ça confirme ce que nous disons depuis 1975, ce pays est victime de la kleptocratie », a déclaré à l’AFP un porte-parole de son principal mouvement, l’Unita, Marcial Dachala. « Désormais, plus personne n’est intouchable », a salué le journaliste d’investigation Rafael Marques, pourfendeur du régime dos Santos. « La justice est toujours entre les mains du pouvoir », a regretté pour sa part le rappeur Luaty Beirão, emprisonné sous l’ère dos Santos. « Si sa décision semble aujourd’hui répondre au désir du peuple, elle pourrait demain servir à traquer l’opposition. »

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