La manchette des canards a été dominée, cette semaine, par la mort du N°2 du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), suite à l’explosion de son véhicule.
Entre incident et assassinat ciblé, l’appréciation est différente selon la MINUSMA ou la CMA qui demande l’ouverture d’une enquête indépendante. Les deux camps s’étant installés dans un échange d’arguments polémiques. La visite de la Chancelière allemande a été aussi largement commentée dans la presse nationale. Face à l’INTOX, nous vous proposons la DESINTOX.
Lisez les croustillantes PEPITES de la semaine.
La minimisation
Intox
« La MINUSMA déplore cet incident, dont les circonstances exactes restent à déterminer, et condamne la recrudescence de violence à Kidal et dans ses environs ».
Désintox
Les faits sont d’emblée qualifiés par la Mission onusienne, dans notre pays. La mort tragique de Cheickh Ag AWISSA est un incident. Rien d’autre ! Or, selon Wikipedia, un incident est un ‘’événement inattendu ayant une faible influence (à la différence de l’accident qui en a une forte) ou événement peu important en lui-même, mais susceptible d’entraîner de graves conséquences (ex : incident diplomatique à l’origine d’une guerre)’’.
De même, l’incident ‘’qualifie quelque chose de non essentiel, qui se produit par hasard’’ . Il a, dans ce cas, pour synonyme ‘’accessoire’’.
Dès lors, pour la MINUSMA, il n’y a pas lieu de faire de la mort de Cheickh Ag AWISSA toute une montagne.
Le discrédit
Intox
« La MINUSMA appelle à une action rapide pour que les auteurs de cette attaque soient identifiés et répondent de leurs actes devant la justice ».
Désintox
L’appel de la MINUSMA s’adresse-t-il à qui précisément ? Est-ce à l’Etat pour mener une action rapide ? C’est la voie la plus normale. Seul l’Etat a les prérogatives régaliennes de rendre la justice, à travers ses représentants, au nom du peuple. Il se trouve que ces représentants sont à mille lieues de Kidal pour mener une quelconque d’investigation. Demander à l’Etat d’intervenir, reviendrait à prêcher dans le désert, avec toutes les chances de n’être entendu par personne.
Naturellement, ça ne peut pas être la CMA qui n’a ni la compétence, ni la légitimité pour conduire une enquête criminelle, elle-même ayant les mains rouge, très rouge, de sang. Pis, elle ne peut être créditée d’aucune impartialité dans cette affaire. Elle manque outrageusement d’objectivité et ses déclarations incendiaires attestent à suffisance que son jugement est totalement biaisé. Au regard de ces, agrégats, il devrait se récuser lui-même pour conduire cette enquête.
La MINUSMA et la Force française Barkhane ? Ce serait une stupidité sans égale de se lancer à soi-même un appel. En plus, ils devraient être en principe out puisque c’est justement sur eux que pèsent les plus lourds soupçons, dans la mort du chef d’état-major du Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA).
Pour ce qui est de la MINUSMA, il n’y a pas lieu de fonder beaucoup d’espoirs au regard de la gestion de certains événements survenus au Nord, en particulier à Kidal. C’est ce que révèlent ces extraits de son communiqué suite aux violentes manifestations de Kidal : ‘’L’équipe d’enquête interne de la MINUSMA mise en place afin d’établir les faits concernant une manifestation violente qui a eu lieu le 18 avril dernier à l’aérodrome de Kidal, au Mali, a remis le 26 avril son rapport préliminaire au Représentant spécial du Secrétaire Général et Chef de la MINUSMA, M. Mahamet Saleh Annadif.
Les premières constatations n’ont, à ce stade de la procédure, pas permis de déterminer l’origine des tirs de meurtriers avec certitude. Cette enquête se poursuit et sera complétée dans les meilleurs délais par une deuxième phase plus approfondie qui devrait permettre d’établir les causes exactes de l’incident et de dégager des responsabilités éventuelles à la lumière des éléments que les enquêteurs auront pu recueillir.
L’enquête préliminaire indique que les Casques bleus ont effectué des tirs de sommation alors que, repliés dans un container, des manifestants y mettaient le feu. Des postes d’observation ont également été enflammés par les manifestants. Afin de protéger ses installations et son personnel de la violence de la foule, les forces de maintien de l’ordre de la MINUSMA ont également utilisé du gaz lacrymogène afin de disperser les manifestants, puis se sont retirés quand la situation est devenue incontrôlable’’.
L’enquête a plutôt tendance à démontrer que les Forces onusiennes ne sont pas à l’origine des tirs. Les conclusions de l’enquête approfondie promise, se font toujours attendre.
Le malaise évident
Intox
« À cet égard, la MINUSMA appelle à éviter les spéculations et les allégations infondées, et à agir avec retenue et responsabilité ».
Désintox
Il faut avoir le courage d’appeler le chat par son nom. Jusqu’à preuve du contraire, il n’y a que la CMA, à travers son communiqué et son volubile porte-parole, Almou Ag Mohamed, qui ont suscité la polémique en faisant des insinuations. C’est à eux qu’il faut s’adresser au lieu de parler dans la généralité. Ce, d‘autant plus que la Mission onusienne n’hésite pas un instant à soutenir qu’il s’agit ‘’d’allégations infondées’’. Si elle est persuadée que le véhicule de Cheickh A AWISSA a sauté sur un engin explosif ; elle ne devrait par conséquent pas avoir à lancer un appel pour que les auteurs de cette attaque soient identifiés et qu’ils répondent devant la justice, en abondant dans le même sens que la CMA. A vrai dire, la MINUSMA s’en mêle les pinceaux dans cette affaire. Ces propos contradictoire traduisent un malaise évident à son niveau.
Les incohérences
Intox
Dans le communiqué de la CMA du 9 octobre, signé de Ilad AG MOHAMED, il est dit : « sur le chemin de retour, au crépuscule, la voiture de l’intéressé a explosé à environ cinq cents mètres à la sortie du camp de la MINUSMA causant la mort subite du regretté Acheick AG AWISSA qui était seul à bord ».
Désintox
La MINUSMA dit qu’un ‘’véhicule qui transportait M. Cheikh Ag Aoussa, Chef d’Etat-major du HCUA (Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad) a été détruit à environ 300 mètres du camp de la MINUSMA à Kidal’’.
Pour sa part, la Coordination des mouvements armés parle de cinq cent mètres.
Entre trois cent mètres et cinq cent mètres, il y a quand même une différence de 200 mètres. A quoi rime cette incohérence dans les versions ? Dans un contexte où une partie cherche coûte que coûte à faire porter le chapeau à l’autre qui s’en défend à son tour par tous les moyens, cette dissonance est loin d’être fortuite.
L’approximation
Intox
« Tous les constats ont écarté le passage sur une mine : la voiture était donc piégée et il s’agit d’un assassinat ciblé ».
Désintox
Tout est dit. La CMA, dans son communiqué, est formelle. La voiture n’a sauté sur aucune mine, au contraire elle a été minée, dans le but de tuer son seul occupant qu’est le chef d’état-major du HCUA. La voiture a été piégée par qui ? La CMA n’en pipe clairement mot. Mais elle l’insinue, à travers son récit orienté du tragique accident. Les événements sont relatés de manière à faire croire que c’est dans le camp de la MINUSMA d’où le défunt revenait d’une réunion de sécurité organisée par la MINUSMA et regroupant les représentants de la MINUSMA, de Barkhane et de la CMA, qu’un explosif a été placé dans son véhicule. Mais, cela suffit-il comme preuve ? Non. L’engin peut avoir été placé dans son véhicule avant son départ pour le camp de la MINUSMA avec une minuterie qui le ferait exploser à un moment donné de sorte à faire porter la responsabilité à la Mission onusienne. Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que des chefs militaires se fassent canarder. La déduction de la CMA, est donc hâtive et approximative.
Mais, la Coordination va plus loin en parlant d’assassinat odieux, incontestablement prémédité.
Une enquête indépendante aurait permis de voir davantage clair.
Cependant, cela est difficilement envisageable dans le cas d’espèce. Parce que ni la MINUSMA ni Barkhane ne sont exempts de tout reproche à en croire la Coordination des mouvements armés qui ne peut non plus être juge et partie et se trouve disqualifiée.
L’enquête n’est pas non plus nécessaire, parce que si la mort de Cheickh AWISSA est un attentat, elle n’est survenue qu’en représailles du massacre commis par son alliance avec les djihadistes, sur le territoire nigérien, dans le camp de réfugiés maliens, à Tazalit, et qui a causé la mort de 22 soldats nigériens. Le ministre de la Défense du Niger a été clair : le crime ne restera pas impuni. Et si c’était le cas, il faudrait en convenir, la vie de AWISSA ne vaut pas mieux que celles des 22 soldats nigériens qui ont été agressés sur leur propre territoire. Et ce n’est certainement pas l’Etat nigérien qui répondrait de la mort d’un terroriste, engagé qu’il est en pleine lutte antiterroriste.
Pour ce qui est de la CMA, ce n’est pas parce qu’elle ait l’échafaud qu’elle doit demander à gorge déployée une enquête. Parce qu’elle ne l’a pas fait suite à la mort de soldats nigériens. Pourtant, elle est accusée d’en être la principale responsable.
Le chantage
Intox
« La CMA condamne avec la dernière rigueur cet acte criminel qui est loin de contribuer à la paix dans le contexte tendu où évolue le pays en ce moment (…) ».
Désintox
Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. La CMA n’est pas du tout étrangère au contexte tendu dans lequel évolue le Mali en ce moment. Elle a une grande part de responsabilité dans la reprise des hostilités avec le GATIA, depuis le 21 juillet dernier, qui ont fait plusieurs morts et des déplacés. La violation de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger était donc consommée, avant cette mort. Elle l’est encore aujourd’hui puisque les protagonistes continuent à se regarder en chiens de faïence, prêts à en découdre à tout moment.
Objectivement, la mort accidentelle ou l’élimination d’un sinistre individu, fut-il chef d’état-major du HCUA, ne peut pas représenter une menace particulière pour la paix qui est déjà sérieusement malmenée. C’est un chantage stérile qui n’émeut personne en réalité.
L’étrangeté
Intox
« (…) et demande instamment à la MINUSMA et à Barkhane de collaborer avec elle pour l’ouverture d’une enquête diligente ».
Désintox
C’est une énormité à laquelle l’on est en passe d’assister. Et pour cause ! Tout porte à croire que tous les soupçons de la Coordination des mouvements armés sont orientés vers la MINUSMA et la Force française Barkhane dans la mort du chef d’état-major du HCUA, le samedi dernier, après avoir quitté le camp de la Mission onusienne où il s’était rendu pour une réunion de sécurité. Ce sont paradoxalement ces forces qui sont sollicitées par la CMA pour l’aider dans l’établissement des circonstances de la mort d’un de leurs chefs militaires ; pour retrouver et juger les auteurs de ce qu’elle qualifie d’assassinat.
Enchevêtrée dans ses paradoxes, la CMA qui demande de l’aide pour diligenter une enquête dit détenir les preuves d’un ‘’assassinat ciblé’’ de son chef militaire. Elle soutient formellement dans son communiqué : ‘’tous les constats ont écarté le passage sur une mine’’. Autant donc se passer d’une enquête fastidieuse et certainement onéreuse qui n’apporterait aucun éclairage nouveau.
D’ailleurs, il faut être d’une naïveté à couper le souffle pour croire que la MINUSMA ou Barkhane aiderait la CMA à établir la preuve de sa responsabilité si jamais l’une ou l’autre des Forces avait trempé dans la mort de Cheickh Ag AWISSA, ou même qu’elles avaient eu vent d’une quelconque conspiration contre lui.
Pour ce qui est de la diligence, c’est loin d’être le fort de la MINUSMA. La preuve en est que pour les manifestations qui ont éclaté à Kidal le 18 avril dernier, si le rapport provisoire a été remis au Chef de la MINUSMA, le 26 du même mois, le rapport définitif se fait toujours attendre. La CMA a donc tout le temps de faire le deuil du boucher d’Aguelhock et de Kidal.
Indépendamment de cette lenteur chronique, la MINUSMA ne semble pas disposer à fournir à la CMA les conclusions de son enquête, tout comme elle ne l’a pas fait avec l’Etat malien, en d’autres circonstances. Le rapport indépendant devient donc de plus en plus fantomatique pour la Coordination des mouvements armés qui cherche à faire de la mort de Cheickh Ag AWISSA d’une pierre plusieurs coups.
L’acte de foi
Intox
Après les honneurs militaires, le Président IBK et la Chancelière allemande ont eu un entretien dans le salon d’honneur. Le Président IBK et son hôte de marque, Angela MERKEL, ont ensuite animé un point de presse au cours duquel l’hôte dira : « Venir au Mali par ces temps qui courent est un acte de foi ».
Désintox
C’est peu de le dire, d’autant plus que beaucoup à l’extérieur croient encore, à tort, que le Mali se résume à des attaques terroristes, à la misère, aidés en cela par une certaine catégorie de Maliens dont la seule motivation est la réalisation de leur agenda personnel. Angela MERKEL méritait bien le « merci » du Président IBK qui connait les conditions rigoureuses de sécurité qui entourent chacun de ses déplacements. Se rendre dans notre pays, n’était donc pas donné d’avance. Aussi, était-il tout à fait indiqué pour le chef de l’État de parler de « grand jour » en ce qui est de cette visite mémorable.
Pourtant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. La Chancelière allemande, MERKEL, qui a fait un acte de foi, en se rendant dans notre pays, pour parler de sujets relatifs à la paix, la sécurité, au développement économique, à la bonne gouvernance, à la décentralisation, aux flux migratoires, aux mécanismes d’aide et de co-investissement susceptibles de générer des activités dans notre pays et permettre aux jeunes d’accéder à de nouvelles opportunités, méritait un peu plus qu’un dîner. Peu importe le faste de ce dîner. L’accueil devait être à la mesure de sa dimension et de l’acte qu’elle a posé. Elle avait droit à un accueil populaire et une présentation d’un pan de notre riche patrimoine culturel et artistique. Comme cela se fait d’ailleurs avec d’autres personnalités européennes qui se rendent chez nous et que notre tradition légendaire de ‘’djatiguiya’’ nous le commande de faire. Hélas ! À part le battage médiatique, elle est arrivée et est répartie dans l’anonymat le plus total, du point de vue de la population.
Source: info-matin