Le Sursaut : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Hawa Diallo : je suis née en 1978. Je suis sortante de l’ECICA, spécialité : secrétariat de direction. Je vis chez ma grand-sœur et son mari à Attbougou depuis le décès de notre maman. Je suis la fiancée du journaliste Birama Touré.
Nous avons effectivement appris que c’est vous qui étiez la fiancée de Birama Touré, pouvez- vous nous dire comment vous vous êtes rencontrés ?
H. Diallo : Birama et moi, nous nous sommes connus grâce à mon beau-frère, Soumaïla Coulibaly. Mais au-delà, nous sommes tous les deux issus du quartier de Bagadadji. Nos familles sont voisines. Mais le lien de mariage a été établi grâce à mon beau-frère, qui entretenait une amitié sûre avec Birama.
Votre relation avec Birama a-t-elle duré ?
H. Diallo : non, franchement parlé, on ne s’est pas fréquenté avant d’envisager le mariage. C’est quand il a décidé de se marier que son choix s’est porté sur moi. Il a fait toutes les démarches à cet effet. On avait même fixé la date du mariage. C’est le jour même où l’on a fait la déclaration de mariage à la mairie que Birama a disparu. Je me rappelle bien de cette date, c’était le 29 janvier 2016. Car, la célébration de notre mariage était programmée pour le 14 février 2016 à la mairie de Bagadadji.
Etiez-vous d’accord de vous marier avec Birama ? Pouvez-vous nous confirmer qu’il n’y avait aucune entrave, ni de doute pour que vous soyez l’épouse de Birama Touré ?
H. Diallo : aucun doute. Nous étions tous les deux consentants pour sceller ce mariage. Tout était déjà réglé pour la tenue de ce mariage à la date indiquée.
Madame, pourtant certaines indiscrétions laissent entendre que vous n’étiez pas d’accord pour ce mariage avec Birama Touré. Toute chose qui aurait causé son chagrin. Cela est-il vrai ?
H. Diallo : Cette information est fausse. On s’aimait bien. D’ailleurs Birama faisait tout chez nous. On mangeait ensemble matin, midi et soir. (Son beau-frère intervient pour dire que Hawa et Birama s’appelaient entre eux : « mon cœur »).
Au moment où Birama s’engageait dans ce mariage, on a dit qu’il n’était plus dans son ancien journal ‘’Le Sphinx’’. Est-ce qu’il vous en a informé ?
H. Diallo : en réalité, dans nos causeries, on ne parlait pas de son boulot. Nos conversations tournaient sur la vie entre nous deux, notamment notre projet de mariage, notamment l’appartement qu’il emménageait et dans lequel je devais résider à Sebenikoro, mais pas son travail. Je savais quand même qu’il était journaliste, mais pas plus.
Donc, il ne vous a jamais parlé d’un dossier sur lequel il était en train d’investiguer qui aurait des retombées financières pour régler les charges de votre mariage ?
H. Diallo : non, jamais ! [Clame- t- elle] Il ne m’a parlé d’une quelconque affaire.
Nous les journalistes, lorsque nous sommes sur des dossiers sensibles, nous limitons nos conversations avec nos conjoints, surtout les échanges téléphoniques. Est-ce que cela a été le cas entre toi et Birama au moment de sa disparition ? Il vous a déjà dit, être en conflit avec une personnalité ou un personnage du pays ?
H. Diallo : cela aussi n’a jamais été le cas entre nous. Il m’appelait comme bon lui semblait, idem pour moi. Lors de nos causeries, il ne m’a jamais dit être en conflit avec une personnalité du pays. Comme j’ai eu à le dire, nos conversations portaient seulement en ce qui concernait notre vie de couple.
Vous vous rappelez du dernier jour de votre rencontre avec Birama ?
H. Diallo : oui ! je m’en rappelle très bien, comme si c’était hier. C’était un vendredi, le 29 janvier 2016, le jour même où nous avions fait notre déclaration de célébration de mariage. De retour de la mairie, nous avons mangé ensemble ici à la maison. Puis il a pris congé de moi pour aller remettre, à son oncle à Bagadadji , sa pièce d’identité. C’est après avoir quitté leur grande famille à Bagadadji, que personne ne l’a plus revue (ou entendu de ses nouvelles).
C’est vers le coup de 21 heures que j’ai essayé de l’appeler sans succès. Son téléphone était sur répondeur. Après plusieurs tentatives infructueuses, j’ai décidé dès le lendemain de me rendre chez lui à Sébénikoro. Il était aussi absent de là-bas.
Après avoir constaté son absence de chez lui, vous avez informé quelle personne ou quelle autorité ?
H. Diallo : quand j’ai constaté que son téléphone était injoignable, qu’il n’est pas chez lui à la maison, j’ai immédiatement informé son frère. Ce dernier aussi était dans le même état d’âme que moi. Il m’a dit que lui aussi n’arrive pas à joindre Birama à partir de son numéro. Au même moment des membres de sa famille ont aussi sillonné tous les commissariats et hôpitaux de la place, ainsi qu’au niveau de la prison centrale sans succès. En un mot, durant les deux jours qui ont suivi la date de notre dernière entrevue, nous avons recherché en vain mon mari (elle coupe la parole et laisse tomber quelques gouttes de larmes sur son visage).
Madame, aujourd’hui, est ce que vous avez encore de l’espoir pour revoir votre mari ?
H. Diallo : toujours ! Moi… tout ce que je veux c’est d’avoir les nouvelles de mon mari. Savoir s’il vit, comment il se porte. Si malheureusement il n’est plus de ce monde, pour faire mon deuil, j’ai besoin de savoir comment il est mort ? Si je dispose de son corps, qu’il soit inhumé dignement, conformément à la religion et à la tradition musulmane. Je veux me recueillir sur la tombe de mon mari au cas ou il ne serait pas vivant.
De la disparition de Birama Touré à nos jours, il y’a eu plusieurs associations se réclamant de sa défense. Est-ce que les responsables de ces associations sont venus vous rendre visite ?
H. Diallo : sans vous mentir, aucun membre d’aucune association de défense des droits de Birama Touré ne m’a rendu visite. Personne (elle sanglote à nouveau). Je n’ai vu personne. La seule personne qui a cherché mon numéro de téléphone pour s’enquérir de mes nouvelles et me consoler est son ancien directeur, Adama Dramé. A part lui, aucune autre personne d’une association ou d’un groupe de presse n’a cherché à me rencontrer. Vous êtes le premier journaliste qui est venu chez moi pour parler de Birama Touré.
Donc vous voulez dire que depuis cinq ans, personne n’est venu vous apporter un soutien, même moral ou psychologique ?
H. Diallo : en réalité, à part un cousin de mon mari, du nom de Lahaou Touré et mes deux beaux-frères, Moustaph Diakité et Soumaïla Coulibaly [ les deux époux de ses deux sœurs], personne d’autre ne m’a apporté un quelconque soutien. Si j’arrive aujourd’hui à vivre avec la conscience tranquille, malgré ce que j’ai sur le cœur, c’est grâce à ces trois personnes.
Aujourd’hui, si l’affaire de Birama Touré doit être tranchée devant les tribunaux, qu’est-ce que vous demanderez à nos autorités judicaires ?H. Diallo : tout ce que je demande est la justice pour mon mari. Mon souhait est que la justice soit rendue dans la vérité et la droiture pour aplanir le chagrin qui m’affecte aujourd’hui et donner satisfaction à tous les Maliens épris de justice dans cette affaire.
A l’issue du procès, lorsque la justice désignera un coupable, comme bourreau de votre mari, allez-vous pardonner à ce dernier ?
H. Diallo : je suis une croyante. Le bon Dieu a autant prôné le pardon que la réclamation des droits. De ce fait, je ne souhaite aucunement voir ou retrouver mort celui qui était destiné à être mon mari. Mais si cela est le cas, nous sommes dans un pays de droit, que la justice tranche comme cela se doit pour mettre tout le monde dans ses droits et sanctionner les présumés coupables. Je reste confiante, j’ai un avocat (Me Alassane Diallo du cabinet Penda) qui suit cette affaire de son début à maintenant. Je lui fais confiance.
Interview réalisée par Moustapha Diawara
Source: Le Sursaut- Mali