Le Réseau Ouest Africain pour l’Édification de la Paix (Wanep), au nom de ses 550 organisations membres réparties dans les 15 États membres de la Cédéao a exprimé « sa plus vive préoccupation et son appréhension face à l’insécurité politique croissante qui menace la démocratie, la paix et la sécurité dans la région ».
Les récentes évolutions politiques au Mali, en Côte d’Ivoire et en Guinée indiquent une tendance inquiétante qui pourrait réduire à néant les efforts déployés pour assurer la stabilité démocratique de l’Afrique de l’Ouest conformément au protocole de la Cédéao sur la démocratie et la bonne gouvernance de 2001. En tant qu’organisation d’édification de la paix qui prône les principes de la démocratie et favorise le dialogue et autres réponses non violentes aux conflits, Wanep dénonce la prise de pouvoir par la force au Mali et les tentatives d’extension des mandats présidentiels en Côte d’Ivoire et en Guinée au-delà des dispositions du protocole de la Cédéao sur la bonne gouvernance et la démocratie.
« Le paysage sécuritaire de l’Afrique de l’Ouest est déjà marqué par des attaques de terroristes et d’extrémistes violents, des conflits armés inter et intracommunautaires, des tensions ethnoreligieuses et la criminalité transnationale organisée y compris le trafic de stupéfiants et d’êtres humains ainsi que la prolifération des armes légères et de petit calibre. L’instabilité politique supplémentaire pourrait constituer le point de départ d’une insécurité généralisée dans les 15 pays de la région, touchant une population estimée à plus de 360 millions de personnes », exprime le document.
Au Mali, le soulèvement et les manifestations déclenchés par les élections parlementaires contestées de mars 2020, l’enlèvement de Soumaïla Cissé et l’insécurité ont renforcé la perte de confiance de la population et la demande de démission du Président de la République Ibrahim Boubacar Keita.
En Côte d’Ivoire, la montée des désaccords politiques et de la violence suite à l’annonce de la candidature du président Alassane Ouattara à un nouveau mandat lors de l’élection présidentielle d’octobre 2020 accentue la polarisation et pourrait entraîner une rechute d’instabilité en Côte d’Ivoire. Suite au décès du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, le candidat désigné de la coalition RHDP au pouvoir, le parti a fait pression sur le Président Ouattara pour qu’il se présente aux prochaines élections. Cette décision a donné suite aux plaintes des partis et groupes d’opposition provoquant de violentes manifestations à Gagnoa et Daoukro qui ont coûté la vie à 5 personnes, dont 4 membres du personnel de sécurité.
La série de violentes manifestations dont la Guinée a été le théâtre au cours du premier semestre de l’année 2020 est la preuve des désaccords et des tensions politiques qui perdurent dans le pays. La décision du parti au pouvoir, le Rassemblement du Peuple de Guinée, de soutenir la candidature du président Alpha Condé à un troisième mandat lors de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, à la suite de l’amendement de la Constitution de 2010 et 3 d’un référendum national organisé le 22 mars 2020, a été critiquée par les partis d’opposition et les organisations de la société civile. Cela risque d’entraîner une escalade de la violence à caractère ethnique entre les principaux groupes indigènes que sont les Malinkés, les Peulhs ou les Fulanis.
Au vu des tensions et de l’interaction politiques actuelles dans la région, Wanep plaide pour :
• Le soutien conjoint aux efforts de négociation en cours de la Cédéao pour gouvernance démocratique au Mali ;
• L’établissement d’un comité technique composé de décideurs clés tels que la Cédéao, l’Unowas, l’UA ;
• Une série de dialogues nationaux et régionaux facilités par des organisations de la société civile avec des représentants de divers groupes d’intérêt et parties prenantes ;
• Un dialogue organisé entre la commission électorale indépendante de Côte d’Ivoire, les principaux acteurs politiques et la société civile ;
• Une diplomatie discrète au Sahel pour discuter avec les gouvernements et les principaux partis d’opposition en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Ghana afin de trouver des solutions à l’amiable pour résoudre les désaccords politiques existants et assurer la crédibilité des élections dans ces pays ;
• L’élaboration, par les organisations de la société civile en Guinée, au Ghana et en Côte d’Ivoire, d’un plan d’action coordonné visant à assurer la sécurité des élections et à mettre en place des mécanismes de prévention de la violence liée aux élections dans ces pays ;
• Un code de conduite pour des élections pacifiques renouvelé et signé par les principaux partis politiques en Guinée, au Ghana et en Côte d’Ivoire sous la facilitation des institutions et des organisations de la société civile influentes ou par des architectures de paix institutionnalisées telles que le Conseil national de la paix au Ghana ;
• La création d’une plateforme de coopération entre les organes de gestion des élections, les forces de sécurité de l’État et la société civile organisée autour de l’alerte et la réponse rapides afin d’atténuer les menaces violentes dans les zones à risque de violence électorale identifiées en Guinée, au Ghana et en Côte d’Ivoire.
Source : Wanep