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Insécurité: de complice à otage

Pose tous azimuts d’engins explosifs improvisés ; assassinats ciblés de notables ; exactions ; rançonnage de passagers ; occupation de localités, la situation sécuritaire reste préoccupante. Quelque part, faut-il concéder, la faute à une application insuffisante de l’Accord qui se heurte aux réticences et équivoques des deux bords (Gouvernement et Mouvements armés). En être complice ou être pris en otage ? Voilà le choix.

Ce serait une redondance de dire que la situation sécuritaire, au Nord et au Centre, est explosive. Les attaques meurtrières contre les positions des Forces armées maliennes (FAMa), de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (MINUSMA) ; les explosions de véhicules civils transportant de pauvres forains, ont fini de convaincre de la tragédie dans laquelle se trouve plongé notre pays ; ‘’une guerre qui nous est imposée’’, comme le répète le Chef suprême des Armées. Voilà les faits, aussi implacables qu’ils puissent être.

Les marchands de morts
Les auteurs sont également connus. Les atrocités auxquelles l’on assiste sont le fait de groupes extrémistes violents, très actifs au Nord, mais également, de plus en plus au Centre. Ils sont des succursales de ‘’Jamaat Nasr Al Islam Wa Al Mouslimin’’ (groupe de soutien à l’Islam et aux Musulmans) commandé par le tout-puissant narco jihadiste, Iyad Ag Ghaly. Il se réclamant d’une idéologie islamiste radicale. Si ce n’était qu’au nom de cette prétendue idéologie que tant d’atrocités sont commises !
Ainsi, le mal du Mali est connu ; les auteurs sont également clairement identifiés. Il n’est du reste pas besoin d’être un foudre d’intelligence pour poser un tel diagnostic puisque les terroristes revendiquent triomphalement la quasi-totalité de leurs crimes.
Là où le bât blesse, c’est la solution à appliquer au mal. L’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, nonobstant ses ambiguïtés et ses insuffisances, a cependant été salué par le monde entier comme le ‘’meilleur compromis possible’’ qui devrait permettre de tourner définitivement la page de la crise multidimensionnelle qu’a connue notre pays, en 2012.
Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Tout processus de paix et de réconciliation est semé d’embûches, d’écueils à surmonter. Aussi, à la pratique, il est apparu que l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger n’est pas une sinécure. Il se heurte à des résistances de part et d’autre.

Le délit de procrastination et de trahison
Particulièrement visé, le Président IBK, celui-là à qui il a pourtant fallu affronter les plus farouches résistances, est accusé de se complaire dans la procrastination. Les plumitifs de l’étranger, dressés vent debout contre lui, le présentent comme nullement préoccupé par la réconciliation nationale, obnubilé qu’il serait par un second mandat à la tête de l’État. Ainsi, selon un de ses détracteurs, il surferait allègrement sur le sentiment généralement répandu, au sein de l’opinion, qu’il ne saurait être question d’accorder une prime à des séparatistes et sur le traumatisme subi par l’Armée, après le massacre d’Aguelhok et qui ne serait pas prête à accueillir, les bras ouverts, d’irréductibles déserteurs.
Les adversaires politiques du Président IBK ne sont pas en reste de cette campagne de sabordage de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Ils ont adopté une position radicale qui est loin d’évoluer qui est de jeter le bébé avec l’eau du bain. Argument massue ? L’Accord porte en lui les germes de la partition du pays.

Les griefs des Mouvements armés
Pour les grognons des Mouvements armés, la brèche est ouverte, il ne restait plus qu’à s’y engouffrer. Ce qu’ils ont fait avec délectation, en imposant leur chronogramme de l’application de l’Accord, avec un blocage prémédité chacune des étapes. Ils ont exigé la mise en place des Autorités intérimaires et l’opérationnalisation du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), prévu par l’Accord. Les mêmes ont plongé ces deux points dans l’impasse en affichant de profondes dissensions sur les Autorités intérimaires, en refusant de fournir les listes des combattants devant faire partie du MOC.
Sur la base de ces deux points, les Mouvements armés accusent le Gouvernement de mauvaise foi dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Le Conseil de sécurité des Nations unies, irrésistiblement, embouche la même trompette, même s’il feint d’interpeller les deux Parties.
Le Gouvernement est également mis sur le banc des accusés pour avoir fixé un plafond du nombre de combattants à intégrer. Ce, pendant que la bataille des chiffres fait rage au sein des Mouvements armés dont les effectifs sont volontairement pléthoriques, pour les besoins de la cause.
Égarement ou déni de réalité ?
Pourtant, du côté des autres, tout n’est pas non plus clean.
Quand un plumitif de l’étranger cite le Niger comme modèle d’intégration, pour avoir nommé un Premier ministre touareg, c’est s’égarer dans les dédales de l’histoire du Mali ou nier la réalité. Parce que le plus jeune ministre de l’histoire du Mali, est un ressortissant du Nord. Il est devenu Premier ministre et a occupé des fonctions diplomatiques. Sur les 5, Premiers ministres nommés par IBK, 2 sont ressortissants du Nord.
Pour ce qui est de l’accusation de procrastination, il faut vraiment avoir un raisonnement aussi tordu que cynique pour s’y aventurer. Et pour cause, personne ne tire profit, pas même les pyromanes de l’étranger, d’un enlisement de la situation politico-sécuritaire du Mali. Il faut dès lors leur laisser la responsabilité de leur accusation.
Pour les politiques qui semblent redouter la partition du pays, il faut s’interroger si ce n’est pas dans leur tête que se produit cette division du pays. Parce que, ceux qui étaient là en 2012, savent réellement à quoi ressemble une partition, contrairement à ceux qui se soignaient dans les hôpitaux huppés européens, à ceux qui avaient élu domicile sous leur lit et qui n’avaient que des échos diffus de la situation sur le terrain. Ceux-là mêmes qui se plaisent à annoncer un cataclysme.

Lourdes charges sur la CMA et la Plateforme
Quid des accusations des Mouvements armés ? Les faits ne servent pas particulièrement lesdits Mouvements et devraient plutôt les maintenir dans leurs petits souliers. Il s’avère en effet que ceux qui tirent à volonté sur le Gouvernement taxé de traîner les pieds dans l’application de l’Accord n’ont toujours pas communiqué les listes de leurs combattants pour entamer le Cantonnement, intégration et désarmement, démobilisation, et réinsertion (DDR).
Les principales avancées dans le processus de DDR, apprend-on, portent sur la création d’une Commission nationale pour le DDR, comprenant les représentants du Gouvernement et des mouvements signataires. À cela, il faut ajouter la création de huit sites d’accueil des combattants répartis entre Tombouctou, Gao, Ménaka et Kidal.
Quant au MOC, dont l’une des missions est de sécuriser les différents sites, il n’est présent qu’à Gao, les unités de Tombouctou et Kidal n’étant toujours pas fonctionnelles, la responsabilité de ce retard incombant aux Mouvements armés.
Les positions affichées par les Mouvements armés, au sortir de la 23e session du Comité de suivi de l’accord, tenue les 15 et 16 janvier derniers et ayant vu l’adoption d’un chronogramme prévoyant des actions concrètes dans la mise en œuvre des différentes dispositions de l’APR, dont le DDR, au cours des prochaines semaines, ne sont guère rassurantes. Les groupes armés, qu’ils soient de la CMA ou de la Plateforme, en sortant de la salle de réunion, s’étaient montrés dubitatifs. « Un agenda de plus, mais aucune avancée », avait laissé entendre un représentant de la CMA.

L’incontournable choix
Face à cet imbroglio, la Communauté internationale a le choix entre être complice d’une situation qui est loin de répandre des effluves ou en être captive.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a de précieux instruments en sa possession pour éviter la dérive du processus de paix et de réconciliation dont l’Accord est le substrat naturel indispensable.
Le premier instrument est le régime de sanctions ciblées adopté par une résolution du Conseil de sécurité, en septembre 2017, contre ‘’ceux qui dressent des obstacles’’ à l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Elle frappe d’interdiction de voyager et soumet à un gel des avoirs des individus et des entités qui seront ultérieurement identifiés par un Comité de sanctions, lequel sera secondé par un groupe d’experts.
Le second outil est la Commission d’enquête internationale prévue par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Ses membres ont été nommés en janvier 2018. Il faut préciser que les Commissaires qui serviront, à titre individuel, enquêteront sur les graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises au Mali depuis janvier 2012 et soumettront un rapport au Secrétaire général dans un délai d’un an.
En espérant qu’en n’en faisant pas des artifices et ne les programmant pas pour être sélectifs dans leurs missions, ces instruments pourraient venir à bout d’une certaine chienlit qui plombe notre processus de paix et de réconciliation.
En définitive, autant le Gouvernement que les Mouvements armés pourraient se retrouver otages du pourrissement d’une situation politico-sécuritaire qui n’est pas une fatalité avec un zeste de bonne volonté.

Par Bertin DAKOUO

Info-matin

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