Les préfets et sous-préfets ont fini par se radicaliser, évoquant les souffrances qu’ils endurent dans le silence. La grève illimitée qu’ils ont déclenchée hier (lundi 2 juillet 2018) est liée à une rupture de confiance entre le gouvernement et les syndicats : le Syndicat national des administrateurs civils (SYNAC) et le Syndicat libre des travailleurs du ministère de l’Administration territoriale (SYLTMAT). A quelques semaines de la tenue de la présidentielle, cette grève constitue une grosse menace pour le processus électoral.
«Le point de divergence se trouve au niveau du non respect des engagements par le gouvernement, des engagements qui étaient convenus entre le syndicat et le gouvernement. Apres la suspension unilatérale des négociations par le gouvernement, le Premier ministre nous à reçu [dimanche] sur la médiation de l’Amsunem », a déclaré Ousmane Christian Diarra, secrétaire général du SYNAC, que Le Républicain a rencontré hier, dans l’après-midi.
Le Premier ministre qui a reçu les administrateurs civils à la primature après sur la médiation de l’AMSUNEM n’a pas réussi à débloquer la situation. « Nous sommes tombés sur des principes, il s’agissait que le gouvernement matérialise ces principes en faisant l’évaluation juste des primes et indemnités que nous devrions avoir. Mais le gouvernement n’était pas prêt car il n’avait pas procédé à cette évaluation. Il nous a été demandé de lever le mot d’ordre de grève et de leur donner deux jours. Nous n’avons pas confiance, nous ne pouvons pas lever notre mot d’ordre », nous a déclaré Ousmane Christian Diarra.
Selon lui, l’objectif de cette grève illimitée qui intervient après une grève de 7 jours vise la prise en compte des primes et indemnités et la grille convenue entre les deux syndicats et le ministère de l’Administration territoriale. «Nous sommes dans une situation de souffrance absolue et le reste de la population l’ignore totalement. La grève illimitée continue jusqu’à satisfaction de nos doléances », a conclu Ousmane Christian Diarra.
Les administrateurs en quête de sécurité
Pour rappel, les deux syndicats avaient adressé une lettre de protestation au gouvernement malien le lundi 18 juin 2018. Dans cette déclaration, ils dénonçaient avec force les actes odieux et mauvais traitements infligés aux représentants de l’Etat et demandaient par conséquent la sécurité et la protection des représentants de l’Etat en raison de l’insécurité qui règne.
De 2014 à nos jours, les représentants de l’Etat sont parfois victimes de menaces, d’attaque, d’assassinat, d’enlèvement et de relèves arbitraires dans le cadre de l’exercice de leur fonction. Dans leur déclaration au gouvernement, le secrétaire général du SYNAC, Ousmane Christian Diarra, a fait allusion à la multiplication des menaces, notamment l’assassinat des préfets, préfets-adjoints et sous-préfets à Kidal le 17 mai 2014.
La déclaration rappelle aussi l’attaque ciblée contre le sous-préfet de Ouinerden le 29 mai 2018, les relèves arbitraires des préfets de Kolondièba et Koro, les enlèvements du sous-préfet de Hombori le 26 avril 2018, du préfet de Ténenkou et de son chauffeur le 8 mai 2018, les destructions de lieux de travail, de domiciles et de biens personnels des représentants de l’Etat à Kéniéba et Kani-Bonzon le 11 juin 2018.
La déclaration souligne que les représentants de l’Etat ont payé un lourd tribut dans toutes les crises et rébellions qu’a connues le Mali ; l’engagement sans faille des administrateurs civils dans le renforcement de l’autorité de l’Etat et de l’unité nationale, parfois dans des conditions infrahumaines ; les pressions politiques et sociales de toutes sortes pour briser la carrière et le moral des représentants de l’Etat.
Les administrateurs dénoncent aussi l’accroissement des pratiques de substitution de pouvoir des autorités traditionnelles et certaines composantes de la société civile (organisations des jeunes et des chasseurs) aux attributions des représentants de l’Etat. Ils soulignent également le principe statutaire selon lequel l’Etat malien est tenu de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, les préjudices qui en résultent. Les deux syndicats dénoncent avec force des actes odieux et mauvais traitements infligés aux représentants de l’Etat et demandent par conséquent au gouvernement de la République du Mali «d’user de tous les pouvoirs à lui conférés par les textes pour assurer sans délai la sécurité et la protection des représentants de l’Etat.
Les deux syndicats demandent au gouvernement d’entreprendre toutes actions urgentes pour la libération du préfet de Ténenkou et de son chauffeur ; de réparer dans les meilleurs délais les dommages causés aux représentants de l’Etat dans l’exercice de leur fonction. Les grévistes veulent que soient engagées des poursuites contre les auteurs et complices des actes criminels et délictuels à l’égard des représentants de l’Etat sans considération de leur statut et de leur appartenance sociale et politique et d’informer régulièrement le SYNAC et le SYLTMAT des actions entreprises dans ce sens.
Ils veulent que soient redéployés, sans délai, les représentants de l’Etat arbitrairement relevés de leurs postes. Autres doléances : traiter avec dignité et déférence le représentant de l’Etat quelles que soient la circonstance et la nature des pressions ; rappeler aux autorités traditionnelles et aux organisations de la société civile les limites de leurs interventions dans la gouvernance territoriale ; affecter, en relation avec le ministre chargé de la Sécurité, une garde rapprochée à chaque représentant de l’Etat à domicile et au service.
Aguibou Sogodogo