Faire un lien entre les terroristes et un groupe communautaire particulier paraît dangereux pour la cohésion et le vivre ensemble. La Trans nationalité de certains groupes communautaires les expose à une instrumentalisation du conflit. Les groupes terroristes cherchent des couveuses locales pouvant leur permettre de s’implanter. La stigmatisation d’une communauté particulière crée la frustration, un objectif recherché par les groupes armés terroristes.
Certains médias ont réussi à exacerber le phénomène djihadiste au Mali et au Sahel. Les analyses selon lesquelles, telle ou telle communauté sont en conflit, alimentent les tensions ou lorsqu’un chef terroriste est associé à son appartenance ethnique exposant toute cette communauté à une stigmatisation. Dans un contexte assez sensible, associer le terrorisme à un groupe communautaire revient à propager la propagande djihadiste. La question est bien plus profonde qu’une simple histoire d’un groupe communautaire qui serait djihadiste ou majoritairement, ces populations restent les premières victimes des groupes radicaux violents.
Les organisations internationales des droits de l’homme dénoncent une épuration ethnique sans forcément maîtriser les tenants et les aboutissants. Il s’agit d’abord des régions qui ont toujours échappé au contrôle de l’Etat central où la présence de l’Etat ou l’Etat répressif a plus été présent que l’Etat protecteur. Pour diverses raisons, de nombreuses personnes se retrouvent enrôlées par les groupes armés terroristes.
Exacerbation des tensions communautaires
Il y a de cela quelques années, il était difficile de penser que le Mali ou le Burkina Faso pourrait basculer dans un conflit endogène aussi violent. On avait sous-estimé la fragilité de notre tissu social. L’expansion du péril djihadiste en Afrique de l’Ouest s’explique d’une part par la vulnérabilité de nos États et d’autre part par un ancrage local. Les groupes armés terroristes cherchent à instrumentaliser certains vieux conflits ou créent d’autres moyens susceptibles d’attiser la violence. Certains propos imprudents et tendancieux sur les réseaux sociaux et dans les médias, à l’égard d’une communauté entière risqueraient de détériorer davantage la réconciliation.
Les groupes armés terroristes ne mettent pas en avant une culture particulière, mais plutôt leur conception de l’islam. Ils s’adaptent sur le territoire donné et ils mettent en avant des leaders locaux qui jouissent d’une certaine légitimité au sein de la population locale. Ces personnes ne doivent en aucun cas être associées à leur appartenance ethnique. Ce sont ces mêmes communautés les premières victimes du fanatisme et de représailles de la part des djihadistes.
Combattre l’amalgame:
L’amalgame est facile entre les groupes armés terroristes et certaines populations avec qui les groupes partagent leurs zones d’influence. Les groupes extrémistes savent jouer des faiblesses d’un territoire non contrôlé par l’Etat. Les jeunes désœuvrés et frustrés sont toutefois des cibles de recrutements faciles pour ces organisations criminelles. L’Etat doit s’engager dans une vaste campagne de communication et de sensibilisation afin de lutter contre l’amalgame autour de cette question assez complexe.
La manière de s’habiller ne doit pas faire l’objet de suspicions et tout suspect n’est pas forcément djihadiste. Plusieurs arrestations ou interpellations qui portent atteinte à la dignité humaine peuvent amener des personnes à se radicaliser. Ces derniers jours, des arrestations de grandes envergures sont en train d’être faites dans le pays. Selon les communiqués de l’État-major général des Armées, les personnes arrêtées sont en majorité des suspects dont les culpabilités doivent être établies.
Les vidéos des scènes d’arrestations diffusées sur les réseaux sociaux et des propos d’incitation à la haine doivent être censurés ou faire l’objet de poursuites. Avec l’essor des réseaux sociaux, les informations affluent de tous les côtés des propagandes, des images ou vidéos non authentiques souvent causant désespoirs et méfiances, mais aussi la peur.
Dans un contexte de crise multidimensionnelle, la liberté d’expression présente souvent d’énormes menaces pour la stabilité de l’État lorsque le tissu social est déjà fragile. Néfaste, elle peut conduire à alimenter la haine entre des communautés qui ont développé ces dernières années, certaines méfiances vis-à-vis de l’autre.
Bah Traoré
Analyste politique et sécuritaire au Sahel, Chercheur à l’Ucad Dakar
Source : Mali Tribune