Secrétaire permanent du Comité national de coordination de la mise en œuvre de l’Accord, M. Ag Mohamed tire le bilan presque un an après sa signature à Bamako.
I. Ag Mohaùed: L’article 57 de l’Accord prévoit la création, immédiatement après la signature, d’un Comité de Suivi de l’Accord (CSA) présidé par l’Algérie, chef de file de la médiation internationale. Il est composé du gouvernement, des mouvements signataires et de la médiation. Son rôle est d’assurer le suivi et de veiller à l’application effective des dispositions de l’Accord.
Le CNCA quant à lui est une structure exclusivement nationale chargée de coordonner la mise en œuvre de l’Accord. Son rôle est essentiel dans la mesure où la mise en œuvre opérationnelle de l’Accord incombe en premier lieu au gouvernement qui en a la responsabilité. Il est présidé par le Chef du gouvernement et comprend des membres permanents que sont les ministres dont les départements sont directement impliqués, les secrétariats généraux du gouvernement et de la Présidence ainsi que le directeur de cabinet de la Primature. Il y a aussi, dans un esprit de large inclusivité, des membres associés : représentants des syndicats, des partis politiques, des religieux, des femmes, des jeunes, ainsi que de l’Assemblée nationale et du Haut Conseil des collectivités. Le CNCA est doté d’un Secrétariat permanent qui assure le travail technique. La différence entre les deux structures est que la première est en charge du suivi et la seconde de la mise en œuvre opérationnelle.
La signature de l’accord aura bientôt un an. Quel bilan peut-on en tirer ?
Je pense que le bilan qu’on peut tirer au terme de la première année est positif en plusieurs points. La mise en place du dispositif institutionnel est un acquis. C’est comme la construction d’une maison, il faut faire d’abord une bonne fondation. Aujourd’hui, le CSA est à sa 8ème session et le CNCA à sa 3ème. Le gouvernement a fait des progrès avec l’opérationnalisation de deux nouvelles régions (Taoudéni et Ménaka), la nomination des gouverneurs et de leurs cabinets. Le gouvernement s’est également attaqué aux réformes institutionnelles avec l’adoption de la loi sur les autorités intérimaires qui attend sa promulgation. Pour la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, une équipe d’experts sera mise en place en tenant compte d’un certain nombres de facteurs.
Dans tous les secteurs des avancées ont été constatées. On doit citer la création, au niveau défense et sécurité, de trois organes importants : la commission Désarmement démobilisation et réintégration (DDR), la commission nationale d’intégration et le conseil national de la réforme du secteur de la sécurité. Il faut noter également l’opérationnalisation très prochaine du Mécanisme opérationnel de coordination (MOC), qui doit coordonner la mise ne œuvre des arrangements sécuritaires et dont l’État-major est déjà installé à Gao, avec une représentation à Tombouctou et à Kidal. Ce mécanisme nous permettra de sécuriser le retour de l’administration ainsi que les services sociaux de base dans les zones où ils font toujours défaut.
Mais que dire pour ce qui concerne directement les populations ?
Sur le plan du développement économique, social et culturel, on peut citer la mise en œuvre du plan d’urgences humanitaires mais aussi de la reprise des projets de développement, dont les travaux de la route Gouma-Koura-Tombouctou qui sont sécurisés avec professionnalisme par les FAMas. Il y a également eu le 22 octobre 2015 à Paris, la conférence sur le développement du Mali qui s’est conclue par l’annonce de 3,2 milliards d’euros d’appui au Mali. Un fond de développement durable des régions du Mali doit être mis en place, auquel l’État doit participer au compte de l’« effort de paix », à hauteur de 100 milliards de francs CFA par année et sur trois ans (2016-2018).
La justice et la réconciliation ne sont pas en reste et de nombreux chantiers ont été ouverts. Il y a eu des rencontres intercommunautaires, tendant à recoudre le tissu social. La mise en place de la Commission vérité justice et réconciliation (CVJR) est un acquis et son plan d’action de trois ans a été adopté. Le gouvernement, par le biais du ministère de la Réconciliation est en train d’élaborer les termes de référence d’une conférence d’entente nationale. C’est un rendez-vous important où l’on va reposer un certain nombre de questions pour lesquelles des solutions n’ont pas été trouvées à Alger. L’une d’elles est la fameuse question de l’appellation « Azawad ».
Les choses semblent avancer, pourtant lors de la dernière réunion du CSA, il y a eu une montée de tension. Que s’est-il passé ?
Il n’y a pas eu de tension en réalité. Un constat a été fait par les groupes armés signataires du retard sur le chronogramme de la mise en œuvre de l’accord. Mais cela n’est pas dû à une mauvaise volonté de la part du gouvernement. Nous avançons au gré des contingences techniques et avons même réalisé certaines actions par anticipation. La pierre d’achoppement lors de cette session, c’était la mise en place des autorités intérimaires. Après le vote de la loi, l’opposition a saisi la Cour constitutionnelle et nous devons attendre la décision de cette dernière avant d’avancer sur ce dossier. La loi ne peut être promulguée sans cette décision. Les groupes armés signataires ont voulu conditionner la suite des travaux sur les autres dossiers à la mise en œuvre de la loi, craignant que le gouvernement ne laisse cette question sans suite. Or, nous sommes dans un État de droit et nous ne pouvons pas faire fi d’une procédure en cours. Nous avons donc expliqué que nous pouvions continuer à travailler, que les autorités intérimaires seront bel et bien mises en place si la Cour constitutionnelle l’autorise, et le malentendu a été levé.