De la bonne santé de notre environnement dépend la survie des espèces humaines, animales et végétales. L’utilisation des produits chimiques dans nos champs, nos fleuves et sur les sites d’exploitations minières échappe à tout contrôle. Cette situation pose un grand problème sanitaire, favorise la détérioration du sol et des eaux et fait planer une menace sur la vie en général. En outre, les quantités consommées sont nettement supérieures aux quantités importées légalement au Mali, avec au total 4 466 806 tonnes de produits chimiques en 2009, par exemple. Pour mieux vous édifier sur les tenants et les aboutissants de cette menace, nous avons donné la parole aux acteurs évoluant dans ce secteur, environnementalistes, exploitants agricoles, miniers.
L’environnement peut se définir comme l’ensemble des éléments qui constituent le voisinage d’un être vivant ou d’un groupe d’origine humaine, animale ou végétale et qui sont susceptibles d’interagir avec lui directement ou indirectement. Quant aux produits chimiques, ils résultent d’une substance produite pour une utilisation dans une réaction chimique ; une réaction qui implique des modifications d’atomes ou de molécules, d’où la définition de la chimie comme science de la nature.
Selon le philosophe français François Rabelais, « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Ce qui explique toute fabrication scientifique porte en son sein un mode d’emploi qui constitue sa conscience pour se protéger et protéger l’humanité. Cependant, dans certaines zones minières et agricoles du Mali, on constate l’utilisation abusive des produits comme le mercure et le cyanure, hautement dangereux pour la santé de l’homme et de la nature.
Selon la Direction Nationale de l’Assainissement et du Contrôle des Pollutions et des Nuisances (DNACPN) du Mali, « les sources de pollutions sont connues et généralement, c’est l’homme qui en est à la base. Elles sont entre autres les pesticides, l’incendie de déchets solides, les fumées toxiques dégagées par les usines, le cyanure, le mercure et autres produits chimiques ». Car les produits chimiques sont des produits dangereux et doivent être traités comme tels, sans utilisation peu orthodoxe et mal maitrisée. Une fois que le produit est utilisé dans les champs, surtout en période d’hivernage, la pluie transporte les lessives pour les déverser dans le fleuve. Ainsi, les espèces qui se trouvent dans l’eau vont avoir ces polluants dans leur organisme, ce qui les rendra toxiques et donc impropres à la consommation.
Dans les industries extractives aurifères ou les sites d’orpaillage traditionnel, l’utilisation du cyanure et du mercure pose problème. Ils permettent d’amalgamer l’or avant de s’évaporer. Selon les experts, ces vapeurs polluent le sol et les eaux et sont très toxiques pour leurs utilisateurs.
Enfin, l’exploitation de l’or sur les fleuves par dragage provoque des digues de sable, empêchant l’eau de couler normalement. Les dragueurs polluent également avec des huiles de machines et le mercure et le cyanure. Ces produits, éparpillés sur la surface fluviale, provoquent un coût de traitement de l’eau potable beaucoup plus élevé et les espèces aquatiques contaminées transmettent le produit nocif aux hommes qui les consomment.
Pour réduire les dégâts causés par les dragues, Mme la ministre des Mines et du pétrole, Lelenta Hawa Baba Ba, a demandé la fermeture des sites d’orpaillage pendant l’hivernage, pour éviter le pire pour les espèces aquatiques, les accidents, l’écroulement des sites et aussi permettre aux jeunes d’évoluer dans les travaux champêtres. Pour sauver notre environnement, les autorités n’ont ménagé aucun effort pour la canalisation de ces mauvais utilisateurs des produits chimiques.
Récemment, le ministre de l’Environnement a effectué une visite à Sadiola, dans le cercle de Kayes. L’objectif de cette sortie inopinée sur la Falémé était de constater les dégâts causés par le dragage sur cet affluent principal du fleuve Sénégal. À l’issue de cette visite, le Gouverneur de la région de Kayes a assuré que les décisions fortes avaient été prises pour circonscrire le phénomène. « Pour une meilleure gestion de l’utilisation des produits chimiques, notre pays a mis en place des mécanismes visant à stopper la fragilisation de la couche d’ozone et à adopter des textes législatifs et réglementaires (Lois, Décrets et Arrêtés d’application) régissant la protection de l’environnement et la santé humaine », a-t-il affirmé.
La loi stipule en effet que l’homologation des pesticides s’effectue, conformément à la réglementation commune aux États membres du CILSS, par le Comité Sahélien des Pesticides (CSP). Il examine les demandes d’homologation, tient les registres, établit la liste des matières actives et des formulations autorisées et celle des établissements publics autorisés à effectuer des essais. Il définit également les méthodes de contrôle de la composition et de la qualité et évalue les risques de toxicité des produits pour l’homme, les animaux et l’environnement. La principale difficulté rencontrée par le CSP dans l’exécution de ses activités est la contrainte financière. Les Comités nationaux sont responsables de l’application des décisions du CPS dans les pays.
Dans les activités d’orpaillage, nombreuses sont les difficultés liées à l’utilisation des produits nocifs. Les eaux usées sont évacuées sans aucun traitement préalable ; les conditions de stockage des produits sont mauvaises, car elles se font par simple emmagasinage de produits parfois mal emballés ; les équipements de protection pour la manipulation sont rudimentaires et ne sont pas toujours disponibles et la plupart des commerçants détaillants des produits chimiques sont illettrés et ignorent les règles d’usage. S’y ajoute l’insuffisance d’informations sur les dangers liés à ces produits, ce qui exacerbe ces risques. Selon un habitant de Kéniéba, les maires sont en complicité avec les utilisateurs de produits chimiques nocifs pour piller les maigres ressources de la population.
Concernant les produits chimiques utilisés au Mali en 2009, les quantités consommées étaient nettement supérieures aux quantités importées légalement. Il s’agissait de (en tonnes) : Pesticides agricoles 3 211 ; Pesticides utilisés en santé publique 885 695 ; Pesticides de consommation domestique 11 435 ; Médicaments 4 565 ; Herbicides 750 ; Engrais 171 000 ; Produits pétroliers (Tonnes Métriques) 507 737 ; Produits chimiques utilisés dans les unités industrielles 500 939 ; Produits chimiques secteur des mines 6 994 ; Autres produits chimiques entrant dans la fabrication des médicaments utilisés en Santé Publique et réactifs de laboratoire plus écoles de formation 2 374,480. Soit au total 4 466 806 tonnes. Source : INSAT 2009.
Outre les miniers traditionnels ou industriels, les teinturières manipulent elles aussi des produits chimiques : colorants, fixateurs (sulfites), soude, etc. On en compte environ 300 disséminées dans les quartiers des six communes de Bamako, avec main d’œuvre importante de femmes. A.M, une teinturière de Djaneguila, « souffre de palpitations cardiaques et de maux de tête aigus, qui surviennent surtout la nuit ». Elle affirme qu’elle est consciente des risques mais qu’elle n’est pas prête à abandonner, car pour elle ce métier est une question de survie, même si elle n’observe pas régulièrement les mesures de sécurité et de protection pendant le travail.
Les vendeurs et utilisateurs de pesticides sont aussi très nombreux à être exposés aux risques, avec la chaleur, le reconditionnement et l’insuffisance d’informations par rapport aux dangers. Selon de S.D, vendeur au quartier du fleuve, il y a en moyenne 2 cas d’intoxication de commerçants de produits chimiques par mois. En milieu paysan, lors d’une enquête auprès des applicateurs de pesticides, on s’est rendu compte que la non utilisation de tenues de protection était à Ouélessébougou de 72% contre à 53% à Koutiala. Ce qui prouve que partout la rigueur n’est pas à l’ordre du jour.
Pour juguler le mal, Sidi Diawara, commerçant de pesticides à Bozola, estime que « les importateurs (partenaires agricoles, Agri-2000, la Cigogne Banikono et Comptoir-2000), ont multiplié les sensibilisations de leurs vendeurs et clients à travers des visites de proximité et des campagnes de formation aux usages des produits. Ils offrent gratuitement des livrets de sécurité remis au cours de leurs formations afin de donner toutes les informations pour travailler en toute sécurité et dans le respect de l’environnement ».
Un opérateur de la place affirme entendre que les sociétés de désinsectisation, de dératisation et de désinfection, autres utilisatrices de produits chimiques, sont la plupart du temps dans le domaine de l’informel, où l’exigence est mise de côté. Ils ne disposent en général pas de compétences en matière d’utilisation rationnelle des produits chimiques et exposent les populations et eux-mêmes à des produits non homologués présentant de réels dangers.
Mais, dans les zones minières industrielles, des mesures conservatoires sont prises en ce qui concerne les produits chimiques utilisés (cyanure, mercure, plomb, charbon, carbone, etc.) pour la protection de l’environnement. Les travailleurs des mines bénéficient d’une formation prenant en charge les normes de sécurité internationales (ISO). Ils disposent aussi de différents équipements spéciaux de protection (bottes, gants, lunettes, combinaisons). Ce que n’ont pas les orpailleurs, plus exposés et plus pollueurs.
« Cet article est publié avec le soutien de JDH – Journalistes pour les Droits Humains et le Fonds des Nations pour la Démocratie (FNUD/UNDEF) ».
Dramane Konta
Source: Le Credo