À l’issue de la marche des personnes handicapées de ce lundi 11 mars 2019 qui a été réprimé par la Police, nous avons rencontré,certains manifestants très remontés contre les autorités. Voici leurs réactions
Mahamadou KOUYATE, membre du Comité scientifique des jeunes diplômés handicapés : «Nous sommes très en colère»
La Police vient de disperser notre manifestation avec le gaz lacrymogène. Nous sommes très en colère, à savoir les handicapés physiques, les non-voyants. On vient de réprimer notre manifestation devant la Cité administrative. Nous sommes en train d’amener les blessés à notre base pour leur prise en charge. Pour le moment, nous déplorons quatre blessés. L’objectif cette marche était de revendiquer le droit à l’emploi pour les personnes handicapées. Depuis 1997, alors que l’actuel Président IBK était encore Premier ministre, le Gouvernement a commencé le recrutement spécial à la Fonction publique des personnes handicapées. Vu que ces personnes rencontraient beaucoup de difficultés au cours des études et subissaient souvent des humiliations avant d’obtenir leurs diplômes, IBK a décidé que cette faveur leur soit accordée. Ainsi, cette disposition a existé pendant tout le temps du régime d’ATT.
Mais, dès l’arrivée d’IBK à la présidence, on nous a fermé cette porte alors qu’il y avait le dossier de 70 personnes sur la table. Tout au long de ce mandat, le ministre Raky n’a fait que puiser dans cette liste par petites dizaines, alors que c’est tout le quota qui devrait être intégré en une seule fois. Aujourd’hui, nous comptons plus de 400 jeunes diplômés en situation de handicap. Ceux qui taxent les déserteurs et les détenteurs de faux diplôme d’être à l’origine des manifestations sont des gens médisants. Car, figurez-vous qu’il n’y a qu’une seule personne handicapée qui avait désertée un moment pour taper à la porte après sur les 400 jeunes diplômés. Aussi, sur la liste des 70 il y a eu 7 cas où la date qui existe sur l’extrait de naissance n’est pas conforme à la date de naissance sur le diplôme. Mais, tout le monde sait ce qui se passe au niveau de l’état civil au Mali, où une seule personne peut disposer de deux à trois copies différentes d’acte de naissance. Supposons que les 7 soient des cas de faux diplômes, et ajouté à cela un seul cas de déserteur, ça vous fait un total de 8 cas de dossiers déclarés irrecevables. Alors, que représentent 7 à 8 cas sur 400 pour qu’on nous dise que ce sont ces quelques PERSONNES qui sont derrière les agitations. S’agissant de faux diplômes, c’est un phénomène qui existe partout. Cette année, on a enregistré plus de 1000 cas lors des différents concours. Dans tous les cas, ce sont des autorités qui délivrent ces faux diplômes.
Assan DIARRA, une manifestante :
«Nous sommes là pour réclamer notre droit à l’emploi»
Nous sommes là pour réclamer notre droit à l’emploi. Nous avons souffert pendant les études pour décrocher nos diplômes, il n’y a pas de raison qu’à la fin des études que nous n’ayons pas accès à un emploi. Certes, à cause du handicap, on ne peut pas être recruté ni à la Police, ni à la Garde, ni à la Gendarmerie. Nous sommes donc disqualifiés, en tant que personnes handicapées pour ces genres de boulots. Nous revendiquons notre droit à l’emploi. Il y a le service du développement social, il y a des structures comme l’ANAM, pourquoi on ne peut pas nous prendre là-bas si nous ne pouvons pas porter l’uniforme ? Depuis 2012, on a mis fin au quota et nous sommes dans cette situation. C’est ce droit qu’on réclamait ce matin à travers cette marche. Quand nous sommes arrivés, on a bloqué l’entrée de la Cité administrative. Ils ont tout de suite appelé du renfort pour nous dégager manu militari. Nous ne pouvions pas imaginer que la police pouvait être aussi brutale avec des personnes en situation de handicap que nous sommes. Pour des gens qui n’ont pas de bons pieds, qui ne voient pas, vous leur lancez du gaz lacrymogène…
Sadio SANGARE, une non-voyante : «Dans quel pays de droit et de foi sommes-nous ?»
Nous nous sommes mobilisés ce matin pour réclamer nos droits. Nous n’avons ni provoqué ni insulté personne. Pendant que nous manifestions pacifiquement, la Police est venue nous intimider et nous a agressé physiquement. Il y a eu des gens qui ont perdu connaissance. Dans quel pays de droit et de foi sommes-nous ? Mais, nous sommes déterminés et nous n’allons jamais baisser les bras. Nous allons nous battre jusqu’à ce que nous soyons entendus ou, dans le pire des cas, jusqu’à la mort. Mais ce gouvernement n’aura pas la paix tant que nous ne sommes pas mis dans nos droits.
Chaka COULIBALY, porte-parole :
«Ça montre tout simplement l’image de l’État dans lequel on vit aujourd’hui»
Je fais partie des organisateurs de ces mouvements-là. Il s’agit en fait d’un mouvement qui défend l’emploi des personnes handicapées. On peut dire simplement que l’objectif, c’était l’emploi. En fait il y’a plusieurs volets, à savoir ce qu’on peut appeler la formation qui est un volet important de l’emploi. Il y’a aussi le financement des projets et le recrutement spécial des personnes handicapées à la Fonction publique. Voilà les trois sujets qui étaient à l’ordre du jour aujourd’hui. Bon, ça montre tout simplement l’image de l’État dans lequel on vit aujourd’hui. Un Etat qui ne respecte aucun droit, aucun humain, on va dire comme ça, donc on a été surpris. D’ailleurs, on pense que nous ne sommes pas capables d’être un danger pour ce pays, on est venu simplement faire un sit-in qui a été décidé démocratiquement. Les objectifs étaient définis, on a fait toutes les démarches possibles par rapport à ça et donc on pensait non simplement être connus, on pensait aussi qu’on ne pouvait plus représenter un danger.
Nous avons déjà tenu une assemblée tout de suite pour voir quelle direction il faut prendre. Bon, ce qui est sûr, nous sommes déterminés, mobilisés, à jamais et je pense que la lutte va continuer jusqu’à l’aboutissement de nos revendications.
Sidi Mohamed COULIBALY : «Nous sommes des handicapés, mais nous ne sommes pas des incapables»
Moi, je voudrais ajouter ceci. Ceux qui disent aujourd’hui que nous détenons des faux diplômes, ou que nous sommes des gens qui ont refusé l’emploi et par conséquent organisent des manifestations pour perturber l’ordre public ; aujourd’hui, allez-y demander à ces gens-là comment ils ont obtenu le poste qu’ils occupent ? Ils ont bénéficié de privilèges à travers la lutte du comité des jeunes.
La République du Mali est démocratique et l’avènement de la démocratie a été aussi avec aussi le concours des personnes handicapées. Et la constitution dit que nous naissons libres et égaux en droit. De ce fait, nous avons tous droit à l’emploi. Nous avons étudié dans des conditions extrêmement difficiles pour que nous ne soyons pas pris en compte. Dans cette lutte, nous avons entrepris des démarches diplomatiques ; nous avons rencontré le Premier ministre, la FEMAPH, le ministre du Développement social ; le ministre de la Fonction publique ; les autorités religieuses et coutumières, ainsi que toutes les personnes ressources susceptibles de nous aider à régler ce problème d’emploi des personnes handicapées sans succès. Aujourd’hui, nous étions sortis pour manifester notre désapprobation par la voie démocratique. Des lettres d’information ont été déposées à la Primature ; au ministère du Développement social ; au ministère de la Fonction publique et au Gouvernorat du district.
Mais? nous nous avons été surpris aujourd’hui que la Police et la Gendarmerie de la République qui reçoivent leurs salaires à partir des impôts que nous payons répriment une manifestation de personnes handicapées. C’est du jamais vu dans la République. Raison pour laquelle, nous prenons à témoins la presse, l’opinion nationale et internationale que les personnes handicapées ont été gazées au cours d’une manifestation pacifique, en revendiquant leur droit à l’emploi au Mali. Ce n’est que partie remise, nous allons revenir. Car notre slogan est clair : ‘’Le travail ou la mort !’’. Pour que les manifestations s’arrêtent, il faudrait qu’ils tuent toutes les personnes handicapées.
Le Comité des jeunes pour l’emploi qui a initié cette marche a fait le constat que la situation devient très grave à cause de l’inaction de la FEMAPH…
Propos recueillis par Abdoulaye OUATTARRA et
Joseph M. DAKOUO(Stagiaire)
Source: info-matin.