Les membres ‘’destitués’’ de la Cour constitutionnelle : la présidente Manassa Danioko et les conseillers Baya BERTHE et Bamassa SISSOKO ont, dans une lettre confidentielle adressé au Président de la République, dénoncé la « dissolution de la Cour constitutionnelle, par abrogation des décrets de nomination de ses Membres non démissionnaires ». IBK, en plus de la contestation du M5-RFP qui exige sa démission, fait maintenant face à Manassa et consorts en colère. Ce qui complique la tâche pour lui.
La présidente ‘’destituée’’ de la Cour constitutionnelle n’a pas digéré son départ prématuré de la tête de cette institution. Avec ses deux conseillers : Baya BERTHE et Bamassa SISSOKO aussi ‘’destitués’’, Manassa Danioko a dénoncé, dans une lettre confidentielle, le décret du Président IBK qu’elle trouve illégal. « Excellence Monsieur le Président de la République, l’histoire des démocraties nous enseigne que chaque Peuple a vécu une crise sociale. Et le règlement de toute crise, dans une société démocratique, s’inscrit dans un cadre légal », écrivent Manassa et consorts à IBK avant d’ajouter : « Pour les besoins du recours, nous entendons rappeler que la Constitution, norme suprême dans la République, consacre des garanties juridiques à chaque Institution pour assurer non seulement ‘’ sa permanence’’, mais surtout continuité. Ces garanties, dont la protection nous incombe tous, sont de nature à préserver le fonctionnement régulier des pouvoirs publics et des institutions ».
Pour ces membres contestés de la Cour constitutionnelle, le décret d’IBK par rapport à l’abrogation des décrets de leur nomination comporte des erreurs. « Si votre Décret a le mérite de comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constitueraient, semble-t-il, ses fondements, il apparait, au visa des faits de la cause que c’est au prix d’une ‘’erreur d’appréciation’’ qu’il a été mis fin aux fonctions des Membres non-démissionnaires de la Cour », estiment-ils. À les en croire, « il est fait grief au Décret d’avoir rapporté les décrets de nomination des Membres de la Cour alors que, d’une part, l’exercice d’un tel pouvoir de révocation ne figure nulle part dans les prérogatives constitutionnelles du Président de la République et, d’autre part, les considérations de fait et de droit y évoquées à tort procèdent d’une violation de la loi ».
Aux dires des membres chassés de la Cour constitutionnelle, les visas du Décret d’abrogation tentent de faire application des dispositions des articles 8, 9, 10 et 24 de la Loi n 097-010 du 11 février 1997, modifiée, portant loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle ainsi que la procédure suivie devant elle, alors que l’examen des faits de la cause atteste une erreur d’appréciation. «Ce qui constitue une violation de la Constitution par fausse interprétation de la Loi organique susvisée », lit-on dans leur requête.
Selon Manassa et autres, le décret d’abrogation de leur nomination est contraire au but recherché par la mission d’IBK. Ils estiment l’interprétation empruntée par le Décret d’abrogation d’IBK fait obstacle « au fonctionnement régulier de la Cour constitutionnelle » et à « la continuité de l’État ». « Une telle pratique constitue une violation manifeste de l’article 37 de la Constitution », laissent entendre Manassa et ses deux conseillers qui ne digèrent pas leur destitution.
La guerre ouverte entre IBK-Manassa
Si la présidente de la Cour constitutionnelle et le président de la République sont vus comme proches, leur relation se détériore. Les clashs ont, d’ailleurs, déjà commencé. « En rompant l’ordre constitutionnel, vous rompez la légitimité qui garantit votre propre mandat et celui des membres des autres Institutions de la République », entonnent Manassa et ses deux conseillers. Ils vont loin en mettant le chef de l’État en garde :« Il revient à la Cour constitutionnelle de vous rappeler que la violation de votre serment dans l’exercice de vos fonctions est constitutive de ‘’ haute trahison’’ prévue par l’article 95 de la Constitution ». Ils n’en décolèrent pas et ajoutent : « Dans ces conditions, la mission de garantie de la Constitution qui incombe aux membres de la Cour constitutionnelle ne leur permet aucunement de laisser s’appliquer une mesure aussi manifestement inconstitutionnelle et illégale ». Ils trouvent que l’exécution de ce Décret entrainera, sans nul doute, un lendemain inconstitutionnel et instable pour le Mali, une crise pire que celle que nous traversons aujourd’hui.
La dissolution, par IBK, de la Cour constitutionnelle et cette contre-attaque de Manassa fragilisera sans nul doute les relations entre les deux personnalités. Ce qui sera grave pour le président IBK, ça sera une victoire de ces membres ‘’destitués’’ de la Cour constitutionnelle sur lui en cas de requête à la cour suprême.
Cette lettre confidentielle de Manassa Danioko peut être vue comme une déclaration de guerre à IBK qui, depuis plus d’un mois, se bat à bras le corps pour sauver son précieux fauteuil.
Boureima Guindo
Source: Journal le Pays-Mali