Le Palais de la Culture Amadou Hampaté Ba a abrité, du 27 au 29 novembre, les assises de la table ronde sur l’éducation. La cérémonie d’ouverture était présidée par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, en présence du Premier ministre Abdoulaye Idrissa Maïga, du coordinateur général des conférences sociales, Pr Doulaye Konaté et de plusieurs personnalités de la communauté éducative.
Le maire de la commune V du district de Bamako, Amadou Ouattara, dans son mot de bienvenue, s’est réjoui de la tenue de ces assises dans sa commune. Et de rendre un vibrant hommage au chef de l’État pour avoir rehaussé l’éclat de cette cérémonie par sa présence. “Ces assises permettent de poser un vrai diagnostic de la situation de l’école malienne car l’éducation n’a cessé de figurer parmi les préoccupations des gouvernements qui se sont succédé, depuis la reforme de 1962”, a martelé l’édile de la commune V.
A sa suite, le coordinateur général des conférences sociales a indiqué que la table-ronde sur l’éducation est la première d’une série de trois tables-rondes qui sont les déclinaisons des conférences sociales dont l’organisation a été annoncée par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. “L’organisation de ces conférences sociales intervient dans le cadre de l’apaisement du climat social qui constitue l’un des quatre axes prioritaires de l’action gouvernementale”, a-t-il précisé.
À le croire, ces conférences sociales visent à encourager l’obtention d’un consensus entre les principaux acteurs du monde du travail pour résoudre les questions économiques importantes, promouvoir la bonne gouvernance, favoriser la paix et la stabilité sociale et stimuler l’économie.
À ses dires, le système éducatif malien connait, depuis de nombreuses années, une crise persistante malgré les énormes efforts consentis par l’État, les acteurs et les partenaires de l’école malienne. Et de poursuivre que l’école satisfait de moins en moins les attentes des utilisateurs de ses produits. Pour lui, la faiblesse de ses performances est décriée dans un contexte de compétitivité croissante au plan régional, africain et international. Cependant, dit-il, notre système éducatif a à son actif des réussites des pôles d’excellence et recèle de talents et de nombreuses potentialités.
Nécessité de repenser le pacte social en privilégiant le Mali
D’après lui, l’une des fonctions essentielles de l’éducation, à savoir la transmission des valeurs qui fondent le vivre ensemble, s’amenuise dans notre système. Ainsi, selon lui, l’espace dédié à la formation citoyenne qu’est censée être l’école ressemble davantage aujourd’hui à un champ de confrontations entre acteurs avec des violences en augmentation qui défraient régulièrement la chronique. Ces violences sont autant physiques que symboliques. “Ce mal-être de l’école malienne traduit en réalité une crise plus globale qui est celle de la société malienne, laquelle requiert sans doute un renouvellement du pacte social. Il me semble que celui établi au moment des indépendances et qui a permis la réforme de 1962 s’est érodé. La gravité de la situation que connait l’école malienne nécessite que l’on repense le pacte social en privilégiant ce qui nous est commun, c’est-à-dire le Mali. Le moment est peut-être venu de nous accorder au-delà de nos différences sur ce qui est important pour chacun d’entre nous et donc de savoir quel type de société nous voulons“, a-t-il laissé entendre.
Pour sa part, le président IBK dira que depuis l’avènement de la 3ème République, les autorités du Mali ont fait de l’éducation un secteur privilégié du développement économique et social du pays. “C’est donc convaincu de la place de l’éducation dans l’avenir d’une nation que le Mali, dès les premières années de son indépendance, s’est engagé sur la voie de la scolarisation universelle à travers la première réforme de système éducatif, en 1962, qui visait une éducation de qualité pour tous les enfants maliens et à moindres coûts”, a rappelé le Chef de l’État.
L’école malienne à l’image de la société globale avec des crises sans précédent
Pour le président IBK, cet engagement du gouvernement du Mali a été réaffirmé à la suite de la Conférence mondiale de l’éducation de Jomtien en 1990 et à la faveur de l’Éducation pour tous (Ept) ainsi que par les Objectifs de développement du millénaire pour 2015. Et d’ajouter qu’à partir de 1996, le gouvernement malien, avec l’appui de ses partenaires techniques et financiers, a élaboré et validé le programme décennal de développement de l’éducation (Prodec).
“Malgré ce programme ambitieux, à l’image de la société globale, l’école malienne connait une crise sans précédent. La crise du secteur éducatif est devenue, au fil des années, une préoccupation majeure pour la société malienne dans son ensemble, phénomène dont la persistance et la complexité se traduisent par un impact négatif patent, au plan national comme international”, a-t-il déploré.
Pour le chef de l’État malien, l’évolution du secteur de l’éducation la plus récente se caractérise par, entre autres, l’accroissement des flux dans les différents ordres d’enseignement, des grèves à répétition autant des enseignants que des élèves et étudiants, ainsi que par la montée de la violence dans le monde scolaire et universitaire.
Une école orientée vers davantage de justice sociale
De son avis, à cette situation, s’ajoutent celles du monde du travail qui se caractérise par de multiples vecteurs de changements comme la croissance démographique, les changements climatiques, l’innovation technologique, les frontières mouvantes de la pauvreté et de la prospérité, les inégalités, les nouveaux visages de la production et de l’emploi. À l’entendre, ces mutations invitent à imaginer l’avenir du travail afin de les orienter vers davantage de justice sociale, gage de la paix sociale fortement fragilisée de nos jours. À ce titre, dit-il, cela implique forcément un dialogue et une cohésion entre les acteurs de la vie économique et sociale du pays.
Pour finir, IBK a souligné que l’évolution du système éducatif malien, au cours des deux dernières années, est aussi et surtout marquée par l’exacerbation des tensions sociales entre différents acteurs de l’école, mais aussi à l’intérieur même de l’institution scolaire et universitaire avec des violences récurrentes et en constante augmentation. “De fait, l’institution scolaire et universitaire remplit de moins en moins sa fonction de formation citoyenne en tant que lieu de transmission des valeurs qui fondent le vivre ensemble” a-t-il affirmé.
Boubacar PAÏTAO
Source: Par Aujourd’hui-Mali