‘’Après avoir occupé les fonctions de ministre, de Premier ministre durant six ans et de président de l’Assemblée nationale, je ne veux plus être ministre de qui que ce soit’’. Le ton se voulait solennel quant à l’accomplissement d’un destin présidentiel. A 68 ans, IBK est-il sur le point de gagner son pari? Tout porte à le croire.
Le leader de la coalition pour le Mali d’abord est crédité d’une large avance sur ses poursuivants directs selon les résultats provisoires.
Une avance qui sera confirmée, aujourd’hui, par la proclamation des résultats définitifs par le ministère de l’Administration territoriale, mais qui va certainement être contestée par ses adversaires du FDR.
En entendant la validation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle, une certitude : le président du Rassemblement pour le Mali a réussi, au cours de la campagne, à incarner à la fois la volonté de rupture avec l’ancien système honni par les Maliens, mais aussi à répondre à leur souhait de retrouver un pays fort après dix-huit mois de crise.
Aussi, l’homme a-t-il conquis le cœur des Maliens par sa stature d’homme d’Etat, sa parfaite individualité morale et son patriotisme ardent.
C’est tout cela aujourd’hui qui pourra redonner à notre pays sa fierté d’antan.
Pour le gagner, l’homme a mis en branle une machine très efficace.
Avec une campagne de communication très efficace, IBK a été omniprésent.
Pendant la campagne, il s’est posé en garant de l’unité du Mali, dans un pays traumatisé par la menace de partition de 2012. Ces deux derniers mois, il s’est rendu dans les trois villes du nord : Tombouctou, Gao et Kidal.
Avec IBK, le ton promet de changer. Les grandes décisions, désormais, seront prises à Bamako.
«Il a su incarner l’attente des Maliens pour la restauration de l’Etat», explique un observateur européen.
«Le Mali a besoin d’un homme d’Etat qui lui redonne sa fierté», répétait IBK en fin de campagne.
Un discours qui semble répondre aux attentes du pays.
Dans l’immédiat, l’ex Premier ministre insiste sur son intention de changer les pratiques politiques, et affirme : «Cet homme, IBK, n’a jamais manqué à l’honneur, détourné un centime ni trompé son peuple, cet homme est réputé savoir défendre l’intérêt du Mali devant n’importe quel interlocuteur, d’où qu’il vienne, de quelque pays qu’il fût et sans complexe aucun. «
Profondément croyant et pratiquant, il est aussi un leader accompli dans la tolérance et l’ouverture à l’autre.
Défenseur infatigable de l’État républicain et de la laïcité, IBK est avant tout un fervent sympathisant hamalliste dont la soumission à Allah soubahanahou wat’Allah n’est jamais prise à défaut.
Dans l’épreuve, comme dans la félicité, El Hadj Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) aime rappeler cette autre devise : « hazboun’Allah walwal yakir » (seul sur Allah, je compte).
On comprendra alors pourquoi cet intellectuel pétri de savoir et noyé dans la culture occidentale ne rate jamais une mosquée les vendredis, en ayant une profonde considération pour l’Église, soit donc « ami » avec les chefs religieux, avec tous les chefs religieux du pays : imams, prêcheurs, maitres coraniques, évêques et pasteurs.
IBK n’est pas qu’un « ami » des leaders religieux, il est aussi leur « fils », « frère », leur « élève »
Aussi, qu’on le veuille ou non, l’ancien Premier ministre et président de l’Assemblée nationale est connu pour son amour pour le pays et pour lequel il est prêt à tous les sacrifices.
A ce Mali de rêve, IBK aura tout consacré, tout concédé. Patriote et démocrate convaincu qui a su plus que tout autre, dans sa posture, placer le Mali au-dessus de tout, le futur Président de la République est connu, même de ses adversaires, pour son attachement viscéral au passé glorieux et à la grandeur du Mali.
Il aime marteler que notre pays était une nation au moment où ceux qui aujourd’hui veulent nous donner des leçons vivaient en tribus sauvages.
Incarnation vivante des valeurs fondatrices de la société et de la nation maliennes (sens de l’honneur et de la dignité, la vérité, la justice, la solidarité, le don de soi, le respect de la parole donnée qui lui a voulu le nom de Kankelentigi), IBK est aussi respecté et adulé pour son engagement constant pour un Mali fier et digne, débout et respecté, qui se développe dans l’intérêt de tous ses fils, ruraux comme urbains, de l’intérieur comme de l’extérieur.
L’idéal et le rêve de ce patriote ayant œuvré inlassablement pour le Mali sont aujourd’hui, comme hier, partagés par de millions de Maliens. Et au Mali, ce rêve, est aujourd’hui, en passe d’être réalisé :
– Un Mali nouveau
– Un Mali nouveau où la parole serait donnée à tous
– Un Mali nouveau où le pouvoir serait à tous, non plus le pouvoir d’un parti unique ou d’un clan, mais un pouvoir démocratique où des partis politiques pourraient, avec des chances égales briguer les suffrages des électeurs.
– Un Mali nouveau où la justice serait la même pour tous ; non plus une justice à plusieurs vitesses, bref un Mali où la justice ne serait plus rendue au mieux offrant parce que la loi serait la même pour tous.
En quittant l’Adéma, pour y avoir été contraint et en s’engageant à faire autrement la politique, IBK a fondé sa politique « sur les vertus d’intégrité, de droiture, d’honneur et de dignité avec devise : « Penser ce que l’on dit, dire ce que l’on pense et faire ce que l’on dit ». « Tel est (dira-t-il) le RPM, tel restera (martèlera-t-il) le RPM. Que nul ne s’y trompe. Confiants, nous sommes. D’éducation, de conviction, nous le sommes. Mais intransigeant par rapport au Mali et au sort qui est fait médiocre aujourd’hui, nous restons.
Que ceux qui dans un tel contexte se sentent à l’étroit chez nous ou parmi nous veulent aller voir des prairies riantes ailleurs, eh bien qu’ils y aillent.
Démocrate, nous sommes. Patriotes, nous sommes. Aucun sentiment de rancœur, aucune rancune. Non ! Nous n’avons pas le temps de cultiver ce sentiment. (…) nous avons un seul trouble de sommeil aujourd’hui : c’est la situation des Maliens. La compassion pour notre peuple. C’est la seule qui nous tire de larmes et nous empêche de dormir, aujourd’hui. Au RPM, ce sentiment nous anime collectivement. C’est pourquoi, je dis être militant du RPM, c’est quelque part, danser le « janjo ». Au jour de l’honneur et la dignité triomphante, tous seront appelés au bal. Nous en serons collectivement, In Ch’allah ».
Aujourd’hui, l’histoire a une fois de plus donné raison, car c’est le RPM et toutes les autres forces politiques regroupées au sein de la coalition pour le Mali d’abord qui savourent cet instant de bonheur et de reconnaissance du peuple malien.
Mais pour autant, Ibrahim Boubacar Keita vient de loin, comme aime le dire cet homme politique de l’échiquier national chaque fois qu’il s’agit pour lui de parler de sa formation politique.
Après avoir été victime de sa propre formation politique qui l’a poussé vers la sortie, IBK s’est vu en 2002 spolier de sa victoire au profit du général Amadou Toumani TOURE.
Pour autant, leader conciliant qu’il est, appelant au calme, à la non-violence et ayant pris acte du verdict de la Cour constitutionnelle, il a fini par voter au second tour pour celui sur lequel le choix, malgré toutes les tripatouillages, a pu se porter : ATT.
Abordant la question plus personnelle de ses convictions, selon lesquelles la succession de 2002 était bel et bien préparée depuis plusieurs années, IBK livre ses impressions : “ Je dis toujours ce que je pense en des termes qu’il faut (…) je n’ai cité personne. Pourtant, tout a été mis en œuvre, géré avec méthode et organisation, pour arriver à une fin : la nomination d’un homme. Pour autant ! Ce que j’ai dit là, sans le désobliger, je l’ai dit au Général Amadou Toumani TOURE.
Pour autant ! Croyant comme mes collègues (leaders du regroupement Espoir 2002) autour de moi, privilégiant avant tout le pays et ses intérêts d’aujourd’hui et de demain, nous prenons acte du tripatouillage, des magouilles, des fraudes et de la volonté divine malgré tout ”.
Et d’ajouter : “ Durant la campagne, notre bloc est celui dont la plupart des membres ont eu ce discours-là. Si Dieu, dans Sa clémence et Sa miséricorde, Sa sagesse infinie, devait choisir quelqu’un d’autres que nous, qu’il nous inspire heureusement pour le bonheur du pays, pour que nous portions nos voix sur cette personne-là, que nous accompagnions cette personne là sans aucun opportunisme.
Nous ne sommes pas des gens qui marchandent à la petite semelle…Nous sommes des patriotes jusqu’à l’os, jusqu’à la moelle, qui discutons de l’intérêt supérieur du pays, de ce qu’il conviendra demain de mettre en œuvre comme politique ardue pour balayer tout ce que nous avons connu et à quoi, quelque part, nous avons participé. Il n’y a que des imbéciles qui ne se remettent pas en cause.
Nous avons ce courage politique-là. Il faut changer la donne au Mali. Il faut que les Maliens se retrouvent une confiance, entre fils de ce pays, que nous nous réconcilions ; non pas dans le verbe, mais concrètement. Notre alliance n’est pas une alliance de gens aigris qui gèrent des rancœurs. Nous avons trop souci du Mali pour nous confier de tels rôles que nous laissons à d’autres. (…) Pour nous, le sablier du temps fait son œuvre. Nul ne saurait l’arrêter. Il s’écoule et il s’écoulera inexorablement jusqu’au 08 Juin à 10 Heures.
Un nouveau Mali commencera son œuvre en ce moment-là. On peut circuler comme on veut. Nous sommes des politiques organisés en bloc; unis, soudés, solidaires qui savons ce que nous voulons pour le Mali, intransigeants et exigeants. Allié loyal, mais intransigeant et exigeant pour le Mali et ses intérêts ”.
Cependant, l’allié loyal, honnête et intègre qu’il pense avoir placé leur confiance a fini par poignarder IBK et son parti à un an des élections de 2007.
La logique de l’opposition
S’estimant indexés, comme les sorcières surprises par le lever du jour, les « situationnistes », se sentant morveux, ont donc mouché et concrétisé leur « combinazione ».
Par un coup de force que l’histoire de la démocratie malienne retiendra, ils ont chassé le RPM et ses députés de « l’unanimité parlementaire » qu’ils ont eux-mêmes instaurée pour former une « nouvelle majorité présidentielle ».
Quelle option restait-il dès lors au président de l’Assemblée nationale et à ses députés ?
La logique de l’Opposition que la presse, à raison, avait qualifiée, à l’époque, de « FORCEE », s’imposait.
« Oui, pour assouvir nous ne savons quel dessein, tous les groupes parlementaires excepté le groupe R.P.M. – M.P.R. – P.I.D.S. – R.D.T., ont été entrepris en tant que groupe, par de prétendus émissaires et par des membres du bureau de l’Assemblée nationale, pour former une soi-disant majorité présidentielle. En vérité, nous assistons à l’ouverture prématurée de la campagne électorale de 2007.
L’objectif affiché est d’affaiblir le R.P.M. et son président avant les élections générales de 2007, voire même si possible, l’isoler et l’abattre.
Qu’à Dieu ne plaise !
Nous prenons acte de tout cela avec sérénité, calme et sang-froid. Héritiers d’une longue et courageuse tradition de lutte conséquente pour l’indépendance, la liberté et la démocratie, nous ne saurions être ébranlés par ce qui restera comme un opprobre au front de tous ceux, désormais connus, qui ont pris la très lourde responsabilité historique d’initier, de diriger, de cautionner ou de se laisser entraîner dans une telle aventure.
Nous nous refusons avec la dernière énergie à cautionner par un biais ou un autre ce qui est un véritable attentat contre la démocratie. (…)
C’est pourquoi, donc, notre groupe refuse de trahir le peuple malien qui nous a massivement envoyés en ces lieux, pour faire les lois en son nom, lieu et place. Notre peuple apprécie déjà ce qui est en cours ici.
Formez donc le bureau tel qu’il vous a été instruit de le faire. Formez-le ! Mais sans nous. (…)
« Sachez-le, pour notre peuple, pour la démocratie, nous ne redoutons pas plus vos dédains que vos menaces».
Vous pouvez bafouer nos droits, croire nous humilier, vous ne pourrez jamais, ni nous déshonorer, ni nous abattre. » (cf. Déclaration du groupe parlementaire RPM-MPR-PIDS-RDT du 14 octobre 2005).
Une semaine après, le Doyen Kadari BAMBA rendait tragiquement l’âme dans un accident de circulation.
Le parti majoritaire est donc en MISSION dans l’opposition.
Le Bureau politique national et toutes les instances du parti entérinèrent la décision et le choix patriotiques des députés.
Isolés d’abord avec sa majorité, laminés ensuite avec sa poignée de députés, IBK et son parti sont, pourtant, malgré tout, contre vents et marrées, restés débout dignes et fiers.
Lors des présentielles de 2007, tout a été également fait pour humilier le président du Rassemblement pour le Mali qui refusait de renoncer à son idéal et à son ambition pour le Mali.
Malgré la honteuse mascarade électorale dont les apprentis sorciers du régime en place se sont fait maître pour permettre à leur idole de rempiler dès le premier tour avec un score à la nord-coréenne, IBK a enseigné une leçon de morale et de sagesse politiques à ses adversaires : « Chers amis, pour autant démocrates et républicains dans l’âme, nous ne serons jamais de ces incendiaires que nous avons connus il n’y a guère longtemps.
Nous ne nous amuserons jamais avec les institutions de la République, car nous sommes républicains. Et nous disons «dura lex sed lex » (la loi est dure, mais elle est la loi). Mais puisque la Cour constitutionnelle du Mali a dit le droit, nous en prenons acte.
Contrairement à d’autres qui, on se rappelle, avaient choisi de ne pas reconnaître les institutions et de se mettre en marge du processus électoral, nous, nous n’appellerons pas Amadou Toumani TOURE que la Cour a déclaré vainqueur M. Touré, mais M. le président de la République parce que nous sommes des républicains. Contrairement à eux, nous n’appellerons pas à mettre le pays à feu et à sang, parce que nous aimons et mettons le Mali et la République au-dessus de tout.
Nous serons, tout au long de notre légitime combat, fidèles à nos principes, à nos convictions. La république est en fondation quelque part, la démocratie est en fondation. Nous allons faire un parcours commun pour arriver à ce que nous souhaitons.
Pour l’heure, il nous reste un devoir : faire en sorte que ce pays soit un Etat de droit véritable, et non factice. Il faut qu’il règne une république au sein de laquelle les actes posés au nom de l’ensemble le soient dans le strict respect de la loi ».
Malgré toutes ces péripéties, toutes ces traversées du désert, IBK a fait montre de lucidité à toute épreuve, et su attendre son tour.
Cette année 2013 a été celle qui a été prédestinée pour son destin présidentiel.
Et là, le peuple, reconnaissant de tous les sacrifices qu’il a faits pour le Mali, l’a servi de la belle des manières.
Ecraser par les urnes ses pires ennemis politiques est une consécration que le bon Dieu, Omniscient et Omniprésent, ne pouvait lui accorder sur un plateau d’argent.
Par Mohamed D. DIAWARA
Source: info-matin