Le président IBK a une hantise. Il n’accepte pas qu’il soit dit par ses contemporains et écrit pour l’éternité qu’il a été mal réélu pour son second et ultime mandat à la présidence du Mali.
Quand des dizaines voire centaines de milliers de nos concitoyens battaient le pavé, plusieurs samedis de suite à Bamako et dans de nombreuses agglomérations à l’intérieur du pays et que ceux de la diaspora prenaient le relais dans des capitales africaines et à Paris pour protester contre » le hold-up électoral » ayant permis son maintien à Koulouba, IBK disait avec le plus grand sérieux : » La volonté du peuple s’est librement et majoritairement exprimée en ma faveur« .
Il maintiendra cette posture quand des groupes de Maliens viendront assiéger les luxueux palaces où il avait pris ses quartiers (une vieille habitude que la crise sécuritaire et financière du pays n’a pas modifiée) à New York, à Washington, dans la capitale française. Pour proférer des propos désobligeants à son endroit et lui exiger de « dégager » d’un pouvoir confisqué « au mépris du suffrage populaire et de la loi « .
Il restera insensible à l’accueil fort mouvementé (brutalités policières, interpellations musclées, courses-poursuites des manifestants) qui lui a été fait à son retour de sa nouba euro-américaine. Convaincu que l’élection s’est déroulée dans des conditions quasi irréprochables et que les électeurs ont fait » un choix sans équivoque« .
IBK est donc resté égal à lui-même, » droit dans ses bottes » (pour lui emprunter une expression qui lui est chère) dans l’interview qu’il a accordée à notre confrère parisien Jeune Afrique. Une interview qu’il a perçue comme » pain béni » pour dire au monde entier qu’il est un président légal et légitime, qu’il continuera à représenter le Mali, drapé dans une dignité immaculée et qu’il entend aller au bout de ce deuxième quinquennat. Pour « la grandeur du Mali » et » le bonheur des Maliens« .
Cette obsession de paraitre comme un président bien élu, qui entend exercer la plénitude de ses prérogatives et ne céder que ce qu’il veut bien céder explique l’attitude déroutante dont il a fait montre lors des discussions avec l’opposition autour de » l’accord politique » accompagné d’ » une feuille de route « .
Il a commencé par désigner Dr Boubou Cissé au poste de Premier ministre » sans consulter » l’opposition, à en croire celle-là. Puis, sur cette lancée, soupçonnant Soumaïla Cissé et ses camarades de le croire en position de faiblesse et de projeter de lui imposer « un partage de responsabilités » il jeta à la corbeille le projet d’accord politique qu’ils avaient concocté. En ses lieu et place il en dicta un autre à son Premier ministre qui mit les choses au clair. Premièrement le gouvernement à former travaillera à la mise en œuvre du programme électoral du président. Deuxièmement, les ministres sont choisis par le Premier ministre sur une liste de noms qui lui est soumise par les partis politiques dont ils émanent et répondent devant lui et lui seul.
Au final la partie significative de l’opposition n’a pas signé l’accord politique de gouvernance et ne participe pas au gouvernement dit de mission.
Un scenario analogue est à redouter pour le dialogue national inclusif, vers lequel tendent tous les espoirs. IBK a mis en place un directoire tout à fait honorable qui a promis de mener sa mission dans le sens d’une inclusivité sans faille. Mais, dans son interview à Jeune Afrique qui a fait monter d’un cran le thermomètre politique, il a fixé les limites de ces assises de la dernière chance : elles ne seront » ni une conférence nationale, ni un troisième tour électoral.«
Autant dire qu’il entend rester plus que jamais ferme à la barre du bateau Mali.
Saouti Haïdara
Source: l’Indépendant