Alors que nous nous approchons du 29 juillet, date fatidique à laquelle le Mali dans son ensemble, doit par le processus démocratique se prononcer sur le devenir de la nation, le temps du bilan est arrivé. C’est au sein des réalités sociétales maliennes confuses, exécrables, inquiétantes et incertaines, qu’il faut trouver les caractéristiques adéquates pour expliquer sans trahir, l’état actuel d’une société qui, depuis toute son Histoire, n’a été aussi pitoyablement dirigé.
Il convient aujourd’hui de distinguer le haut du bas, du cru du non cru et du pourri, afin de mettre en lumière la médiocrité normalisée dans la gestion des affaires publiques durant les cinq dernières années. Aussi difficile qu’il puisse paraître à examiner, nous pensons que de l’avant IBK à l’après IBK, le Mali est passé du précipice à l’abîme.
De la gouvernance d’IBK à sa candidature, quel bilan ?
Avant le 4 septembre 2013, l’armée républicaine du Mali était présente sur toute l’étendue du territoire, y compris dans la région de Kidal. Du Nord comme au sud, l’entente, l’harmonie, la cohésion sociale, la solidarité réciproque, la mutuelle compréhension régnaient toujours entre nos différentes communautés.
De tout temps, la diversité culturelle et ethnique aura été une particularité de la société malienne, une source de richesse et jamais un point de discorde entre les Maliens. La crise sécuritaire était contenue dans seulement une partie du pays, le Nord. Un Etat, c’est d’abord l’assurance de la fonction régalienne, sur le plan de la restauration de l’Etat et du maintien de la cohésion sociale, IBK a échoué.
L’Etat, c’est aussi l’administration du patrimoine public pour le mettre à la disposition du peuple dans sa globalité. Dit autrement, c’est l’adéquation des richesses nationales avec leur meilleure répartition entre les citoyens. C’est la lutte contre la faim, contre la mauvaise gouvernance économique, contre les délinquances financières. L’Etat, c’est la force des institutions dans les représentations des aspirations collectives.
Le Mali qui nous a conduits aux élections de 2013, est celui d’un gouvernement de transition qui, tant bien que mal, pendant une période de plus d’une année, a su relever le défi de l’organisation des élections, malgré des relations bilatérales compliquées avec les partenaires financiers.
Le 4 septembre 2013, le peuple souverain du Mali, dans la quête de l’espoir et la restauration des perspectives meilleures, à confier la direction du pays à celui qu’il estimait être à la hauteur de leur espérance, “l’homme de la situation” pour ainsi rappeler la phrase préférée des maliens à l’époque. Cinq ans après, la situation est telle que la gestion du pays est tout simplement calamiteuse. Les Maliens vivent dans le brouillard, sans aucune perspective réelle.
Le pays est divisé en deux. Plus que jamais, la faim a atteint son paroxysme (près de 5 76 195 393 de maliens sont menacés de faim). Plus que jamais, la confiance entre les gouvernants et les gouvernés n’a été aussi détériorée, à telle enseigne qu’on se questionne si les autorités vivent dans le même pays que le commun du mortel. Après cinq années de gouvernance léthargique, aujourd’hui plus de 140 000 Maliens sont déplacés, et repartis entre les pays limitrophes, Mauritanie, Burkina et Niger.
Cinq ans après, la précarité économique au Mali est à son comble, près de la moitié de la population vit au-dessous du seuil de pauvreté, cela, malgré l’augmentation graduelle des dépenses budgétaires, 1308,5 milliards pour 2014, 1488,0 milliards pour 2015, 1752,9 milliards pour 1752,2 2016 et 2028,0 milliard pour 2017 (projection TOFE 2017-2020), la situation sociale est de plus en plus désastreuse. Le Mali aujourd’hui fait face à des défis à la fois structurels et conjoncturels sans précédents : justice sociale, sécurité intérieure, chômage structurel, déficit des finances publiques, augmentation du prix des produits de première nécessité, descente en enfer de l’éducation tant sociale qu’académique, sont autant de sujets qui érodent et creusent de l’intérieur l’avancement de la société. Le front social est en ébullition en témoigne le nombre des grèves illimités. Sous IBK, pour être écouté, il faut être dans le radical, il faut montrer ses biceps.
Nous retenons également, que le gouvernement actuel se vante des avancées de Loi de programmation militaire, et l’appel au désarmement du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Pourtant sur le terrain, le constat est tout simplement amer. La situation sécuritaire est exécrable, et aucun Malien du Nord comme du Sud, ne peut affirmer avec certitude qu’il est en sécurité. De 2013 à nos jours, plus de 2000 Maliens ont perdu la vie. L’absence de l’autorité de la loi, la faiblesse des institutions, la mauvaise gouvernance administrative et financière, la politique managériale inadaptée et incongrue de l’Etat, sont les véritables facteurs explicatifs de l’instabilité et de l’insécurité dans le centre du Mali.
De surcroit, l’accord d’Alger dont l’application a engendré la hausse des dépenses publiques, n’arrive toujours pas à produire ses effets sur le terrain. Cela met en branle le climat des affaires et décourage les investissements, sources de création d’emploi et donc de productivité de l’économie. Selon Doing Business 2016, qui enquête sur le climat des affaires dans les pays, le Mali est 141e sur 190 pays concernés.
Pourtant, sans vergogne aucune, le porte-parole du gouvernement M. Koïta sur les antennes de RFI, n’a de honte à qualifier le bilan d’IBK de positif, concernant la question de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale. Pour ce qui est du processus DDR (désarmement, démobilisation, et réinsertion-réintégration), il reste à désirer, dans le sens qu’il n’est pas jusqu’à nos jours déclenchés.
C’est sur fond de ces résultats désastreux, que nous avons eu droit à une déclaration de candidature de 14minutes 26scondes de la part du président de la République depuis son domicile. On aura compris ce lundi 28 Mai, même dans la déclaration de candidature du président, cette arrogance, cette immaturité politique d’utiliser la chaîne nationale pour sa fanfaronnade. Aujourd’hui, l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (ORTM) qui, avant tout fonctionne grâce à l’impôt du contribuable, est devenu une propriété privée du président et de son clan.
Durant cette déclaration, IBK n’a pas eu l’humilité nécessaire pour reconnaitre les failles, les manquements, les dérives régulières de sa gouvernance exécrable dans laquelle nous sommes piégés aujourd’hui. Pire, il s’arroge le privilège d’avoir contribué à l’amélioration des conditions de vie des Maliens, à travers des mesures prises dans le domaine de la santé et de l’éducation.
Nonobstant ces faits, c’est sous le règne d’IBK, que le secteur sanitaire, a connu la plus grande crise de toute son existence dans le Mali indépendant. Pendant 36 jours, ce secteur a observé une grève générale sur toute l’étendue du territoire du Mali. Des malades abandonnés à eux-mêmes dans les centres hospitaliers, des familles de malades terrorisées à l’idée de voir leur proche dans un état de souffrance inouïe et insupportable.
L’heure de la Mobilisation et du sursaut
Au regard de ces faits incontestables, beaucoup de maliens ont estimé, que IBK allait tout simplement se retirer, se comporter en chef d’Etat, et choisir le camp de l’histoire en ne devenant pas candidat aux prochaines échéances électorales, c’est méconnaitre l’homme IBK et son goût démesuré pour le pouvoir. Néanmoins, il a fait le choix de se porter candidat, disons lui Merci, car, il donne enfin l’opportunité au peuple souverain, de le sanctionner par la plus belle des manières.
L’aspiration du peuple malien, est aujourd’hui le changement et l’alternance. C’est ainsi conscient de toutes ses réalités inextricables et des enjeux des élections présidentielles futures, qu’un ensemble de partis politiques, leaders d’opinion, activistes, associations, leaders religieux et autres, se sont retrouvés au sein de la “Coalition pour l’alternance et le changement en 2018” pour justement concrétiser le changement dont aspire tant notre vaillant peuple.
Pour ce faire, cette coalition entend entreprendre une grande marche patriotique ce samedi 2 juin à 8 h à la place de la liberté. L’objectif est de prévenir l’opinion nationale et internationale contre toute tentative de fraude, de tricherie électorale pouvant nous amener à des élections bâclées, sources de contestations et de crises post-électorales. Il convient de dire également que, le but de cette grande marche, consiste en outre, à libérer l’ORTM du joug du gouvernement et de sa bande, afin de lui redonner le sens premier de sa mission, qui est de servir la nation et non un seul homme !
Maliens, d’ici et d’ailleurs, le devoir nous appelle ! Sauvons le Mali des griffes !
Etienne Fakaba Sissoko (économiste, professeur d’université)
Khalid Dembélé (économiste, chercheur au Crapes)
Ballan Diakité (politologue, chercheur au Crapes)
Source: L’ indicateur du renouveau